PIERRE-ALAIN FURBURY
Président de la région Auvergne-Rhône-Alpes et premier vice-président de LR, Laurent Wauquiez étrille la pratique du pouvoir par Emmanuel Macron. Mais il estime que la droite devrait voter la loi d’habilitation permettant de réformer par ordonnances le Code du travail.
Que vous inspire la convocation du Congrès par Emmanuel Macron ?
Ce n'est pas le principe qui me choque. Mais il faut être lucide sur le message qui est envoyé : le Premier ministre compte peu, voire rien. Le président de la République a décidé de tout décider tout seul et concentre tous les pouvoirs. Je pense que c'est un tort. Cette intervention devant le Congrès ressemble plus à des pratiques d'une monarchie d'Ancien Régime qu'à une démocratie moderne du XXIe siècle. Il n'y d'ailleurs pas que cela. Ce à quoi nous avons assisté à l'Assemblée ces derniers jours, ce sont les pires pratiques de la vie politique : le recasage de membres du gouvernement extraits à la va-vite parce qu'ils étaient poursuivis par la justice, des tentatives peu honorables de bâillonner l'opposition et l'achat d'élus à coup de postes, pour en faire les mercenaires de la nouvelle majorité. Tout écraser autour de soi, ce n'est pas la modernité, ni le renouvellement. Le pouvoir devrait faire attention à l'effet de boomerang.
Sur le fond, qu'attendez-vous du chef de l'Etat et, le lendemain, du Premier ministre ?
Qu'après de trop longues semaines, on rentre enfin dans le coeur du sujet. Il y a eu beaucoup de communication - souvent habile -, beaucoup de manipulation politicienne - souvent médiocre - ; maintenant, il faut redresser la France. Et je ne voudrais pas qu'on arrive jusqu'à l'été en n'ayant rien fait, parce que les semaines qui sont perdues en ce moment sont des semaines précieuses. Il faut un cap sur la fin du gaspillage de l'argent public, un vrai projet de baisse de la fiscalité, un programme de valorisation du travail et de l'entreprise. Et il faut une vision, ce que Lincoln appelait « l'au-delà de la colline ». La vision de Macron, les Français ne la connaissent pas. On ne redresse pas une entreprise en difficulté sans donner un projet ; on ne redresse pas la France sans vision de société. Quant au Premier ministre, son discours, au lendemain de celui du président, devient inutile.
La droite est dure avec Edouard Philippe. Pourquoi ne pas donner sa chance à un homme issu de vos rangs ?
Pas d'aigreur, pas de faveur. Edouard Philippe a fait le choix de renier sa famille politique et ce qu'il défendait avant. Je le regrette, surtout pour lui. Mais maintenant, cette question ne m'intéresse plus. Ce qu'on attend d'un Premier ministre, c'est qu'il fasse avancer le pays et c'est à cette aune-là que je le jugerai.
Il veut tenir les déficits, réduire les dépenses sans augmenter les impôts. Ce que la droite a toujours défendu...
En politique, il vaut mieux regarder les faits qu'écouter les discours. Les signaux envoyés jusqu'à présent ne sont pas bons. En réalité, ça commence furieusement à ressembler au mauvais feuilleton du quinquennat de Hollande, avec des hausses d'impôt tout de suite, des allégements de charges repoussés et des économies sur la dépense publique cosmétiques. Monsieur le président de la République, ne retombez pas dans les ornières de celui qui a été hier votre employeur ! Je ne voudrais pas que le souffle s'étiole et que, au fond, on soit très énergique pour le marketing politique et très mou pour le changement du pays. Je le dis aussi clairement : nous sommes prêts à soutenir un programme de redressement de l'économie, mais un vrai programme. L'opposition peut soutenir des vrais projets de redressement du pays qui correspondent à nos valeurs, mais pas une mascarade.
Que réclamez-vous ?
La France ne peut pas s'en sortir sans un vrai travail d'apurement de sa dépense publique. Cela veut dire revoir le fonctionnement d'un système social qui est devenu injuste et décourage le travail, se poser les bonnes questions sur une organisation de l'Etat devenue abracadabrantesque. J'ai apporté la démonstration dans ma région, avec le plus grand plan d'économies mené en un an par une administration en France, qu'il était possible de faire des économies sur la dépense. Mais encore faut-il s'en donner les moyens. Et sur ce terrain-là, je ne vois aucune véritable ambition... Nos entreprises sont assommées de charges : l'urgence n'est pas l'augmentation de la CSG mais la baisse des charges. Où en est la défiscalisation des heures supplémentaires ? Il faut favoriser le travail, l'initiative, la justice - ce qui veut dire mettre fin aux régimes spéciaux de retraite. Aujourd'hui, je ne vois pas la vision et je vois de moins en moins les mesures concrètes venir.
