Bruno Roger-Petit publie un pamphlet documenté où François Fillon est ramené à ce qu’il y a de plus étroit au sein de cette droite anti-progressiste, cette droite qui fut antidreyfusarde et agonisa d'injures Simone Veil quand elle libéralisa l'IVG.
En littérature politique, le pamphlet est un genre prisé, parfois un art. Les plus anciens d'entre nous gardent en mémoire la férocité du Coup d'Etat permanent, cette charge que François Mitterrand avait lancé à l'encontre du général De Gaulle. Le "Fillon" de notre collaborateur (*) Bruno Roger-Petit relève de cette catégorie: Le pire d'entre eux (**) - comprendre le candidat de la droite à la prochaine élection présidentielle à l'inverse du "meilleur d'entre nous", le tableau d'honneur que Jacques Chirac avait attribué à Alain Juppé - finit à poil, essoré, détruit au plan du concept, ratiboisé sur le terrain politique, ramené à ce qu'il y a de plus étroit au sein de la droite de droite, cette droite authentiquement réactionnaire qui n'a jamais supporté la moindre démarche de progrès. Pas la droite gaulliste, pas davantage la démocratie-chrétienne ou le centrisme authentique - notre collaborateur ne sombre jamais dans cette confusion - mais la droite qui n'a jamais renoncé à dénoncer et à combattre les acquis de la Révolution française, la droite par définition anti-progressiste, la droite qui fut antidreyfusarde, la droite qui agonisa d'injures Simone Veil quand elle libéralisa l'IVG.
François Fillon, c'est à la fois le nouvel héraut et le champion (en perdition) de cette droite-là.
Du "scandale Fillon" qui pollue la présente campagne électorale, l'auteur ne dit quasiment rien, quelques pages et voilà tout. C'est d'ailleurs suffisant, car il s'agit d'abord de faire place à la politique, à la critique et à l'assaut politiques. Ce minimalisme, pour dire et démonter les affaires qui entachent cette campagne présidentielle, est assumé, revendiqué. Bruno Roger-Petit se refuse en effet à "polluer" sa thèse, la force de sa démarche, la puissance de sa démonstration. Un pamphlet, répétons-le, précis puisque documenté, intelligent parce que défendant une thèse et s'y tenant: "La France Fillon est conservatrice. C'est une France qui vient de loin et rêve depuis toujours de l'ordre ancien (...) associée aux valeurs du vieux catholicisme". Et de rappeler cette terrifiante formule signée... De Gaulle: " Vichy, c'était le régime du cœur de l'église". A en croire Roger-Petit, nous nous serions égarées depuis fort longtemps, depuis trois décennies date de son entrée en politique, sur le compte de François Fillon.
Selon l'auteur, le gaullisme social de Fillon, c'est une faribole minutieusement entretenue. Cela fait bien longtemps qu'il a trahi son "maître" Philippe Séguin...
Selon l'auteur, Fillon, c'est "le retour de la droite éternelle". Les courbettes faites à l'anti-mariage gay n'en sont qu'une preuve parmi bien d'autres.
Selon l'auteur, Fillon n'est rien d'autre qu'un contre-révolutionnaire qui serait volontiers resté claquemuré entre les murs du château.
Selon l'auteur, la France de Fillon est sans doute, sans aucun doute même, plus dangereuse car plus pernicieuse que celle de Sarkozy, toujours capable de surprise, de contre-pied et même d'enthousiasme.
Selon l'auteur, la France de Fillon est ... d'abord ennuyeuse, faussement aristocrate, platement bourgeoise. Et que redouter de pire que l'ennui, ce mal qui ronge et dévitalise toute société démocratique?
Il ne faut pas s'y tromper: le livre de notre collaborateur ne se réduit pas à un pamphlet, aussi brillant et cruel soit-il pour son "héros". Bruno Roger-Petit s'est autorisé à une réflexion sur la France, son rapport à la politique et donc à la grandeur. Son véritable "héros" est d'ailleurs présent en filigrane et en permanence. De Gaulle? Certainement pas. Rocard? Surtout pas. C'est évidemment de François Mitterrand dont il s'agit, le dernier "grand" chef de l'État, selon Bruno Roger-Petit. On comprend que, dans son esprit et sous sa plume, ses successeurs sont des nains et François Fillon n'échappe pas, surtout pas, à cette mise en cause à la fois collective et générationnelle. Après Mitterrand, une forme de perpétuel rétrécissement politique dont Fillon le droitier est un point d'orgue. "Et croyez-moi, je les connais... Je viens de chez eux"... Bruno Roger-Petit rappelle cette sentence de Mitterrand pointant la droite et les droitiers.
De ces quelques pages, François Fillon a bien du mal à se remettre.
(*) Bruno Roger-Petit est éditorialiste à Challenges.
(**) Le pire d'être eux, de Bruno Roger-Petit, Stock, 195 pages, 18€.
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