lundi 27 mars 2017

L'INCONSCIENCE DE MACRON


Il fallait une certaine audace - ou plutôt  une certaine inconscience -  à Emmanuel Macron pour  dénoncer à Alger la colonisation française comme "un crime contre l'humanité"  . Ce n'était pas seulement là  une injure aux Pieds-noirs et aux harkis,  comme on l'a dit sottement, mais aussi  à la France et aux Français à qui  l'épopée coloniale appartient tout entière.

Une épopée qui a  eu,  sans nul  doute, son côté sombre mais  qui a eu aussi sa grandeur : quand plusieurs chefs d'Etat africains   se cotisent pour élever à Brazzaville un mausolée à Savorgnan de Brazza, le tiennent-ils pour un criminel ? De toutes façons , la colonisation dans son ensemble n'a  jamais été tenue pour un crime   contre  l'humanité,   même par les   militants anticolonialistes les plus engagés du côté du FLN algérien.

Macron n'a même pas l'excuse de la démagogie. Ces foucades ne lui rapporteront pas grand chose. Si,  dans les sphères d'un pouvoir  algérien à l'agonie, certaines factions font de la  surenchère accusatoire à l'égard de la France, ni en Algérie ,  ni en France, la population n'apprécie de tels excès. Citons , parmi d'autres ,  Malika Sorel ,  française d’origine algérienne :    «Au Maghreb, les gens sont consternés par ce qui se passe en France. Pour eux, la situation est liée à cette « repentance » et la responsabilité en incombe aux adultes français qui passent leur temps à se prosterner et être à genoux…»  On a bien lu :  la repentance,  cause  du terrorisme.

Est-ce alors un gage donné à certains de ses soutiens ? Ou l'espoir que le FLN donner la  consigne aux électeurs  d'origine algérienne de voter pour lui ? Le feront-ils seulement ?  

Le même Macron a cru bon de déclarer qu'"il n'y avait  pas de culture française" et,  pour montrer le peu de cas qu'il  fait de la langue française , de prononcer à Berlin un discours en anglais  ( on eut pu comprendre  que par courtoise, il l'ait  fait   en  allemand , mais il n'en a  pas été question).

On est confondu que le même homme prétende être président des Français. Sait-il   que, depuis la tribu paléolithique jusqu'a nos jours,   quelques lois anthropologiques élémentaires  commandent  au chef  de ne pas insulter son  peuple ou  son pays , de lui marquer au contraire son estime, de  le  valoriser, de le magnifier, de le rendre fier d'être ce qu'il est  ( Macron qui n'en est pas à une contradiction près affiche dans son programme sa volonté  de rendre nos compatriotes "fiers d'être français" , de "retrouver notre esprit de conquête" ! )  ? Il est un mot anglais que visiblement il ignore : leadership .

Le chef  doit respecter ce que Mallarmé appelle les  "mots de la tribu",   à commencer par sa langue  et les symboles fondamentaux dans lesquels elle se reconnait.  

Nier l'existence d'une culture   française, quelle que soit la variété des apports étrangers qui l 'ont fécondée, est , non seulement une incorrection à l'égard de nos compatriotes,  mais  une ânerie  qui relève , pour le coup,  d'un profonde inculture,  et un crime à l'égard  des milliers de  jeunes issus de l'immigration   à qui on demande de s'  intégrer. 

Disons le tout de suite: il serait hasardeux que , ayant tenu de pareils propos, Macron soit finalement choisi par le peuple français,  ou alors on n'y  comprend plus rien.

Pourquoi  fait-il  injure au peuple français ?

Mais la question qui  se pose : pourquoi donc a-t-il tenu pareils propos  

On dira que,  vivant dans l'univers de la mondialisation, il ne fait déjà plus grand cas  de la France. Cela,  il peut le penser, mais en campagne électorale , il doit au minimum sauver les apparences.   

Alors  quoi ? Insolence ou naïveté ?

Nous penchons pour  la naïveté,  mais elle n'excuse rien au contraire.

Macron est un pur produit de sa génération. Une génération très postérieure à mai 68, largement déchristianisée ( même si une partie a été baptisée,  la culture chrétienne ne lui a guère été  transmise); une génération  où les notions  de patrie, de souveraineté,  voire d'intérêt national , le respect de la francophonie , sont renvoyés aux vieilles lunes. Ne leur a-t-on pas répété, par une falsification éhontée de l'histoire, que cela était du "pétainisme" ?   Ils tiennent certes  De Gaulle pour  un grand homme mais sans bien savoir pourquoi . Les totems de cette génération se retrouvent à  forte dose dans le  programme de Macron : environnement, droits de l'homme,  antiracisme, non-discrimination, voire discrimination positive. Que l'anglais soit sa   langue naturelle ne saurait nous étonner.

La quintessence de  cette mentalité post-nationale s'est exprimée au travers  de  l'évolution    de l'Institut d'études politiques de Paris ( dit Sciences Po) au cours des vingt  dernières années. Macron est à cet égard  un pur produit de la génération Descoings -   Richard Descoings qui a dirigé  célèbre institut de 1996 à 2008, où Macron a été étudiant   de 1998 à 2001.  Science Po   prépare à  l'ENA et donc conditionne l'élite administrative  française, dont l'Inspection des Finances  d'où vient Macron,   est le saint  des saints.  L' abaissement de la France est tellement évident dans cette filière que , malgré son énormité, taxer notre aventure coloniale de crime contre l'humanité n'y choque  pas. Il est probable que ce genre de formule , excessive mais dans l'air du temps ,  peut y  être proférée sans rencontrer de contradiction , ni obérer,  au contraire,  les chances de réussir les concours. Les initiés savent qu'on s'en tire à  Sciences  po et à  l'ENA  et dans d'autres concours, non point en cultivant  l'originalité d'esprit  mais en portant  au contraire avec énergie et brio , et pourquoi pas en forçant le trait,  l'idéologie dominante . 

Dans une telle  perspective, pour la génération  Macron , l'Europe ( celle de Bruxelles, pas la culture européenne, largement ignorée ) , le libre-échange à tout va,  l'alignement occidental antirusse, la défense des droits  de l'homme tout azimut, la porte ouverte à l'immigration, tout  cela  fait partie de l'évidence. Une évidence qui ne se discute plus. Une évidence, mais cela les intéressés l'ignorent, totalement en porte à faux par rapport aux sentiments populaires, et  qui explique à elle seule que le Front national attire aujourd'hui à lui près du  tiers  de l'électorat.

Cette idéologie n'est certes pas nouvelle,   mais avec Hollande, elle avançait encore masquée  sous  les oripeaux da la vieille gauche sociale, comme  du libéralisme avec  Sarkozy. Avec Macron, elle prend  une forme exacerbée et  s'affiche de manière totalement impudique.  

La veille génération socialiste , celle de Mitterrand, bien sûr, mais même celle qui a suivi, celle de Hollande, avait encore un reste de conscience des fondamentaux qui  faisaient jadis   la France: le souvenir  des guerres de 14-18  et 39-45,  la rivalité du curé et de  l'instituteur pour transmettre  la même morale , l'encadrement populaire par l'Eglise ou par  le parti communiste , le sens du péché - et des plaisirs cachés , les 36 000 communes , bref tous  les  marqueurs qui,  de quelque   manière qu'on on se positionne par rapport eux,  ont structuré  la France.   Tout  cela   a disparu dans  la dernière génération de la  mondialisation, sauf dans  quelques vieilles familles  où on cultive encore les traditions mais   dont Macron n'est visiblement pas issu. 

Macron a-t-il compris que l'ensemble de ses positions  le mettent en opposition frontale avec  l 'opinion majoritaire des  Français  ( selon tous les sondages) , quasiment point par point, même avec ceux qui n'envisagent pas de voter  pour  Marine Le Pen ? Sans doute puisqu'il les habille d'une rhétorique fumeuse  de type "ni gauche ni droite " .

A-t-il compris aussi que cette thématique qu'il croit jeune et moderne , l'était déjà il y a quinze ans et que , depuis le Brexit et l'élection de Donald Trump avec tout ce qu'ils  représentent ( critique du mondialisme, réhabilitation des frontières, remise en cause des alliances) , elle pourrait vite appartenir au passé , faisant de   Macron la figure la  plus ringarde qui soit ?

                                                Roland HUREAUX 
Roland Hureaux est un essayiste français. Haut fonctionnaire, il a une activité politique dans les groupes souverainistes et gaullistes.



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