FIGAROVOX/TRIBUNE - Bertrand Soubelet appelle Emmanuel Macron à passer de la communication du candidat à l'action concrète du Président.
Voilà. Nous y sommes.
Le Président de la République est confronté à la problématique de la méthode avec laquelle il faut transformer les idées en actions concrètes.
En réalité c'est un sujet vieux comme le monde, mais la suprématie de la communication cache désormais les évidences.
Tout n'est pas «com».
Tout ne repose pas uniquement sur une bonne stratégie de communication et sur la force des images.
Depuis des mois les messages bien «packagés» véhiculés par les médias, parfois de manière complaisante, ont porté nombre de Français à se projeter dans le rêve «macronien».
Certes nous avons tous besoin de croire en des temps plus cléments, en des solutions qui nous mènent vers le meilleur, surtout après ce que nous a fait subir la classe politique qui vient d'être sèchement exclue du débat public. Et de ce point de vue, la campagne du candidat En Marche a mis l'eau à la bouche à des millions de Français.
Mais les faits sont têtus. Derrière les images, comme toujours, la réalité s'impose.
La transition avec le «monde ancien» ne peut pas se faire de cette manière, en commençant par le non-respect de certaines règles.
L'annonce des 850 millions de réduction de budget des Armées et les conditions de l'éviction du CEMA en sont l'illustration.
Les commentaires de certains ministres du gouvernement, dont M. Castaner est la figure de proue, laissent augurer d'un avenir difficile et très éloigné des promesses faites il y a quelques semaines.
L'annonce du dégel d'1,2 milliard d'euros par la ministre des Armées est un nouveau tour de passe-passe dont les chefs militaires ont l'habitude, mais jusqu'à Pierre de Villiers, ils ont été nombreux à rester silencieux.
Toutes les mesures annoncées sont loin des espérances des Français, ceux qui ont voté pour Emmanuel Macron, mais aussi toutes celles et ceux qui, malgré leurs réticences, espéraient naïvement dans leur for intérieur que les choses changent.
Malheureusement le miracle n'aura pas lieu. En tout cas, pas de la manière dont les choses ont commencé.
Un gouvernement qui ne respecte pas les engagements du Président, une Assemblée nationale insipide, sans opposition sérieuse, avec une majorité essentiellement composée de néophytes «aux ordres», voilà le spectacle auquel nous assistons.
Où sont les idées généreuses de transformation de la société? Que sont devenus les engagements du candidat sur les questions sociales, et quand parlera-t-on des entreprises autrement que sous le prisme des ordonnances à venir?
Nombre de Français attendent des actes courageux sur des sujets importants.
La jeunesse à besoin d'être rassurée sur son avenir avec la réforme du système Admission Post-Bac (APB) et ses perspectives universitaires en dehors du tirage au sort. Dans ce domaine, avouons que le Ministre de l'éducation nationale nous donne quelque espoir.
Les chefs d'entreprise, les PME et TPE en particulier, attendent des simplifications et un plan construit avec des mesures et des échéances sur la fiscalité, les incitations pour l'investissement et une capacité d'embauche souple en maintenant la protection des salariés.
Les jeunes parents rêvent d'une vraie politique d'accompagnement qui leur permette d'équilibrer vie professionnelle et vie familiale.
Les Français les plus fragiles souhaitent pouvoir se loger décemment sans attendre des années un logement social.
Le pays tout entier attend un ensemble de mesures qui permettent de ne pas être submergés par un afflux de migrants dont nous ne pouvons pas absorber la masse sans prendre un double risque. D'une part, celui de ne pas accueillir correctement les vrais réfugiés et ceux qui nous ont rejoints légalement, et d'autre part, de laisser se dégrader les principes mêmes qui sous-tendent notre société. En particulier, la tolérance et la laïcité.
Beaucoup de nos compatriotes attendent un vrai programme pour réhabiliter leurs quartiers dans lesquels la légalité républicaine n'a plus cours depuis bien longtemps.
Au lieu de tout cela, prévalent des logiques comptables de «boutiquiers».
L'exécutif fait mine de découvrir le bilan déplorable du gouvernement précédent (dont le premier ministre est toujours à l'Assemblée nationale) et prend des mesures totalement déconnectées de la réalité.
Diminution de 5 euros par mois pour l'aide au logement, financement de 13 000 emplois aidés supplémentaires, dégel annoncé de 1,2Mds d'euros sur le budget des Armées après une annonce de réduction de 850 millions et une rallonge de plusieurs centaines de millions pour accueillir les migrants.
Autant de petites annonces sans cohérence qui ressemblent à la vieille politique dont le candidat avait pris l'engagement de nous débarrasser, et qui ne traitent pas les problèmes de fond.
Pour gouverner la France, il faudra définitivement faire beaucoup mieux que cela.
Il s'agit surtout de vraiment mettre en œuvre les idées qui ont fait rêver certains Français. Quel décalage entre le discours du Congrès à Versailles et les premières décisions concrètes.
Espérons que toutes ces mesures ponctuelles dictées par l'actualité et un sens politique à courte vue puissent laisser la place dans tous les domaines à de véritables stratégies réfléchies, conçues et mises en œuvre avec un vrai sens de l'intérêt du pays et des Français.
Sans changement de méthode rapide et radical, la déception généralisée sera très probablement au rendez-vous, car la communication a permis de gagner l'élection présidentielle et les législatives, mais elle ne suffira pas pour faire réussir la France. En définitive, comme le formulait si bien Aristote, «c'est en pratiquant les actions courageuses que l'on devient courageux».
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