Les constructifs au bord de la rupture
Rien ne va plus à l'Assemblée nationale entre "la bande à Solère" et les députés centristes de l'UDI. Ces derniers envisagent de prendre le large. Seuls.
PAR OLIVIER PÉROU ET HUGO DOMENACH
Publié le | Le Point.fr
« On se fait rouler dans la farine. Ça va exploser. » Ce député UDI est à bout de nerfs et, comme bon nombre de ses camarades centristes du groupe des constructifs de l'Assemblée nationale, le manque de considération de la majorité à leur égard n'en finit pas de l'agacer. « On est moins bien traités que Les Républicains. Sur la loi sécurité, l'amendement de Lagarde a été refusé et celui de Ciotti, accepté », constate le député de Seine-et-Marne Yves Jégo. S'ils ont la force du nombre au sein du groupe des constructifs – 16 contre 12 LR –, les centristes déplorent de voir la macronie ne traiter qu'avec l'équipe de Thierry Solère et de Franck Riester. Une « bande » où « tous veulent être ministre ».
L'aventure des constructifs devrait donc toucher à sa fin. La faute à qui ? À Emmanuel Macron ? « Il n'accepte que des vassaux, pas des partenaires », fustigeait il y a quelques jours un cadre du mouvement présidé par Jean-Christophe Lagarde. « Il n'a fait aucun geste envers nous, zéro. Il s'en fout », abonde Jégo. Bien que renforcé aux élections sénatoriales, le parti centriste refuse de rester un supplétif. Que ce soit des Républicains ou de la douzaine de LR du groupe constructifs au Palais-Bourbon. Lagarde et ses ouailles envisagent alors de prendre le large avec pour seul navire celui de l'UDI, débarrassé des parlementaires LR qui les avaient rejoints.
Maroquins
L'idée d'une formation politique siglée Les Constructifs occupait beaucoup d'esprits, à commencer par celui du lemairiste Franck Riester. Désormais, elle ne plaît presque plus dans les rangs de l'UDI. D'autant que Thierry Solère, l'ancien patron de la primaire de la droite et du centre, l'a remise aux calendes grecques, une décision devant être prise « d'ici la fin de l'année ». « Trop long », dit un Jean-Christophe Lagarde pyrrhonien. « Un nouveau parti ? Avec qui ? Avec quoi ? Il n'y a pas de leader. L'avantage de l'UDI, c'est qu'il y a beaucoup d'élus locaux et c'est une marque. Il faut moderniser le mouvement, pas le fusionner dans quelque chose de plus petit », abonde Yves Jégo, qui ne se fait guère d'illusion : pour lui, « les LR constructifs vont rejoindre En marche ! ».
À commencer par Thierry Solère, dont beaucoup pensent qu'il pourrait sauter le pas d'ici peu, comme l'explique un député, cadre du mouvement : « Si lui et Riester ne rejoignent pas encore LREM, c'est parce que la décomposition de LR n'est pas tout à fait terminée. Une fois que Laurent Wauquiez sera élu, il finira le job, malgré lui. Et après ? Quelle sera la plus-value des LR pro-Macron ? Ils sauteront tôt ou tard dans le bateau de Macron et continueront d'espérer un maroquin pour services rendus à la macronie. »
« Chacun fait sa cuisine, dans son coin »
Dès le début, les relations chez les constructifs se sont tendues entre ceux issus des rangs LR et les autres de l'UDI. L'élection de Thierry Solère à la questure de l'Assemblée nationale – avec l'aide des macronistes et sans avoir prévenu ses collègues de sa démarche – en a fâché plus d'un. « Les LR ont bloqué tous les postes entre eux, alors qu'on est en majorité ! » s'indigne un député UDI. Les divergences de fond, elles, sont apparues tout aussi vite. Lorsqu'il a fallu voter la confiance au gouvernement, les avis se sont brouillés : les uns la votant, les autres non. Depuis la rentrée, les choses ne s'arrangent pas, à en croire l'un des pontes du groupe : « On ne se parle pas. Chacun fait sa cuisine, dans son coin, et il y a un vrai problème d'unité. » Dernier exemple en date ? Le groupe constructifs du Sénat s'est fait au forceps et n'en porte même pas le nom.
François Bayrou, c'est l'aneth sur le saumon.
Aux yeux de son président, l'UDI a l'occasion de rebondir et d'occuper l'interstice politique entre la ligne Wauquiez et celle du chef de l'État : « Il y a beaucoup de Français qui partagent certaines idées de Macron et sont déçus par d'autres décisions, mais qui, pour autant, ne veulent pas de Wauquiez. C'est cet espace que nous incarnons, celui du centre et de la droite progressiste. » Quant à l'option François Bayrou, il la juge « secondaire ». Même s'il considère que des « accords thématiques » peuvent être signés ici et là avec le Mouvement démocrate, Lagarde balaie du revers de la main celle tendue par le Palois : « François est dépendant de la majorité. Il est l'aneth sur le saumon. »
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