La
colère des légions.
« ....Je t’en prie,
rassure-moi au plus vite et dis-moi que nos concitoyens nous comprennent, nous
soutiennent, nous protègent comme nous protégeons nous-même la grandeur de
l’Empire.
S’il devait en être
autrement, si nous devions laisser en vain nos os blanchis sur les pistes du
désert, alors, que l’on prenne garde à la colère des Légions! »
Marcus Flavinius,
Centurion à la deuxième cohorte de la Legion Augusta, à son cousin
Tertullus, resté à Rome.
Jupiter
a encore frappé.
Courageusement, vous l'avez noté.
Sa cible: un serviteur de la patrie, sans pouvoir, insurgé
contre les racleurs de tiroirs caisse. Il a parlé dru, l'ancien, même s'il
n'aime pas trop ça. C'est un soldat. Un vrai. C'est aussi un distingué.
Naissance oblige. Une noblesse sans rature. Et derrière lui, se dressent cent
mille hommes en rangs serrés qui le regardent. Alors, foin du style et des
formules mielleuses. Il s'est exprimé comme nous l'a appris un autre grand chef
prestigieux: « Avec les cosaques, faut parler russe ».
C'est ce qu'il a fait, notre caporal d'honneur. Il a donc
signifié à son auditoire tout ouï qu'il avait, le matin même, enfilé un slip
blindé. Succès garanti. Hochements de têtes compréhensifs. Remerciements
chaleureux. Ces messieurs dames l'ont compris.
C'était bien la moindre des choses. Devant eux se
tenait un homme qui naturellement en impose, et sur les épaules de qui repose
la sécurité de la France, au dedans comme au dehors. Il leur a expliqué
gravement et sans détour que sauver des vies et garantir l'avenir a un coût. Il
a invité ce beau monde à se décrasser les oreilles. Il a « en même
temps » donné un coup d'accélérateur aux méninges embrumées de
ces apprentis législateurs.
Mais les foireux courtisans sont, simultanément, sortis de leur
torpeur estivale. Parvenus là où ils sont par la grâce des entourloupes du
quinquennat précédent, ignorants de tout, et s'en remettant aveuglement au
« Deus ex machina » qui les a fait princes, ils ont couru sans perdre
une minute raconter tout ça à leur maître absolu. De tels
propos peuvent rapporter gros chez les lèche-bottes primo débutants.
L'occasion est belle. Se payer un homme de bien quand on fricote au quotidien
avec l'embrouille malsaine est un plaisir impossible à réprimer. Vent du bas
chez l'chef !
L'chef est un petit. La roture sans noblesse. Un freluquet sans
envergure. Il n'est Jupitérien que pour les vauriens des médias qui l'ont lancé
dans l'arène comme un produit lessive. L'armée, pour lui, est un instrument de
promotion personnelle. Un hochet sans danger. Un truc qui, vaille que vaille,
marche tout seul, comme un robot sans âme, comme tout ce qui lui ressemble.
Une assurance vie sur la gloire payée par des inconnus. La
garantie de l'indifférence des rues. Rien, en somme. Ce trublion étoilé
serait un honnête homme ? Ça veut dire quoi,
honnête, quand on fait de la politique? Ça veut dire qu'on est con. Celui là l'est donc. Réglons lui son compte. Et en public,
pour que la tasse soit bue jusqu'à la lie. Qu'il comprenne que l'article 1 est
bien "L'chef a toujours raison etc....".
Jupiter a été mal élevé. Sa force est qu'il ne le sait pas.
Quand sa tête le tire vers les sommets, ses pompes l'enfoncent dans les basses
couches. Il croit qu'un sermon dans le parc élyséen fera naître sa légende : « L'chef
qui tua Liberty Vaillance ». Quelle prouesse! Quel exploit ! Un chef
d'œuvre d'ignominie à 850 millions d'euros versés avec intérêts dans
l'escarcelle de sa boursouflure. Du jamais vu ! L'extase des gagne-petit.
Le lendemain, discours de pommade. Attitude fignolée au tour de
passe-passe. Sourires, poignées de mains, courbettes, saluts. Jupiter dans ses
œuvres applaudissant ceux qu'il méprise et l'indifférent.
A ses côtés, droit, stoïque, le visage fermé à double tour dans
sa détresse d'homme blessé, l'honnête homme tient son rang. Visiblement, il a
mal dormi. « Onque a moult appris qui bien connu ahan » peut
on lire sur son visage impassible et digne. Jupiter ne voit rien. Il ne voit
pas, dans le regard de celui qu'il a, par des mots assassins, jeté dans la douleur,
le désespoir de la fidélité trahie. De l'honneur insulté par la félonie.
Jupiter freluquet se pavane et du haut de sa tribune voit passer à ses pieds la
cohorte indifférente des géants de nos terres dont il a fait l'apologie pour
mieux les ramener à rien.
Les Dieux s'étranglent. Ils trouvent que la plaisanterie a assez
duré. Il faut en finir avec cette cajolerie déversée avec démesure sur un
aigrefin auquel des nains de jardin cathodiques offrent une place
d'honneur dans leur Olympe. Dehors l'intrus. Dégage. Pour avoir droit à siéger,
il faut auparavant avoir été debout. Que fais-tu là ?
Un désastre ne vient jamais seul. Quel
petit faut-il être pour se sentir obligé de rappeler ce que l'on est quand nul
ne le conteste ou le demande !
La plaie est ouverte dans nos cœurs de soldats. Être si mal
représentés, est-ce possible ? Est-ce tenable ? Nous savons désormais que sous
le fringant et souriant quidam qui, dans un hold-up fulgurant, un soir de mai,
s'est emparé des suffrages des ahuris crédules, se cache un mauvais garnement
sans parole.
Derrière lui, chemine une horde de pillards flexibles prêts à
tout pour faire prévaloir la volonté du Dieu des chiffres auquel leur idole
hypocrite les a soumis.
Derrière ces millions d'euros ravis à nos soldats, il y aurait
des vies qui pourraient disparaître faute de moyens et de renforts ? Qu'importe ! Au sommet de l'état gazouille leur nouveau
roi, au pied duquel, dans un puissant élan de flagornerie, ils se sont
prosternés. Rien ne les arrêtera. Leurs mains crochues ne lâcheront plus le
corps exsangue et révolté des armées sans défense. Bercy prévaut contre le
feu.
Mais un jour viendra où tous ces malotrus devront écouter à
genoux le silence des tombeaux
Colonel Jean-Jacques
Noirot.
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