Le pape François est décidément imprévisible. Ses récents propos au sujet de l’accueil des migrants qui doit primer sur la sécurité des nations en sont la preuve. Ils ont suscité des réactions tantôt épidermiques, tantôt laudatives. Entre les papophobes qui le traitent de communiste et les papolâtres qui en font le nouveau Jean-Paul II, quelques voix s’élèvent. Parmi elles, l’abbé de Tanoüarn, auteur d’une lettre ouverte au Saint-Père, ou Rémi Brague, philosophe catholique. L’un et l’autre tentent, avec respect et bienveillance, d’engager un dialogue sur un thème hautement sensible qui voit s’affronter deux notions a prioriincompatibles.
L’exigence de charité (l’accueil de l’étranger) est-elle compatible avec l’attachement à une nation dont l’histoire et la culture s’enracinent dans le christianisme, et dont l’État doit protéger les composantes essentielles, ainsi qu’assurer la sécurité ? Le dilemme est posé à de nombreux chrétiens. Rémi Brague, dans un entretien au Figaro du 1er septembre 2017, répond simplement à cette question complexe.
D’abord en rappelant que la notion d’accueil est bien vague : s’il s’agit de sauver des naufragés de la noyade, elle prend tout son sens. L’abbé de Tanoüarn ne dit rien d’autre lorsqu’il écrit : « L’accueil de l’étranger, tel qu’il est recommandé dans la Bible et dans ce passage du Lévitique en particulier, relève du devoir d’hospitalité, qui est sacré. Il ne s’agit pas, pour les juifs, de faire de la place aux étrangers dans la Terre promise, sinon sous certaines modalités bien précises et vraiment drastiques qui sont définies dans la Torah. » Mais, ajoute Rémi Brague, il faut se demander ce qui les a poussés à s’embarquer, et il rejoint le pape lorsqu’il dénonce la déstabilisation du Moyen-Orient par l’Occident, ou les passeurs qui s’enrichissent sur le dos des immigrés. Bon sens que tout cela.
Ensuite, en distinguant clairement, au-delà des obligations naturelles des immigrés dans le pays d’accueil (au premier rang desquelles en respecter la culture), les obligations personnelles de chacun du rôle de l’État, qui n’est pas le même. Et il revient sur la célèbre parabole du Bon Samaritain. « Une parabole s’adresse à moi. Elle m’invite à réfléchir sur ma propre personne singulière, ce qu’elle est, ce qu’elle doit faire. Un État n’est pas une personne. Or, il y a des choses qui ne sont à la portée que des seules personnes. Par exemple pardonner les offenses. Un État n’a non seulement pas la capacité de le faire, mais il n’en a pas le droit. Il a au contraire le devoir de punir et de ne laisser courir aucun coupable. En l’occurrence, c’est aux personnes, regroupées en associations, de s’occuper des malheureux. »
L’enseignement de l’Église ne dit pas autre chose. Il rappelle que l’État a le devoir de protéger ses ressortissants, y compris par les armes si nécessaire. Il rappelle que l’État a le devoir de protéger la culture, la langue, les biens matériels et spirituels de ses habitants. Il n’a jamais appelé à laisser d’autres populations s’installer en pays conquis et reconnaît le droit aux nations de limiter l’immigration pour ne pas déstabiliser leur fonctionnement. Jean-Paul II le rappelait aussi.
Ainsi, si notre devoir de chrétiens est d’accueillir celui qui frappe à notre porte, il n’est nullement incompatible avec d’autres exigences, ni avec celui de nous protéger d’une lente prise de possession de notre pays par des populations qui n’ont aucune intention de s’y assimiler. Avec tout le respect que nous devons au pape François, il est regrettable que son propos ne soit pas plus clair sur ce point. Et qu’il n’évoque jamais le problème de l’islam, pourtant central dans cette réflexion. Mais, on l’a dit, il est imprévisible. Et donc capable, d’ici quelque temps, de s’exprimer différemment sur le sujet. Souhaitons-le !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire