Satiriste polémiste
 
Prosper Mérimée et Charles Grimm ont, chacun, livré une version de la légende du joueur de flûte qui délivra la ville allemande de Hamelin des hordes de rongeurs qui l’infestaient. Il réalisa cet exploit au seul moyen de son instrument et charma tant les rats qu’ils le suivirent jusque dans la Weser où ils se noyèrent. Les bourgeois de la ville refusant de le payer, le mystérieux flûtiste revint pour séduire leurs enfants qui disparurent à jamais.
Il semble qu’Emmanuel Macron soit en train de nous jouer une version moderne – sens dessus dessous, donc – de cette fameuse légende.
Ainsi, alors que, dans le conte de Grimm, le joueur de flûte venu de nulle part propose ses services de dératiseur aux bourgeois avares de la ville de Hamelin, Emmanuel Macron, venu d’Amiens, a proposé ses services de déracineur et de joueur de pipeau à notre hyper-bourgeoisie venue de nulle part ; et tandis que c’est seulement après coup et par vengeance que le flûtiste attira et perdit les jeunes natifs de la ville, Emmanuel Macron a, lui, été engagé d’emblée pour attirer et perdre les jeunes naïfs du pays.
Tous ceux qui ont suivi le premier débat présidentiel sur TF1 reconnaîtront au flûtiste Macron un vrai talent : ne s’est-il pas révélé capable de dire une chose et son contraire dans la même phrase tout en toisant de haut son auditoire avant de se lancer dans une tirade de huit minutes pour ne strictement rien dire. On pensait qu’avec Chirac et Hollande, nous tenions nos deux plus grands joueurs de pipeau de tous les temps, mais les voilà manifestement surclassés.
Et quand bien même les sondages seraient un tantinet gonflés afin d’orienter notre vote, le petit air de musique du chantre d’En Marche ! semble bien avoir séduit toute une procession de braves Français décidés à le suivre sans avoir la moindre idée de l’endroit où il compte les conduire ; s’agissant d’un homme qui assure qu’il n’y a pas de culture française, que l’immigration sans régulation n’est pas un problème et que la délocalisation ou la vente des fleurons de l’industrie française est une bonne chose, on peut sans peine augurer qu’il les conduira à leur perte.
Le pire n’est cependant pas certain, et si la légende du joueur de flûte de Hamelin s’achève tragiquement, il se pourrait bien que la comédie du petit joueur de pipeau d’Amiens se termine heureusement, c’est-à-dire qu’il disparaisse en compagnie de tous les rongeurs affairés de la vie politique française.
Jour après jour, en effet, la horde des personnalités séduites par son petit air de musique sociéto-libérale ou ses promesses de strapontins parlementaires et de maroquins ministériels grossit. Après les idoles des années 80 comme Daniel Cohn-Bendit, Bernard Kouchner et Bernard Tapie vint le temps des anciens ministres de Jacques Chirac comme François Bayrou, Dominique Perben et Philippe Douste-Blazy ou des anciens ministres de François Hollande comme Jean-Yves Le Drian et Barbara Pompili. Ce samedi encore, la presse en émoi annonçait le ralliement à venir de nombreux sénateurs de droite… Ne manquent plus, désormais, à l’appel que Jean-Christophe Lagarde et ses circonscriptards de l’UDI, les NKM, les Estrosi et les autres Baroin de la fausse droite.
Pour peu qu’Emmanuel Macron connaisse le destin d’un Balladur ou d’un Juppé, il entraînera dans sa défaite présidentielle et législative beaucoup de ceux qui partagent la responsabilité de la déconstruction de la France au cours des quarante dernières années, rendant ainsi à notre pays martyrisé un service aussi grand que celui rendu au XIIIe siècle à la ville de Hamelin  par le joueur de flûte légendaire.