jeudi 18 mai 2017

Jean-Michel Blanquer, un fin connaisseur de l'Éducation nationale venu de la droite

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Jean-Michel Blanquer, qui a collectionné différents postes rue de Grenelle, a effectué la majeure partie de sa carrière sous la droite.
Une fois n'est pas coutume, c'est un fin connaisseur de l'Éducation nationale qui obtient ce maroquin... Et non un homme politique. Grand ami de François Baroin, auteur d'une biographie sur son père Michel Baroin, Jean-Michel Blanquer, 52 ans, aime brouiller les pistes. On l'attendait plutôt ministre de l'Éducation de François Fillon. «Il avait ses entrées. Et il nous avait sollicités à plusieurs reprises», soupire l'un des proches du candidat défait des Républicains. C'est finalement au sein du gouvernement d'Édouard Philippe qu'il décroche le très politique ministère de l'Éducation nationale. Directeur adjoint au cabinet de Gilles de Robien, alors ministre rue de Grenelle en 2006, l'homme n'a connu son premier vrai baptême médiatique qu'en 2008. Tout récent recteur de Créteil, il doit alors faire face à une grève de lycéens émaillée d'incidents.
Dans ce rectorat, le deuxième de France, il fourmille d'idées de plus en plus remarquées: il fait chanter la marseillaise aux écoliers, invente des stages de «tenue de classe» pour les professeurs, crée un «internat d'excellence» à Sourdun qui accueille des élèves méritants issus de milieux défavorisés dans une ancienne caserne militaire. Il a également inventé la «mallette des parents», pour aider les familles dépassées dans l'éducation de leurs enfants, une idée reprise par Najat Vallaud-Belkacem. Sa méthode? Partir de toutes les propositions du terrain et les explorer sans a priori. Créteil devient l'académie «bon élève» du gouvernement de Nicolas Sarkozy. Tentative plus controversée, il invente une cagnotte inspirée d'une expérience anglaise pour inciter les élèves décrocheurs à reprendre le chemin de l'école. Sous la bronca, l'expérience sera abandonnée.

Il préconise un modèle éducatif à la «confluence» des modèles asiatique et scandinave

Devenu incontournable, cet archidiplômé, docteur en droit, agrégé de droit public, titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un DEA d'études politiques de l'IEP de Paris, finit par être nommé à la tête de la direction générale de l'enseignement scolaire (Dgesco) en 2009. Il sera le puissant artisan de l'ombre, avec les ministres Xavier Darcos puis Luc Chatel, de la politique de réduction des postes d'enseignants voulue par Nicolas Sarkozy...En juin 2012, il se porte candidat à la direction de l'IEP. C'est sans succès, mais il rebondit comme directeur général de l'Essec en 2013. S'il est passé du côté de l'enseignement supérieur, c'est l'Éducation nationale qui le démange toujours. En 2014 et 2016, il rédige deux livres sur l'école dans lequel il dessine des réformes pour l'éducation: «l'École de la vie» et «École de demain».
Dans son ouvrage «École de demain», paru fin 2016, il prône la confiance pour faire évoluer l'Éducation nationale, confiance qui «pourra être atteinte grâce à un esprit d'équilibre.» Il préconise ainsi un modèle à la «confluence» des modèles asiatique et scandinave, en s'appuyant sur l'expérience, la comparaison internationale et la science.
Dans son ouvrage, s'il se livre à quelques critiques des mesures portées par l'actuel gouvernement comme l'abandon des programmes de 2008, il refuse cependant «d'engager une énième guerre des programmes». Il rappelle que «le temps de l'éducation est un temps long». Il ajoute qu'il ne s'agit pas d'un «sujet politicien», ce qui impose «d'en finir avec le va-et-vient des réformes éducatives et pédagogiques que la France a connu jusqu'à présent.»

Vocabulaire en maternelle et retour des bilangues

Début mai, il signait encore une tribune dans Le Point, fustigeant d'un côté les «pédagogistes», enclins à voir dans l'enfant un petit roi qui construit son savoir. De l'autre, les «traditionalistes», persuadés que l'école d'hier faisait mieux que celle d'aujourd'hui. «La France a tous les atouts pour trouver une troisième voie qui sache allier le meilleur de la tradition et le meilleur de la modernité. En effet, le cartésianisme et la créativité sont deux caractéristiques qu'on peut reconnaître à notre pays, dont l'alliage peut donner le meilleur métal éducatif. Et, de fait, les pays qui réussissent cela sont en train de faire la différence», écrivait-il. Il y vantait le projet d'Emmanuel Macron: «Il semble bien tenter de trouver cette troisième voie qui a réussi ailleurs en tirant tout le monde vers le haut.» Tout un programme.
Après la passation de pouvoir, rue de Grenelle, mercredi, où il succède à Najat Vallaud-Belkacem, il a assuré qu'«il n'y aurait pas une énième loi ou une énième réforme. Il y aura tout simplement la volonté de s'attacher aux problèmes concrets» en donnant «la liberté aux acteurs et du pouvoir à nos professeurs, chefs d'établissements et à l'ensemble des acteurs de l'Education nationale». C'est toute l'ambiguité du propos pour les syndicats d'enseignants qui craignent déjà une «caporalisation et une mise au pas des professeurs». Qu'entend-il par «autonomie»? Celle des enseignants ou des établissements? Dans son livre, il explique vouloir fonctionner en laissant une autonomie accrue aux équipes pédagogiques pour fixer elles-mêmes la dotation horaire pour les autres matières. Il souhaite également que le chef d'établissement recrute lui-même ses professeurs sur la base du projet qu'il souhaite mener. Une véritable révolution dans un système très centralisé.
À court terme, il a rappelé mercredi que la rentrée 2017 était déjà en grande partie préparée, «mais nous ferons les changements promis par le président de la République» pour «tout ce qui sera à notre portée».
Il souhaite donc se concentrer sur le vocabulaire en maternelle puis sur la première année de l'école élémentaire, pour qu'à la fin de l'année scolaire 2017/18, «il n'y ait pas d'enfant qui sorte du cours préparatoire avec des retards importants en lecture, écriture», a-t-il dit. «C'est évidemment une priorité nationale».
Dans son programme de campagne, le président Emmanuel Macron s'est engagé à ramener à douze maximum le nombre d'élèves en classe de CP et CE1 dans les écoles des réseaux d'éducation prioritaire. Ce dispositif devrait entrer en vigueur dès septembre prochain pour les CP des réseaux d'éducation prioritaires renforcés (REP+), avait indiqué précédemment l'équipe éducation de Macron.
Concernant les rythmes scolaires, il s'agit là encore de «redonner de la liberté aux acteurs». Au collège, Jean-Michel Blanquer souhaite que les langues anciennes et l'allemand «soient valorisés à leur juste place, avec notamment le rétablissement des classes bilangues», dont une partie a été supprimée dans le cadre de la réforme du collège mise en oeuvre à la rentrée 2016.

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