jeudi 20 juillet 2017

"Tenez bon mon général!": un ancien chef d'état-major écrit au général de Villiers

Pour notre contributeur, Vincent Lanata, les propos d'Emmanuel Macron sur le chef d'état major des armées, Pierre de Villiers, sont "choquants".

En remettant à sa place le chef d'état-major des armées, le président Macron a choqué des militaires, dont Vincent Lanata, ancien chef d'état-major de l'armée de l'air.

C'est un militaire de très haut rang, aussi discret que discipliné. Cet ancien pilote de chasse remarqué par ses supérieurs dès ses débuts, a exercé les fonctions de chef d'état-major de l'Armée de l'Air du 2 décembre 1991 au 1er juillet 1994 (sous la présidence de François Mitterrand), avant d'être élevé à la dignité de grand-croix de la Légion d'honneur, le 23 juin 1994. Depuis son départ en retraite, il a strictement observé le silence inhérent à son statut et a évité de s'exprimer publiquement sur la réduction constante des moyens militaires que subissent les Armées - sujet dont on imagine combien il peut être préoccupant, et même irritant, pour un ancien chef d'état-major. 
Vincent Lanta a néanmoins décidé de sortir du silence en 2017. En raison de la manière dont le chef d'état-major des Armées, le général Pierre de Villiers, a été traité par le Chef de l'Etat, le 13 juillet dernier, devant tout l'establishment militaire - un épisode jusqu'alors inédit - mais aussi sur le fond - à propos du nouvel effort budgétaire subitement décrété contre toutes les promesses précédemment faites.  
Le général Lanata n'avait pas pour but premier de rendre publique la lettre ci-dessous : c'est sur la suggestion de L'Express qu'il a accepté de le faire, après avoir réfléchi. Son slogan est celui d'un homme qui, tel le général Pierre de Villiers, a consacré sa vie à la défense de sa nation: "Tenez bon mon général !" 
"Mon Général,  
J'étais présent à la réception à l'Hôtel de Brienne le 13 juillet et j'ai écouté avec beaucoup d'attention le discours du président de la République: allocution très bien tournée, pleine de compassion à certains égards et de louanges à l'intention de notre institution ainsi que pour les hommes et les femmes qui la composent. Tout cela n'est que très normal, je dirais très banal, et la moindre des choses une veille de Fête Nationale où les armées sont à l'honneur. 
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Ce qui l'est moins, c'est la diatribe virulente portée contre vous, car c'était bien à vous que ces propos étaient destinés, propos tenus en public qui m'ont beaucoup offusqué, et je ne suis pas le seul à avoir été très choqué. 
Il me semble que notre jeune président a voulu marquer par ces propos son autorité. Il n'avait nul besoin d'agir ainsi et il aurait certainement pu faire l'économie de ce discours inutile et vexant. 
Ce jeune président semble oublier que l'armée est une institution atypique dans la nation, qu'elle n'a pas de syndicat pour descendre dans la rue et que le chef d'état-major des armées est en quelque sorte le chef syndical. C'est lui qui doit porter et faire connaître les difficultés que rencontre éventuellement l'institution dont il est le porte-parole. Il le doit de façon impérieuse à ceux qu'il commande et qui lui font confiance. 

"Les conséquences de la politique menée"

D'autre part, les propos que vous avez tenus l'ont été devant la représentation nationale et il me semble que c'est le lieu où tout peut et doit être dit avec franchise et clarté. À quoi serviraient les auditions s'il s'agissait simplement de répéter les propos du président ou du ministre? Une audition est destinée à faire connaître à ceux qui contrôlent l'action du gouvernement les conséquences de la politique menée. 
Sachez, mon général, que vous avez toute l'estime et la confiance des vôtres, ainsi que celle de ceux qui, comme moi, ont été amenés aussi à dire la vérité quand il le fallait. Peut-être avions nous affaire à un pouvoir politique moins rongé par l'ambition et la volonté de capter tous les pouvoirs... Autre époque, autres hommes. 
Tenez bon mon général!" 
Vincent Lanata a été chef d'état-major de l'armée de l'air entre 1991 et 1994. 

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