Ombre. Omniprésente auprès d’Emmanuel Macron pendant la campagne présidentielle, la première dame se fait plus discrète depuis qu’elle a pris possession de l’Élysée. Elle n’en est pas moins influente auprès du chef de l’État. Au point d’être crainte des ministres et des conseillers qui redoutent sa liberté. Enquête sur le vrai pouvoir de Brigitte Macron.
Les gens passent par elle pour tout ce qui n’est pas à l’agenda. On ne cherche pas à joindre le conseiller culture de l’Élysée, on passe par Brigitte. À dire vrai, nombre de conseillers n’existent pas. Tout passe par Brigitte. Tout le monde le sait et l’appelle. La confidence de ce collaborateur ministériel en dit long sur l’influence de la première dame auprès du chef de l’État et expliquerait l’abondance du courrier que Brigitte Macron reçoit au quotidien. S’il y a bien des lettres qui lui sont personnellement adressées, nombreux sont les messages que certains lui envoient dans l’espoir d’être entendus ou reçus par le président. François Patriat, à la tête du groupe LREM au Sénat, n’en fait d’ailleurs pas mystère. À Challenges, il confie :
Emmanuel Macron est entouré d’une armée de jeunes conseillers qui veulent le garder pour eux. Du coup, je passe par Brigitte. Elle me dit : “Écris-moi un mot, je lui remettrai ce soir.”
Depuis que Brigitte Macron a pris possession de l’Élysée et installé ses bureaux dans le salon des Fougères de l’aile Madame, au rez-de-chaussée du palais, beaucoup se plaisent à gloser sur le rôle que la première dame jouera aux côtés du chef de l’État. Il est vrai qu’Emmanuel Macron, le premier, a laissé entendre qu’il voulait doter d’un véritable statut la première dame, pour en finir avec une forme d’hypocrisie. « Je souhaite qu’un cadre soit défini et je demanderai qu’un travail soit conduit en la matière. Il faut que la personne qui vit avec vous puisse avoir un rôle, qu’elle soit reconnue dans ce rôle », expliquait sur TF1 le candidat. Une charte est en cours de préparation pour codifier la fonction. Mais l’Élysée attend de voir comment sont perçues dans l’opinion les premières fuites sur ses projets de Fondation Brigitte-Macron, avant de passer à l’étape suivante. Sans doute après la rentrée parlementaire de septembre.
Mais de là à imaginer qu’elle se contente d’un second rôle, jouant les dames patronnesses pour les autistes ou apparaissant sur les photos officielles aux côtés de son mari lorsqu’il accueille Donald Trump ou Vladimir Poutine, serait absolument méconnaître le poids politique de Brigitte Macron. Elle est un formidable agent d’influence. Jean d’Ormesson raconte, amusé, que la première fois que le couple Macron l’invite à Bercy, il n’est pas assis depuis deux minutes à leur table que l’épouse du ministre de l’Économie assure à l’académicien que son mari « n’est pas homosexuel ». La rumeur courait alors dans le Tout-Paris : Brigitte Macron s’en sait prisonnière et use de nombreux relais pour tenter de la circonvenir. Pendant la campagne présidentielle, elle ne craint pas de tout dire à son mari quand nombre de jeunes conseillers de son équipe, par peur de déplaire, préfèrent se taire. Un jour que la petite garde rapprochée qui gravite autour d’Emmanuel Macron vend au candidat l’idée de monter une séance photo avec Barack Obama, Brigitte Macron intervient sèchement auprès de son mari : « Emmanuel, comment tu peux écouter des conneries pareilles ! » Comme le reconnaît un proche du couple présidentiel, Brigitte Macron a souvent le dernier mot. Une parole libre, parfois abrupte, qui tranche avec les circonvolutions précautionneuses que prend l’entourage du chef de l’État pour l’avertir d’une difficulté.
Une “reine mère” pour certains
Au lendemain de la déclaration de politique générale d’Édouard Philippe, après que le Premier ministre, en plein accord avec l’Élysée, eut annoncé un report des baisses d’impôts promises pendant la campagne par Emmanuel Macron, pour contenir le déficit public sous les 3 %, conformément aux engagements de la France vis-à-vis de Bruxelles, Brigitte Macron, la première, après une semaine de flottement, tire la sonnette d’alarme pendant le week-end. « Si tu fais ça, tu fais comme Hollande, tu te hollandises. Tu es mort. » Emmanuel Macron, qui est hanté par l’échec de son prédécesseur, ne se le laissera pas dire deux fois avant de se raviser et de corriger le tir.
Brigitte Macron n’est pas une conseillère parmi d’autres. Elle est la première. Sinon davantage… Une “vice-présidente” de l’ombre pour certains. Une sorte de “reine mère” selon les plus cruels persifleurs, qui se plaisent à voir dans ce couple atypique « une maman et son fiston ». Elle est son pygmalion, assurément. Elle s’emploie depuis toujours à corriger celui qui, avant de devenir son époux, a d’abord été son élève. Elle a cru qu’il deviendrait écrivain. L’idée n’était pas pour déplaire à celle qui était professeur de français. « Je pensais vivre avec un écrivain, confie-t-elle aux caméras de France 3 en septembre 2016. Je pensais qu’il serait écrivain, qu’il écrirait, qu’il aurait une notoriété, je n’en ai jamais douté, mais je pensais que sa notoriété serait d’ordre artistique. » Dans l’Obs, en septembre 2016, un intime du couple Macron confiait déjà : « Emmanuel a eu trois maîtres à penser, le philosophe Paul Ricoeur, Michel Rocard et Brigitte. » C’est dire le poids tout particulier de la première dame. Emmanuel Macron le reconnaît volontiers, qui à plusieurs reprises a confié qu’il ne présiderait pas sans elle. Mais si Jupiter est à l’Élysée, c’est bien sa femme qui le plus souvent fait parler la foudre.
Une forte réputation
Brigitte Macron ne manque pas de tempérament. Le 13 avril dernier, alors qu’elle fête ses 64 ans, exaspérée de la présence de photographes dans le restaurant italien où elle dîne, elle sonne la charge. Immédiatement, les officiers de sécurité du couple Macron dégainent leurs armes de service pour éloigner les paparazzis. Au palais, la première dame est crainte des conseillers et des ministres. « Si elle vous a dans le viseur, vous êtes mort »,raconte un collaborateur du président. Elle n’hésite pas à s’inviter à des réunions avec des ministres qui portent sur des sujets proches de ses préoccupations ou de ses domaines d’intérêt. « Ça glace les ministres qui la voient comme l’oeil de Moscou », confesse un conseiller de l’Élysée.
Reste que sa présence est plus discrète qu’elle ne l’était du temps où Emmanuel Macron régnait sur Bercy. La femme de celui qui n’était alors que ministre de l’Économie prenait part à l’ensemble des réunions et n’hésitait pas à donner son avis sur tout. Elle a, depuis, fait un apprentissage accéléré des codes du pouvoir. La politique n’était pas son idée ; elle en a fait sa chose. Dictant presque son calendrier à son époux. Pour preuve cette confidence faite à Nicolas Prissette dans son livreEmmanuel Macron, en marche vers l’Élysée (First) : « Il faut que j’y aille en 2017 parce qu’en 2022, son problème, ce sera ma gueule. » Pendant la présidentielle, elle se contente d’assister aux réunions d’agenda parce qu’elle a compris que les réunions stratégiques, qui font le miel de ceux qui aiment à se pousser du col, comptent moins que l’agenda, qui conditionne la campagne. « C’est sans doute en raréfiant sa présence qu’elle est la plus influente », analyse un proche du couple présidentiel.
Une emprise totale sur son image
L’arrivée de Pierre-Olivier Costa, un ancien de la Mairie de Paris, pour diriger son cabinet a, dit-on dans les couloirs de l’Élysée, été accueillie avec soulagement par beaucoup, tant certains conseillers du président redoutaient des sorties malvenues de la première dame. « Elle aurait tout à fait pu débarquer au Festival de Cannes, sans voir où est le problème », avoue l’un d’eux. Brigitte Macron a un petit côté midinette parfaitement assumé. Trop contente de pousser la chansonnette avec Johnny Hallyday. De dîner avec Régine. De s’inviter dans la loge d’un artiste au sortir d’un spectacle. Certains racontent qu’elle ne se lasse pas qu’Emmanuel Macron joue au piano Love Me, Please Love Me, de Polnareff , dont ils sont tous les deux des grands fans.
Elle cultive ses réseaux et sait au besoin s’en servir. Mimi Marchand, à la tête de l’agence Bestimage, verrouille sa communication. En échange, comme le raconte l’Express, elle obtient de la première dame que le paparazzi Sébastien Valiela prenne place dans l’avion du président lors du sommet du G7, quand Soazig de La Moissonnière, la photographe officielle de l’Élysée, voyage avec les autres reporters, dans un avion différent… Une manière pour Brigitte Macron de préserver sa vie privée, pour celle qui n’hésite pas à la mettre en scène mais veille, jupitérienne, à la contrôler.
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