jeudi 15 juin 2017

On ne fait pas d’opération « mains propres » avec des mains sales

Il faut être absolument irréprochable quand on veut jouer au Père la Vertu. François Fillon l’a appris à ses dépens. Même si l’on peut penser que les accusations lancées contre lui pendant la campagne présidentielle furent largement instrumentalisées, comme l’arroseur arrosé, il reçut le contrecoup des coups qu’il avait lui-même portés.
Mais que dire d’un Président et de son équipe qui se sont placés sous le signe de l’intégrité morale ? Qui ont voulu que le premier chantier du gouvernement soit l’élaboration d’une loi de moralisation de la vie publique ? Voici que des affaires, avant même que le projet de loi soit présenté au Conseil des ministres, viennent toucher La République en marche.
Il y a, bien sûr, Richard Ferrand, un des premiers compagnons de route d’Emmanuel Macron, fidèle parmi les fidèles, qui se voit accusé par la presse de conflit d’intérêts et de favoritisme familial. On apprend, ce matin, que le parquet de Brest a finalement décidé d’ouvrir une enquête préliminaire. Interrogé sur cette affaire lors de sa conférence de presse, François Bayrou a refusé de la commenter, rappelant que, selon l’article 30 du Code de procédure pénale, « il ne peut adresser [aux magistrats du ministère public] aucune instruction dans des affaires individuelles ».
Comme si cette affaire ne suffisait pas, ce sont plusieurs candidats LREM, investis pour les législatives, qui se voient pointés du doigt et livrés en pâture à l’opinion. Il faut reconnaître que, lorsque l’on veut renouveler l’Assemblée nationale, quelques brebis galeuses, en dépit des contrôles, peuvent s’insérer dans le troupeau.
Chaque jour vient donc apporter son lot d’annonces : une candidate de Seine-Saint-Denis est accusée par Mediapart d’avoir été une marchande de sommeil ; le suppléant d’une candidate de Marseille se voit reprocher un dérapage verbal contre Patrick Mennucci, rapporté par une auditrice de France Inter.
Ajoutons une candidate du Nord, qui aurait été condamnée en mars 2011 pour faux et usage de faux ; un autre, qui a vu son investiture suspendue pour avoir subi une peine d’inéligibilité en 2003 ; une autre qui profiterait de son congé maladie pour faire campagne… On pourrait multiplier les exemples, comme cette candidate de l’Eure qui aurait – crime suprême ! – sollicité le FN en 2014 pour figurer sur ses listes aux élections régionales.
Quant à Marielle de Sarnez, proche de François Bayrou et ministre du gouvernement, elle fait l’objet d’une enquête préliminaire, ainsi que dix-huit autres députés européens, pour « abus de confiance » portant sur des soupçons d’emplois fictifs d’assistants parlementaires.
Tout comme des députés du Front national. C’est, d’ailleurs, une élue FN qui a révélé cette affaire à la Justice.
Si les médias, si les réseaux sociaux, si les simples citoyens ou les élus du peuple se mettent à faire le ménage à la place de la Justice, dans tous les coins et dans tous les partis, on en viendra bientôt aux plus belles heures de la Libération, où chacun dénonçait son voisin, les résistants de la dernière heure étant les plus zélés. À trop vouloir jouer aux chevaliers blancs, on est éclaboussé par la boue qu’on prétend nettoyer.
On saura prochainement si ces affaires auront des répercussions sur le résultat des élections législatives. Quoi qu’il en soit, on peut d’ores et déjà en tirer une double leçon. D’abord, cette chasse aux poux n’est pas glorieuse. Laissons faire la Justice : si elle ne se comporte pas toujours de façon impartiale, réformons-la. Ensuite, quand les leçons de morale ne servent qu’à l’enflure de soi, le moindre manquement est dévastateur : on ne fait pas d’opération « mains-propres » avec des mains sales.

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