Si vous étiez encore député, voteriez-vous la loi d'habilitation à réformer le Code du travail par ordonnances ?
Oui. Tout ce qui peut permettre de rendre l'embauche plus facile va dans le bon sens. De la même manière que nous combattrons vigoureusement des augmentations de fiscalité, il faut que nous puissions soutenir une loi qui doit permettre d'améliorer le Code du travail. S'il y a un effort sincère en la matière, il doit être soutenu. Par contre, nous serons très vigilants : attention à ne pas, pour acheter le silence des syndicats, vider la réforme de son contenu comme ce fut le cas, jadis, sur la loi El Khomri... Pour faire aboutir les projets de réformes économiques, on aura besoin d'une voix claire de la droite.
Etes-vous candidat à la présidence du parti ?
Pour l'instant, ce n'est pas le sujet. Je m'emploie à redonner du dynamisme à notre famille politique, à redonner une voix à l'opposition après les moments extrêmement difficiles qu'on a vécus, à rassembler. Chaque chose en temps et en heure.
LR se déchire à l'Assemblée. Le parti peut-il éviter une explosion ?
J'ai bien conscience des difficultés que nous traversons. Mais l'avantage, quand les rangs se sont éclaircis, c'est qu'on y voit plus clair. Il faut que la droite en profite pour retrouver un message et une cohérence. Ce qu'on reproche à la droite en France, ce n'est pas d'avoir un discours trop fort, mais de ne pas en faire assez quand elle est au pouvoir. Pour que la droite incarne un espoir, elle doit assumer clairement ses idées et ce pour quoi elle s'engage. Je milite pour une droite claire qui arrête de s'excuser des valeurs pour laquelle elle se bat : pour le travail et l'entrepreneuriat, contre le gaspillage de l'argent public, le matraquage fiscal, le communautarisme. Au fond, c'est le message de Pompidou après 1968 : une permanence sur les valeurs, une modernité sur le plan économique. Des grandes crises peuvent sortir des grands espoirs. Cela peut être le cas pour la droite.
Xavier Bertrand, lui, vous accuse de « courir vers l'extrême droite »...
Dans cette période, certains passent beaucoup de temps à dire beaucoup de mal sur tout le monde. Moi, je passe beaucoup de temps pour l'unité de mon parti et pour redonner une voix à la droite. Je leur dis simplement : ne sombrez pas dans la caricature ! Ne laissez pas l'aigreur vous gagner ! Retrouvons ensemble un esprit d'équipe ! C'est ce à quoi je m'emploie en tendant la main et en fédérant. Car rien ne serait pire pour la démocratie française que ce que recherche En marche : supprimer toute voix politique entre eux et les extrêmes. Je ne laisserai pas ça se faire.
Mais pourquoi poursuivre une stratégie très à droite qui a conduit à la défaite en 2012 et en 2017 ?
Je ne sais pas ce qu'on appelle « très à droite ». Je pense que c'est une erreur de diagnostic parce que les Français ne raisonnent plus comme ça. Ils attendent qu'on revalorise le travail par rapport à l'assistanat. Ils sont préoccupés de la place des classes moyennes, qu'il faut remettre au coeur de la société française. Ils ont besoin d'un retour de fermeté en matière de sécurité. Je ne pense pas que, sur ces idées-là, on ait besoin de s'enfermer. Je ne vais pas m'excuser d'être de droite, j'en suis fier. Et la droite rassemble quand elle assume ses valeurs, pas quand elle s'en excuse.
Etes-vous favorable à l'exclusion du parti des députés LR « constructifs » ?
Il y a des démarches qui sont sincères et des démarches qui sont allées au-delà du nauséabond. Les Ganelon de la politique qui étaient prêts à vendre leur poisson rouge pour un poste et l'ont d'ailleurs fait, avec des manoeuvres d'une rare médiocrité, n'ont plus leur place dans notre famille. Mais un certain nombre de parlementaires commencent à se rendre compte qu'ils ont été les otages d'aventures personnelles. Ceux-là, il faut leur tendre la main parce qu'il y a encore pour eux un retour possible. Je m'emploierai jusqu'au bout à me battre sur deux lignes : la clarté et le rassemblement. J'ai conscience que c'est aujourd'hui une voix dans la tempête, mais les voix dans la tempête finissent pas se faire entendre
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