Agnès Verdier-Molinié : « Les députés doivent payer des impôts sur leurs indemnités »
Agnès Verdier Molinié, directrice de l'Ifrap, plaide pour la fiscalisation des indemnités parlementaires, proposée par certains députés.
«Toutes leurs indemnités seront soumises à l'impôt»
IRFM, ces quatre lettres (Indemnité représentative de frais de mandat) ont déjà fait couler beaucoup d'encre. Et cela risque fort de continuer dans les prochaines années et prochaines législatures car le gouvernement et le Parlement sont en train de faire machine arrière toute sur le sujet de la fiscalisation de ces indemnités, promesse de campagne du candidat Macron: «toutes leurs indemnités seront soumises à l'impôt» .
C'est une indemnité de frais de mandat non imposable et non contrôlée à ce stade qui est réputée toujours utilisée conformément à son objet (sic). Dans le cadre de la loi pour renouer la confiance avec les politiques, le gouvernement propose aujourd'hui de demander, via les services administratifs des deux chambres, aux députés et sénateurs des justificatifs de l'utilisation de ces frais de mandats. C'est un peu court. C'est court car cette IRFM n'a en réalité pas été vraiment pensée comme un remboursement de frais mais plutôt comme un élément de rémunération complémentaire mais non affiché car ne rentrant pas dans le revenu imposable de nos parlementaires et permettant de faire apparaître un quasi-gel de ce même revenu depuis 10 ans.
Pourtant, étrangement, cette IRFM est assujettie depuis 1991 à… la CSG. Pendant de nombreuses années, nos parlementaires ont même été encouragés à rembourser leurs frais d'emprunt pour leur permanence parlementaire avec ces IRFM, permanence parlementaire dont ils étaient ensuite propriétaires… A-t-on déjà vu des remboursements de frais assujettis à la CSG? Non. Ces 5 372,80 € nets par mois pour les députés et 6 109,89 € nets pour les sénateurs permettent aux parlementaires d'afficher une rémunération moins importante qu'elle ne l'est en réalité… L'idée était de fiscaliser cette IRFM, c'était d'ailleurs écrit noir sur blanc dans le programme du futur président En marche!. Aujourd'hui, sur ce sujet, le rétropédalage est total. La raison?
Les députés n'assumeraient pas, à peine après avoir été élus pour -notamment- changer la manière de gouverner, d'afficher un revenu brut soi-disant «doublé» autour de 13 000 euros. C'est un positionnement assez hypocrite car ces revenus sont déjà versés, sous forme de diverses indemnités, tous les mois et il n'y aurait aucune augmentation. Il y aurait juste fiscalisation. Certes, les parlementaires subiraient une baisse de leur pouvoir d'achat.. Mais, en même temps, comme ce sont les parlementaires qui votent l'impôt, il est très important qu'ils aient la même pression fiscale, pour revenus identiques, que leurs concitoyens. C'est même une des conditions sine qua non au bon fonctionnement de la démocratie et du fameux «consentement de l'impôt». On se dirige maintenant, avec l'aide du Sénat bien sûr, vers une liste des frais remboursables qui serait établie par les bureaux des assemblées et dont on ne sait même pas si le détail sera rendu public!
Le Sénat a d'ailleurs introduit dans la discussion la possibilité de mettre en place des frais forfaitaires, ou des avances de frais, voire une prise en charge directe par l'Assemblée… Quand on interroge en off les députés, ils expliquent que toutes les dépenses vestimentaires seraient comprises dans les remboursements. On comprend que la définition sera très large… Et ce alors même que la proposition du programme de En Marche! était de calquer la possibilité de déduction des frais professionnels des parlementaires sur celle qu'ont tous les citoyens-contribuables français. Ces frais professionnels avérés seraient déductibles de l'assiette de l'impôt sur le revenu (modification du deuxième alinéa du I de l'article 81 du CGI). Les justificatifs seraient à conserver en cas de contrôle fiscal.
Un autre argument affiché: en vertu de la séparation des pouvoirs, ce ne serait pas aux services fiscaux de contrôler les notes de frais des parlementaires, cet argument ne tient pas la route deux minutes. En cas de fraude fiscale, les services fiscaux ne pourraient alors pas contrôler non plus si on tient cet argument jusqu'au bout?... Question qui renvoie d'ailleurs indirectement à celle de la suppression du verrou de Bercy pour que l'autorité judiciaire puisse poursuivre, même en l'absence de mobilisation préalable des services fiscaux.
On comprend néanmoins que cela n'enchante pas les députés et les sénateurs de payer plus d'impôts. Selon notre estimation, pour un député célibataire n'ayant aucun frais, la note fiscale monterait au maximum à 23 000 euros de plus par an soit 2,7 fois plus que ce qu'il paie aujourd'hui… Bienvenu dans la réalité fiscale. La fiscalisation d'une indemnité existante mais non fiscalisée précédemment a été pourtant récemment actée. Il s'agit de l'indemnité de fonction brute (1 428,55 euros) désormais taxable depuis la loi de finances pour 2017 (amendement n°II-748). Personne n'en a été choqué. Savoir que les parlementaires se soumettent à l'impôt de manière classique n'a rien de révoltant pour l'opinion publique. Au contraire. Ce qui n'empêche pas de publier, en open data, comme le font déjà certains députés, l'ensemble des frais de mandats des élus.
Nous avons ici une occasion unique de faire rentrer tous les revenus versés par l'Assemblée et le Sénat à nos parlementaires sous les fourches caudines de l'impôt. Ne laissons pas passer cette occasion car elle est connectée à l'idée qu'il faut moins d'élus, mieux indemnisés mais avec -en même temps- moins de passe-droits.
De courageux parlementaires d'En Marche! ont déposé des amendements (contre l'avis de leur groupe) dans le sens de la fiscalisation, comme l'a toujours aussi soutenu Charles de Courson. Ils méritent d'être suivis.
Agnès Verdier-Molinié pour lefigaroVox
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