François Bayrou : avec Emmanuel Macron, «je ne serai pas la mouche du coche»
Trois mois après son départ forcé du gouvernement, François Bayrou entend toujours peser sur le débat politique et «aider» Emmanuel Macron, distribuant bons et mauvais points.
Peut-on sérieusement le croire, lorsqu'il tente de convaincre qu'il se plaît dans un rôle d'influence ? A écouter François Bayrou, qui nous reçoit dans son bureau parisien à la veille de sa rentrée politique ce week-end à Guidel (Morbihan), le patron du MoDem n'est ni blessé, ni amer de n'avoir été qu'un éphémère ministre de la Justice. «J'ai été numéro deux du gouvernement pendant quatre ans et demi il y a vingt-cinq ans», juge-t-il utile de rappeler, comme pour effacer «ces semaines désagréables» qu'il confesse avoir vécues après son passage place Vendôme... Aujourd'hui «sa relation étroite» et «sa complicité affectueuse» avec Macron suffiraient à faire de lui un homme comblé.
Car les deux hommes se parlent. «Souvent, en face à face ou par SMS», jure Bayrou. «Il est essentiel pour le président d'avoir un interlocuteur de confiance, qui s'exprime en liberté et qui ait aussi un peu d'expérience...» souligne-t-il, convaincu que «les temps vont être difficiles pour le président». Le manque de poids lourds politiques au sein de ce «gouvernement de techniciens» n'a pas, non plus, échappé au maire de Pau...
«Je veux aider»
Mieux, depuis sa démission, le centriste aurait déjà pesé sur les orientations du chef de l'Etat. Sans toutefois préciser sur quoi... «C'est la première fois que je n'ai pas de problème avec un président de la République», s'amuse-t-il, lui qui n'a jamais caché sa détestation de Nicolas Sarkozy ou sa déception vis-à-à vis de François Hollande. Ce président-là «l'épate» et «l'impressionne par son audace et son leadership». «Depuis Mitterand j'attends ça !» s'emballe-t-il, encore ému par «son remarquable discours» sur l'Europe à la Sorbonne.
Après quinze ans passés à croire en son destin, voilà que François Bayrou se muerait en vieux sage ? «Je veux aider, clame-t-il, ce n'est pas le pouvoir qui m'intéresse.» Et pour mieux balayer «l'idée lunaire» qu'il pourrait vouloir revenir au gouvernement, le maire de Pau ne pense pas — ou plus ? — que ce soit là le vrai lieu de pouvoir. «Le vrai gouvernement des hommes se joue à l'Elysée ou dans l'opinion», glisse-t-il sérieusement.
Bayrou agace au sein de LREM
Indispensable, Bayrou, vraiment ? «Beaucoup de gens pensent qu'en parlant avec le président, ils ont un impact», glisse un macroniste de la première heure. Comprendre qu'on n'humilie pas François Bayrou mais... qu'on fait sans lui. D'autant plus que le groupe LREM a la majorité absolue à l'Assemblée à lui tout seul. «Il a beaucoup perdu», glisse-t-on.
Certains, au sein de la garde rapprochée du chef de l'Etat, n'ont toujours pas digéré que le centriste remette en cause, au lendemain des élections, l'usage des ordonnances pour réformer le Code du travail. Le fait que Bayrou soit toujours convaincu d'avoir fait élire Macron ne passe pas non plus. «Son côté, j'ai labouré, j'ai semé, c'est Macron qui a récolté, ça va !» s'agace-t-on encore.
«Je ne serai pas la mouche du coche», promet l'intéressé. Mais de là à se priver de décocher, lui aussi, quelques flèches... Sur le projet social, par exemple. «Il y a des marges de progression, lâche-t-il, la parole des classes populaires n'est pas portée. C'est naturel, pour nous, au MoDem, d'entendre la base de la société.» Et de lâcher jeudi soir, sur le plateau du 20 Heures de TF1, un missile sur la réforme de l'ISF, «pas assez équilibrée» selon lui... Ce n'est pas au vieux singe qu'on apprend à faire la grimace.
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