jeudi 15 juin 2017

Affaire Ferrand, moralisation : l’heure de la déception a vite sonné

L’enthousiasme est tel pour le Président Macron que les élections législatives, s’il ne s’agissait que de prendre en compte la perception qu’on a de lui, de son image et de son action, lui garantiraient à l’évidence une majorité absolue pour LREM.
L’intrusion courtoise mais ferme du parler-vrai dans le langage diplomatique a été une révélation, et à tort ou à raison – mais sans doute de manière trop précipitée -, on a auguré, à partir de ces réunions emblématiques face aux « grands » de ce monde, une démarche novatrice alliant allure, politesse, sincérité et fermeté. Sans l’habituel sabir qui résume, si j’ose dire, les entretiens.
Ce n’est pas pour rien que j’évoque sabir et langue de bois. Parce qu’on avait la certitude, au nom de la cohérence, qu’une heureuse contagion passerait du Président au Premier ministre et que celui-ci, occupé presque exclusivement par l’affaire Ferrand, saurait apporter à la gestion de cette navrante périphérie la même originalité, la même invention que celles qui sont mises en évidence dans les domaines essentiels et prioritaires.
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C’est le contraire qui doit être constaté. L’argumentation d’Édouard Philippe au sujet de la situation et des « arrangements » multiples – intérêts privés mêlés aux affaires publiques – de Richard Ferrand a sa place, malheureusement, dans le pire des justifications d’une droite et d’une gauche orthodoxes. Elle est d’un triste classicisme confondant quand on espérait, de la part de ce pouvoir, une fraîcheur et une réactivité éclatantes face à ces ombres qui auraient été dérisoires si elles avaient été dissipées de suite (Le Monde).
Le succès présidentiel d’Emmanuel Macron a été construit au moins partiellement sur la moralisation attendue de la vie publique. Lui-même, accordé avec les exigences formulées, légitimait ce projet au point de le confier à un François Bayrou plausible pour sa prise en charge.
Richard Ferrand est arrivé si rapidement, si maladroitement, comme un intrus, un trublion dans ce dispositif programmé pour l’intégrité et l’exemplarité politiques que, la surprise passée, il aurait dû être incité à se retirer de lui-même.
En effet, le temps traînant, non seulement la promesse initiale est moquée, voire oubliée, mais le cynisme civique, aux antipodes de ce que le Président souhaitait susciter et que pour la part qui lui revient il a su réduire à néant, se défoule dans le lamentable « Tous pourris » et cultive la déplorable constatation qu’aucune autorité n’est plus digne de pouvoir donner des leçons de morale.
Le Premier ministre a d’abord défendu son ministre – qui, par ailleurs, a fait une prestation catastrophique d’hypocrisie et d’insincérité sur France Inter – en laissant à l’élection future le soin de trancher son cas, puis il a repris l’antienne commode sur la mise en examen qui serait le seul motif d’une exclusion. À mon sens, cette apologie si peu novatrice relève d’une fausse habileté d’autant plus qu’en même temps, Édouard Philippe a eu l’honnêteté de souligner qu’il avait « parfaitement conscience de l’exaspération des Français » (France 2). Étrange manière de l’apaiser !
Il est dommage que le président de la République se soit senti tenu, lors du Conseil des ministres, de renouveler sa confiance à Richard Ferrand, tout en réclamant « solidarité et exemplarité ». Il dénonce « la presse se faisant juge » mais, en l’occurrence, elle n’a pas créé le terreau trouble qui fait pour le moins débat.
J’entends bien qu’aucune enquête n’a été ordonnée sur l’ensemble des « arrangements » de Richard Ferrand, en sa qualité de directeur général des Mutuelles du Mans – qu’elles l’aient soutenu n’est pas décisif ! -, en faveur de sa compagne, de son ex-épouse et de ses proches et que, donc, une mise en examen est actuellement inconcevable. Cependant, pour qui connaît un peu la matière pénale,le parquet de Brest – le PNF n’étant pas compétent – n’a pas été très acharné dans la recherche d’une qualification qui aurait pu s’orienter vers des présomptions d’abus de confiance ou d’escroquerie.
Mais là n’est pas l’essentiel. Que les manœuvres et les combines de Richard Ferrand aient été licites et relativement anciennes, elles n’en demeurent pas moins, dans leur tonalité et leur esprit, indélicates, ambiguës et à la marge. Comme pour la femme de César qui ne devait même pas être soupçonnée, la révolution « Macron » avait pour obligation d’abandonner sur-le-champ Richard Ferrand à son seul sort législatif. Que ce dernier ait un travail ministériel à accomplir et s’affirme « honnête » ne devrait pas faire dévier de cette ligne : à cause de lui , un pan capital tenant à la parole présidentielle et à la crédibilité gouvernementale est à l’eau.
On attendait autre chose, pour le sauver, que ces banalités montrant que le changement, c’est maintenant certes, mais pas partout !

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