vendredi 5 mai 2017

L’indécente visite d’Emmanuel Macron au Mémorial de la Shoah

Que fera-t-il pour protéger les Français juifs d’aujourd’hui?

Barbara Lefebvre
est enseignante.
Publié le 02 mai 2017 / Société
Emmanuel Macron au Mémorial de la Shoah, avril 2017. SIPA. 00804606_000020
L’indécence du lamento sans larme des politiciens qui visitent le Mémorial de la Shoah atteint ses limites quand tout le gratin communautaire se presse servilement autour d’un candidat à la présidentielle à sept jours du scrutin. Spectacle navrant que celui offert ce dimanche aux yeux des Français et parmi eux des Français juifs. Propos d’une banalité affligeante, réitération sans fin et sans effet des mêmes formules creuses : devoir de mémoire, plus jamais ça, victimes de la barbarie, etc. Ca fait trente ans que les politiques les répètent, accompagnés du rassurant « les Juifs ont toute leur place en France ». Encore heureux et « bien le merci » d’accorder aux Français juifs, enracinés depuis des siècles dans ce pays, une place de citoyens à part entière.
Ils l’ont méritée par leur loyauté indéfectible à la République laïque, par leur assimilation profonde à l’univers culturel français et par leur contribution à son rayonnement mondial. Ils l’ont aussi méritée car ils ont combattu pour elle lors de deux guerres mondiales, y compris comme volontaires et résistants en 1940 quand rien ne les y obligeait sinon l’amour de la patrie. La fidélité et la reconnaissance envers ce pays qui avait fait d’eux des citoyens émancipés. Le patriotisme des juifs de France ne s’est jamais démenti, et c’est bien ce qui rend leur amertume actuelle si grave, si bouleversante, si alarmante.

La peste d’aujourd’hui n’est pas brune

Et de cela Emmanuel Macron ne parle pas, ni même ne l’évoque. La présente souffrance patriotique des Juifs de France est un secret qu’on étouffe. Au sein même des instances communautaires, on fait tout ce qu’on peut pour apaiser cette souffrance qui vire à la colère à mesure que l’on compte les morts. Oui en France, depuis 1945, on a tué des Juifs parce qu’ils étaient juifs et jusqu’à preuve du contraire, leurs assassins n’étaient ni des néonazis, ni des militants frontistes. L’antisémitisme de l’extrême-droite nous le connaissons, c’est le vieil antisémitisme antidreyfusard, des Drumond et du père Le Pen et ses acolytes Gollnisch et Soral. Il radote ses vieilles rengaines et l’Europe s’est bien armée contre lui. Elle a inventé l’antiracisme. Et voilà que l’antiracisme sert maintenant de paravent aux nouveaux antisémites des Indigènes de la République, de l’Union des organisations islamiques de France (UOIF), du Collectif contre l’Islamophobie en France (CCIF), des Barakacity et autres associations musulmanes soi-disant occupées à réduire les inégalités et les discriminations dont sont victimes les musulmans de France.
Ces « antiracistes » là déploient depuis trente ans sur notre territoire un tout autre discours que le plus jamais ça. Leur haine de l’Occident impérialiste, leur délire complotiste nourri au Protocole des sages de Sion ont gangréné les esprits, se sont diffusés dans les « Territoires perdus de la République ». Nous en avons témoigné, nous continuons de le faire. On nous traite de pompiers-pyromanes. Pourtant cette idéologie de haine a produit les Youssouf Fofana, Mohamed Merah, Amedy Coulibaly, les Kouachi, Nemmouche. Ce sont eux les assassins des Français juifs des quinze dernières années.
La Shoah sert à couvrir d’un voile pudique le nouvel antisémitisme qui se répand comme la peste en Europe. Et elle n’est pas brune, n’en déplaise à Messieurs Fredj et Macron unis dans la mise en scène indécente de cette visite au Mémorial de la Shoah en pleine campagne électorale. Les six millions de Juifs assassinés parce que juifs – et pour ce seul motif – sont les victimes de l’antisémitisme européen que l’extrême-droite a porté à son paroxysme criminel et dont les signes annonciateurs existaient avant le nazisme.

Elle s’appelait Sarah Lucie Halimi…

Les Français juifs d’aujourd’hui sont majoritairement d’origine séfarade. Les Juifs du monde arabe ont une autre histoire, qu’on ne veut pas entendre, une autre mémoire que personne ne veut défendre. Ils ont aussi un autre regard sur cette instrumentalisation infâme de l’histoire des Juifs qui sévit depuis trente ans en Europe. Ils regardent en face la haine antijuive qu’ils retrouvent en France dans les yeux de ce voisin musulman qui traite sa voisine sexagénaire de « sale juive » pendant des mois, jusqu’au jour où il l’assassine en la défénestrant. C’était il y a un mois. Elle s’appelait Sarah Lucie Halimi. M. Macron n’a pas pensé à elle dimanche au Mémorial de la Shoah. M. Fredj non plus trop occupé à envoyer le message du « vote utile contre la peste brune ». Moi c’est à elle que j’ai pensé. A Ilan, à Arieh, à Myriam, à tous les autres morts et aujourd’hui enterrés en Israël.

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Car cela aussi M. Macron ne s’en inquiète pas : de plus en plus de familles désespérées de voir la France se perdre par aveuglement munichois, préfèrent enterrer leur mort ailleurs que sur leur terre natale. Cela en dit beaucoup sur l’état de la France et sur le lien qui se délite entre elle et les Français juifs, de classe moyenne et de petite condition abandonnés car démographiquement insignifiant. Ils sont nombreux à refuser que dans quelques décennies leurs tombes et celles de leurs proches ne soient au mieux abandonnées au pire profanées comme elles le sont partout où les Juifs ont existé et d’où ils furent chassés ou exécutés. De la Pologne à l’Algérie en passant par l’Ukraine et l’Irak.

Macron ne connait pas le sens du terme « crime contre l’humanité »

Après les Arméniens qui ont eu droit à leur dépôt de gerbe, la Résistance et les civils assassinés d’Oradour-sur-Glane, c’était donc le tour des Juifs. Incontournable dans l’esprit de celui qui a besoin de mobiliser contre l’extrême-droite avant dimanche 7 mai. C’était utile, comme le vote qu’il nous supplie de lui accorder pour éloigner le bruit des bottes qu’il est le seul à entendre. Pour l’instant ce qu’on a entendu, c’est le bruit de la kalachnikov et contre ce bruit-là ce n’est pas l’appel à « voter Macron » d’Hani Ramadan et de l’UOIF qui rassureront les indécis, habités par l’envie de s’abstenir…
Emmanuel Macron, on le sait, ne connaît pas le sens du terme « crime contre l’humanité », peut-être à l’occasion de ces trois déplacements d’entre-deux-tours en aura-t-il compris le sens ? Il aura peut-être saisi combien son parallèle entre la colonisation et le crime contre l’humanité était inacceptable, inaudible, insultant. Peut-être… Ce qui est sûr en revanche, c’est que pas une fois, au cours de ses divers échanges avec les représentants communautaires ou au cours de sa campagne, il n’aura dit aux Juifs de France qu’il avait conscience de la menace vitale qui pèse sur eux et qu’il avait un plan efficace pour lutter contre elle.

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