Le Président a décidé qu’il choisirait au coup par coup ceux qui l’accompagneront dans ses différents déplacements et activités.
Nous n’avons
pas beaucoup d’occasions de rire en ce moment, et pourtant : les
journalistes qui ont encensé éhontément le nouveau Président, qui lui ont
consacré d’innombrables unes, qui se sont montrés d’une exemplaire servilité
dans leurs entretiens avec lui et ses serviteurs, qui ont marché joyeusement dans
la construction de la légende dorée du couple Macron-Trogneux, à grand renfort
de photos, retours en arrière, images d’Épinal ou plutôt d’Amiens, eh bien, ces
journalistes se retrouvent foulés aux pieds.
Le Président a décidé qu’il
choisirait au coup par coup ceux qui l’accompagneront dans ses différents
déplacements et activités. Il choisira non seulement le média, mais les
personnes. Oh, joie ! C’est un délicat plaisir que de voir les
thuriféraires transformés en carpettes et les grands bavards réduits au silence.
Certes, ils demandent des explications, esquissent une protestation, mais il
faudra bien qu’ils se rangent, d’autant que, dans le même temps, ils commentent
des sondages annonçant une majorité absolue pour les candidats « en
marche » vers l’Assemblée.
Maintenant, après le couple
admirable, après le parcours triomphal du surdoué, après l’art d’un acteur
capable d’autorité et « en même temps » d’écoute va se construire une
autre légende : l’homme de fer, le seul maître à bord qui somme ses
ministres de se taire, sauf en mission officielle, et les journalistes de
plier ; bref, qui met au pas ceux qui l’ont porté au pouvoir.
On n’a peut-être pas assez prêté attention aux morceaux choisis du couronnement : le Louvre, palais de nos rois modernisé par une pyramide bien ambiguë, l’« Hymne à la joie » européen et sans paroles ont été remarqués. Mais à l’Élysée, lors de l’investiture, parmi d’autres morceaux, le fameux « Air du champagne » du Don Giovanni de Mozart mérite qu’on s’y arrête. Certes, Don Juan, né en Espagne, est rapidement devenu un mythe européen, mais ce séducteur qui fait tomber les femmes comme des mouches est aussi une brute : l’air du champagne promet joie et danse mais sur fond de viol, viol initial de Donna Anna qui causa la mort de son commandeur de père, viol interrompu de la jeune Zerlina. Au fond, ce qui résume le mieux ce héros terrible, c’est son autre air, « Viva la libertà », qui m’a toujours paru illustrer admirablement ce jugement (dont l’attribution est incertaine et qui se rapporte au libéralisme politique) : la liberté du renard libre dans le poulailler libre.
Et Molière, déjà, l’avait bien compris en créant son personnage qui ridiculise les deux paysannes et fait battre le pauvre Pierrot, qui enrage que les pères vivent autant que leurs enfants, qui trompe son créancier, qui veut humilier le pauvre (mais échoue à le faire) et finit par ériger l’hypocrisie en valeur suprême. La séduction est enivrante, la désinvolture fascinante, la morgue aristocratique captivante et souvent, comme Elvire ou Sganarelle/Leporello, nous, spectateurs, tombons sous le charme et l’emprise de ce « conquérant », cet Alexandre, qui n’aime rien tant que la conquête – et, de fait, ne manque pas de courage physique -, ne croit ni à Dieu ni au diable, seulement que « deux et deux sont quatre », ce qui en matière de banque ou de conquête du pouvoir est un solide fondement.
Au-delà des paroles et des programmes, les symboles en disent toujours long…
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