Mobilisation en Corse pour la démolition des villas d’un proche d’Emmanuel Macron, Pierre Ferracci
Par Hadrien Mathoux
Pierre Ferracci, homme d’affaires membre de l’entourage du Président, est propriétaire de deux villas bâties sur un site protégé. Il a été condamné à une lourde amende mais des associations corses de défense de l’environnement réclament la démolition des bâtiments.
Deux villas luxueuses construites sur un site naturel protégé. Un homme d’affaires, membre influent des réseaux du président de la République. Une décision de justice controversée, attisant des soupçons de favoritisme. Le tout, en plein coeur de la Corse : l’histoire des villas Ferracci sent la poudre, et peut devenir la saga de l’été. Ce dimanche après-midi, un collectif de plus de 300 personnes se réunit à Vizzavona, afin “d’obtenir le respect de la loi et la démolition des villas”.
Ces fameuses villas appartiennent à Pierre Ferracci, PDG du groupe de conseil Alpha, et président d’un club de foot, le Paris FC. C’est un proche d’Emmanuel Macron : membre de la commission Attali, dont l’actuel président était rapporteur adjoint en 2007, il est aussi le père de Marc Ferracci. Ce dernier a conseillé Emmanuel Macron sur les questions sociales pendant la campagne. Les liens sont politiques, mais également intimes : Marc Ferracci a été l’un des deux témoins du mariage du chef de l’Etat avec Brigitte Trogneux, il y a dix ans. Son épouse, Sophie Ferracci, était chef de cabinet du candidat Macron.
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Revenons-en au père, Pierre Ferracci. En 1990, il achète un terrain de 20 hectares en bord de mer, à l’extrême sud de la Corse. C’est un site exceptionnel, situé sur la baie de Rondinara, près de Bonifacio. En 1996, la mairie de la ville refuse à Pierre Ferracci un permis de construire pour édifier cinq villas sur 898 mètres carré. S’ensuit alors un long bras de fer administratif, que l’homme d’affaires remporte en 2006 : la cour administrative d’appel de Marseille estime que la mairie de Bonifacio a répondu hors-délai à Pierre Ferracci. Il bénéficie d’un permis de construire tacite, et démarre ses travaux deux ans plus tard…
Mais Pierre Ferracci a changé ses plans : il ne fait bâtir que deux villas, prend moins d’espace… mais décale la construction de 150 mètres, sur des espaces naturels “identifiés comme remarquables” par la loi et la mairie de Bonifacio ! Le préfet Christophe Mirmand s’en émeut, dans une lettre au procureur de la République révélée par Mediapart. Il y demande une “condamnation rapide avec mesure de restitution (remise en état des lieux dans leur état d’origine, sous astreinte)”. L’actuel maire de Bonifacio, Jean-Charles Orsucci, soutient pour sa part le projet, défendant dans une lettre (utilisée par la défense de Ferracci au tribunal) des “constructions mieux intégrées au paysage naturel”… Faut-il y voir un lien avec le fait qu’il est lui aussi un macroniste convaincu ?
La question enflamme les associations de défense de l’environnement de Bonifacio (U Levante, ABCDE, Le Garde, U Polpu), qui ont initié une procédure judiciaire. Le 5 juillet, la cour d’appel de Bastia a confirmé le jugement du tribunal correctionnel d’Ajaccio, rendu en février. Elle a condamné la société civile immobilière de Pierre Ferracci à payer une amende d’un million d’euros, montant maximum pour des travaux non-autorisés et des infractions au plan local d’urbanisme. Problème de taille, pour les associations : la justice n’a pas ordonné la destruction des deux villas. De quoi alimenter les suspicions de favoritisme. Très remontés, les défenseurs de l’environnement se réunissent ce dimanche 30 juillet pour appeler à la démolition des bâtiments. Une pétition mise en ligne par les associations s’alarme contre la décision du tribunal, jugée “effrayante : elle signifie qu'aujourd’hui, un espace remarquable inconstructible peut être défiguré par une construction sans permis, illégale donc, sans que sa démolition ne soit systématiquement ordonnée”. U Levante et ABCDE ont même décidé de se pourvoir en cassation. Quant à Pierre Ferracci, il déplore sur France 3“l’acharnement” des associations et se défend d’être un spéculateur.
La construction de ces villas dans un cadre idyllique serait pour lui la réalisation d’un rêve d’enfance, réminiscence de ses parties de pêche sous-marine dans les eaux turquoise de Rondinara. Un désir nostalgique qui pourrait coûter cher à l’ami d’Emmanuel Macron.
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