mercredi 19 juillet 2017

Jupiter frappe. Petite frappe…

Quelle mouche a donc piqué le président de la République ?
Jupiter frappe mais en principe ne se justifie pas. Or, Emmanuel Macron s’est justifié dans Le Journal du dimanche en revenant sur sa remontrance publique, le 13 juillet soir, au général de Villiers, chef d’état-major des armées. Donc, Emmanuel Macron n’est pas Jupiter. On s’en doutait quand même un peu, sauf peut-être chez les macrolâtres.
Et cette justification d’Emmanuel Macron n’est pas très glorieuse, il faut l’avouer : « L’intérêt des armées doit primer sur les intérêts industriels », déclare-t-il dans le JDD, voulant peut-être ainsi laisser entendre que, derrière toutes ces prises de position, qui vont du reste de l’extrême droite à l’extrême gauche, en passant par le marécage de la Macronie, pour s’opposer à la coupe sombre dans le budget de la Défense, il y aurait le lobby militaro-industriel. Ah, ces lobbies en France ! On ne vous parle même pas du lobby pharmaceutique…
Certes, cette saillie du Président est précédée d’une phrase toute faite, vieille comme la politique : « Je dis ce que je fais et je fais ce que je dis, ce n’est pas plus compliqué que cela. » Pas plus compliqué que cela ? Comme la guerre, peut-être : on sait, « art simple et tout d’exécution », comme disait Bonaparte qui ne se prenait que pour Bonaparte et pas pour Jupiter. Et notre Jupiter aux petits pieds d’ajouter : « Moi, j’ai des soldats sur les théâtres d’opération, des gens qui attendent beaucoup, je les respecte, je leur dois la protection », histoire de bien en rajouter : c’est moi le chef de tous ces soldats de chair qui crapahutent sous un soleil de plomb, là-bas, loin de chez nous, en Afrique. Parfois avec des véhicules hors d’âge ? Chut, on vous a dit de vous taire…
« Il a toute ma confiance », précise Emmanuel Macron en parlant du général de Villiers. Mais à condition de « savoir quelle est la chaîne hiérarchique et comment elle fonctionne, dans la république comme dans l’armée », précise-t-il. Et, donc, d’en remettre une couche. Comme si l’on pouvait ignorer, surtout à un si haut niveau, quelle est cette chaîne hiérarchique ! La discipline reste évidemment la force principale des armées, même si cette formule a été enlevée des règlements militaires il y a plus de cinquante ans – M. Macron l’ignore sans doute.
Mais puisque nous en sommes au rappel à la loi ou au règlement, on lira et méditera avec intérêt cet extrait du règlement de discipline générale dans les armées qui a force de loi puisque c’est un décret : « Le subordonné a le devoir de rendre compte de l’exécution des ordres reçus. Quand il constate qu’il est matériellement impossible d’exécuter un ordre, il en rend compte sans délai. »
Quelle mouche a donc piqué le président de la République ? Son orgueil de petit marquis de Bercy a-t-il été atteint ? Peut-être. Car, n’en déplaise à tous les complotistes qui aiment à se faire plaisir, Emmanuel Macron, avant d’être le représentant de la Banque, est d’abord et surtout celui de Bercy. « Bercy a pris le pouvoir », expliquait Jean-Dominique Merchet, vendredi dernier, dans l’émission « C dans l’air ». En nommant à la tête du ministère des Armées Mme Parly, qui a pour seul fait d’armes celui d’avoir été un obscur secrétaire d’État au Budget sous Jospin, le la était donné.
Et le chef d’orchestre ne veut pas entendre une seule note dissonante dans la symphonie Jupiter qu’il veut nous jouer pour son plus grand plaisir. Les soldats sont bien capables de se transformer sur commande en majorettes, devant la tribune officielle le 14 juillet, en jouant du Daft Punk. Alors, on peut bien se permettre d’humilier un général. Et de frapper de sa petite baguette qui n’a rien de magique et encore moins d’enchanté.
Jupiter frappe. Petite frappe.

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