Après une audition explosive dans une commission de l'Assemblée nationale fin 2013 puis la sortie de son livre intitulé Tout ce qu'il ne faut pas dire (Plon), un décret devrait sceller son départ. Dans un entretien à paraître dans Le Figaro, il entend défendre la liberté de parole des militaires réduits à un état de «sous citoyenneté».
Patron de la gendarmerie d'Outre-Mer, qui compte quelque 4000 hommes, le général de corps d'armée Bertrand Soubelet va être écarté de ses fonctions. Le directeur des ressources humaines lui a signifié dès jeudi soir qu'il va être relevé de son commandement. La décision semble inéluctable. Un décret du Secrétariat général du gouvernement, en cours de signature à l'Élysée, devrait l'entériner dans les prochains jours au Journal Officiel. Le général Lambert Lucas, actuellement en poste en Guyane, est d'ores et déjà présenté comme un successeur à la légitimé incontestable.
«Ce sont des décisions souveraines du pouvoir exécutif, je n'ai pas à les commenter,
réagit Bertrand Soubelet dans un entretien au Figaro. Je les regrette juste et je pense que mes subordonnés seront surpris. À vrai dire, je ne comprends pas: tout ce que j'ai dit et écrit ne met en cause ni le gouvernement, ni mes supérieurs et je ne vois pas en quoi la sortie d'un livre motive à nouveau un quelconque changement d'affectation». «Je sais que je bouscule des choses établies», concède ce général quatre étoiles qui ajoute: «mais la chape de plomb qui s'est abattue sur les militaires est vieille. Précisément, elle date du début des années 60 après le putsch d'Alger. Depuis on nous appelle la Grande Muette et les militaires sont tenus au silence. Je pense qu'entre 1962 et 2016, le monde a changé. Il me semble que l'on ne peut maintenir les militaires dans cet état de sous-citoyenneté qui les empêcher de s'exprimer sur les faits de société. On ne peut leur demander de sacrifier leur vie en opérations extérieures et parfois même sur le territoire national, et leur empêcher de s'exprimer comme n'importe quel citoyen».
Au sein de la gendarmerie, on se «défend de toute chasse aux sorcières»
En dernière de couverture de son opus, déjà vendu à plus de 22.500 exemplaires, Bertrand Soubelet l'affirme: «J'ai été écarté pour avoir dit la vérité: la sécurité dans notre pays n'est pas assurée comme elle le devrait».
«Juste après les attentats de Bruxelles, il a été demandé à tous les responsables de la gendarmerie de rester à leur poste pour faire face à la menace. Et pendant ce temps-là, Bertrand Soubelet, patron de plus de 4000 personnels, faisait la promotion de son livre dans les médias. Ce n'est pas acceptable», explique-t-on en coulisses au sein de la direction générale de la gendarmerie, qui se «défend de toute chasse aux sorcières». Son placement hors cadre, assure-t-on, n'est d'ailleurs pas une première en gendarmerie «puisque le général Roland Gilles, directeur général de la gendarmerie de 2008 à 2010, avait été lui aussi placé sans affectation à l'arrivée de son successeur général Jacques Mignaux».
Ses propos devant les députés avaient fait l'effet d'une bombe
Ce que les proches du général dénoncent comme un «limogeage» est l'épilogue d'un processus qui s'est engagé le 18 décembre 2013, quand Bertrand Soubelet, alors Directeur des opérations et de l'emploi (DOE) et parfait inconnu du grand public, livre
une analyse qu'il juge lui-même «personnelle, peut être iconoclaste»devant la commission parlementaire de «lutte contre l'insécurité» présidée par le député socialiste Jean-Pierre Blazy. Ses propos, qu'il sait publics, avaient fait l'effet d'une bombe .«Les gendarmes sont inquiets car on prend plus soin des auteurs que des victimes», avait-il notamment lancé, précisant qu'en 2013 il y a eu une hausse de 4 % de personnes mises en cause par ses services tandis que le nombre de placements sous écrou «a diminué de 33 %».
Bertrand Soubelet, qui s'est pas vu préciser de nouvelle affectation, est désormais placé «hors cadre» comme cela se pratique pour les préfets ou les ambassadeurs. Alors que le général iconoclaste clame être traité de façon «inédite», l'institution entend clore au plus vite cet empoisonnant dossier au moment même où Mayotte est en ébullition.
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