Info VA. Lundi dernier, en pleine affaire Fillon, Nicolas Sarkozy a prononcé un discours à huis-clos au Palais de Justice devant 300 ténors du barreau de Paris, dont Valeurs actuelles a pu se procurer le contenu. L'ancien président critique vertement l’influence exercée sur la justice par le “pouvoir médiatique”.
Nicolas Sarkozy n’était pas là en tant qu’ancien président, mais, “simplement, comme avocat”. Le lundi 20 mars dernier, l’ancien chef de l’Etat remettait la légion d’honneur à l’avocat Jean- Yves Le Borgne. L’intervention a lieu, à huis-clos, devant 300 ténors du barreau. “Trente-cinq minutes au milieu d’un silence religieux puis un tonnerre d’applaudissements” raconte un témoin à Valeurs actuelles, qui a pu se procurer le discours prononcé devant les hommes de loi.
“Eric Woerth avait été condamné par le tribunal médiatique”
La remise de décoration est symbolique, et prend encore plus de poids dans l’actualité de la droite, celle de Nicolas Sarkozy et de François Fillon en particulier. Car Jean-Yves Le Borgne était, dans l’affaire Bettencourt, l’avocat d’Eric Woerth, alors ministre du gouvernement Fillon et accusé de conflit d’intérêts.
Nicolas Sarkozy raconte : “Voilà une affaire qui aura fait couler beaucoup de mauvaise encre. Eric Woerth était coupable. La chose était entendue. Elle avait été tranchée par certains observateurs. Eric Woerth était coupable. La chose était jugée avant même d’être instruite. Il était mon ministre. Il était mon ami. C’était là certainement des circonstances aggravantes. Eric Woerth avait été condamné par le tribunal médiatique et vous, cher Jean-Yves, vous l’avez fait relaxer par un tribunal judiciaire”. Il s’agit là du tribunal correctionnel de Bordeaux, et l’orateur avait lui-même bénéficié d’un non-lieu dans cette affaire.
Nicolas Sarkozy se lance alors dans une critique sévère du système judiciaire français :
“Qui arrêtera l’ingérence du pouvoir médiatique dans le fonctionnement de l’autorité judiciaire ? Qui arrêtera l’instrumentalisation des procédures par le pouvoir médiatique ? Qui aura suffisamment de courage pour écrire le J’accuse qui manque à notre siècle ?”
Il continue : “Qui aura le courage de dénoncer la peine médiatique qui s’abat sur celui qui, parfois, n’a même pas été encore entendu par la justice elle-même ? Qui aura le courage de dire qu’il existe deux peines automatiques et qui ne sont pourtant inscrites dans aucun article du Code Pénal mais qui s’appliquent à tous les justiciables ayant le malheur d’avoir quelque notoriété. : L’inadéquation du temps judiciaire avec le temps médiatique et la publicité de l'instruction dont le secret n’est plus qu’une fable…”
“Comment justifier que le secret des sources du journaliste soit devenu un principe de droit ?”
La justice peut-elle tout se permettre ? Les avocats de François Fillon ont tancé sévèrement les juges en charge de l’enquête dans l’affaire Penelope, notamment pour la violation de la séparation des pouvoirs après la perquisition du bureau de l’ancien Premier ministre à l’Assemblée nationale. Nicolas Sarkozy se lance alors dans un plaidoyer pour que les droits de la défense soient en adéquation avec ceux de l’accusation : “Aucune démocratie, aucun état de droit, ne peut tolérer qu’un pouvoir n’ait pas d’autres mesures de contrôle que lui-même et la seule conscience de ceux qui l’exercent. A l’indépendance de la justice, à l’inamovibilité des juges et à l’inviolabilité du secret de l’instruction doit correspondre le respect de droits équivalents pour la défense. Ce n’est pas parce que la robe de l’avocat est noire quand celle du magistrat se teinte de rouge que ces deux robes n’ont pas droit au même respect, à la même déférence et aux mêmes immunités dans le sens le plus ancien et le plus noble de ce terme”.
L’ancien président s’en prend aussi au secret des sources journalistiques, qui permet aux journalistes de violer le secret de l’instruction en toute impunité sans jamais être menacés : “Comment justifier que dans notre pays le secret des sources du journaliste soit devenu, par la loi, non plus un simple précepte déontologique mais un principe de droit alors que dans le même temps le secret professionnel des avocats peut faire, à tout moment, l’objet d’une perquisition voire d’un interrogatoire dans le cadre d’une garde à vue ?” interroge Nicolas Sarkozy.
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