Roland Hureaux est un essayiste français. Haut fonctionnaire, il a
une activité politique dans les groupes souverainistes et gaullistes.
Creux mais dangereux
pour les classes moyennes et les libertés
L'annonce en fanfare
du programme de Macron avait tout pour impressionner: 500 experts, 3000 ateliers avec, paraît-il, la participation de 30 000 Françaises et
Français. Il s'est même dit que le document final avait été mis au point par un think
tank de 15 personnes super confidentiel et super qualifié basé à Londres.
Le moins qu'on
puisse dire est que les résultats ne sont pas à la hauteur de tels travaux, réels ou pas.
Il suffit d'écouter
les Français pour connaitre leurs principales préoccupations, finalement assez
simples : en sus de la crainte du chômage
et la baisse de leurs revenus , on citera : l'immigration, l'éducation, la justice et la sécurité, la lourdeur de la pression fiscale et donc des dépenses publiques, le sentiment d'une injustice du système de
redistribution sociale ( pas tant les retraites , seules évoquées dans le document, que les prestations de toute nature ). Il faut y ajouter la question de la
démographie et donc de la politique
familiale : si les Français y sont moins sensibles, c'est la plus importante car elle conditionne non seulement
les retraites à venir mais la survie du pays lui-même. Et aussi la question de notre politique
étrangère, celle de Hollande nous ayant valu le mépris universel.
Les problèmes majeurs de la France sont peu ou pas
pris en compte
Sur tous ces sujets
majeurs, peu ou pas de propositions sérieuses. Rien , absolument rien sur la famille et la
politique familiale ( et donc aucune
perspective de revenir sur sa destruction
par les socialistes[1]
), rien sur la justice , rien sur
l'immigration sinon une défausse sur
l'Europe par le recrutement de 5000
gardes-frontières européens ( et comment
cela intéresserait-il Macron qui a félicité Merkel d'avoir ouvert
largement ses frontières ? ), aucune réponse véritable à cette revendication populaire
essentielle qui est de mettre plus de
justice dans les systèmes sociaux de telle manière que ceux qui qu'on appelle les "travailleurs pauvres" ,
immigrés compris, n'aient pas le sentiment frustrant d'être moins bien traités
que les assistés. Macron qui n'a jamais fait campagne ne
serait-ce que pour une élection cantonale en a-t-il seulement conscience ?
Sur la sécurité, les
rares propositions sont d'une pauvreté affligeante :
développent de la police de proximité (dite
" police de sécurité quotidienne") , "ne plus tolérer les
incivilités" , plus vite dit que fait . Il est certes proposé que
"toute peine prononcée sera exécutée" ( ce qui est techniquement difficile
même si on construit 15 000 places de prison ) , mais encore faut-il qu'elles soient prononcées,
ce qui n'est pas évident aujourd'hui vu les
dérives de la justice, dont Macron ne
s'émeut pas[2]
. En lieu et place d'une politique
pénale ferme , la police pourra envoyer
un délinquant dans un
autre quartier...
Sur l'éducation, il
ne sert à rien de proclamer que l'on donnera "la priorité à l'école primaire" si
on n'en change pas les méthodes , de quoi il n'est nullement question. Inutile
aussi de donner plus d'autonomie aux
établissements, tarte à la crème des programmes
de gauche et surtout de droite qui sert de cache-sexe à la pauvreté de la
réflexion, comme si des chefs d'établissement livrés à eux-mêmes et habitués à
ne pas faire de vagues allaient faire
preuve d'imagination. Ne sont remis en cause ni les méthodes pédagogiques aberrantes , ni le tronc commun
, ni la réforme désastreuse du collège par Najat Vallaud , ni celle des rythmes
scolaires. Sur le sujet de l'éducation, Macron
est apparemment aussi sec que l'était le rapport Attali dont il était le
rédacteur ( et qui citait en exemple de pays organisé la Grèce !) .
Il n 'est guère
question de politique étrangère, sauf pour annoncer l'installation d'un "quartier
général européen" : pour faire la
guerre à qui ? Même s'il n'en parle pas dans son programme, Macron ne met nullement en cause la diplomatie
néoconservatrice, antirusse, pro-islamiste et droit de l'hommiste menée durant
les dernières années et dont on connait les résultats catastrophiques.
Pas question non
plus de "la France périphérique", provinciale et rurale, qui souffre et dépérit : on peut imaginer que
le 1/4 des départements qu'il projette de supprimer sont de cette France là .
Les Français croulent
sous les impôts : le programme prévoit la suppression de la taxe d'habitation,
la seule que tous les résidents ou presque, Français et étrangers , payent . Il prévoit aussi la baisse de l'impôt
sur les sociétés de 33 % à 20 % et ,
comme Fillon, l'abrogation de l'ISF . Par quoi remplacer ces allègements ? Le
programme ne le dit pas . Mais cela aussi,
on le sait par ailleurs : par un super-impôt foncier , qui ne sera payé
que par les propriétaires . Moins d'impôts pour le haut et le bas de l'échelle,
encore plus pour les classes moyennes (c 'est à dire les 58 % de Français, principalement indigènes, qui ont un patrimoine surtout foncier) .
Dépenses publiques à tire larigot
Comment attendre
d'un tel programme une réduction des dépenses publiques ? Sur
les 96 propositions, 27 annoncent une
augmentation des dépenses, presque
aucune ne tend à les réduire ; il est seulement
question de "lutter
davantage contre la fraude fiscale ou sociale",
ce qui laisse supposer que le
ministre Macron ne le faisait pas assez. Les propositions dépensières fusent allègrement
de toute part : augmenter le minimum vieillesse de 100 € par mois ( mais rien sur
les retraites des artisans ou des agriculteurs souvent plus faibles : il est vrai qu'il
s'agit de propriétaires ) , augmentation de l'allocation d' adulte handicapé de 100 €
aussi, rénovation d'1 million de logements, plus construction de 100 000
logements d'étudiants, extension du bénéfice
de l'assurance chômage à ceux qui démissionnent volontairement, remboursement à 100 % des lunettes et des prothèses dentaires, plan de 5 milliards
pour la santé, de 5 milliards pour l'agriculture, grand plan
d'investissement de 50 milliards , 2 % du PIB pour la défense nationale (comme par hasard, l'objectif fixé par l'OTAN
dont Macron est bon élève ), soit au
moins 20 milliards de plus. Et il est dit en prime "Nous augmenterons les salaires de tous les travailleurs, des
ouvriers , des employés" d'un 13e
mois. Le Fonds pour l'industrie et l'innovation qui
s'ajoute à tout cela est certes
financé mais de manière inquiétante : par la vente des participations de
l'Etat dans les industries stratégiques, ce qui va encore affaiblir sa capacité de manœuvre. De politique industrielle , il est à
peine question chez celui qui a autorisé la cession à General Electric , ordonné lé
démantèlement d'Areva et ne pense qu' ubérisation.
Ajoutons que comme le programme de Marine Le Pen et à la différence de celui de Fillon, Macron maintient la retraite à 60 ans, sans même exiger comme elle 40 ans de cotisation.
Cette masse de propositions
dépensières pourrait être interprétée
comme un convergence entre les deux candidats, qui contraste avec l'austérité du programme de Fillon, mais il y a tout de même une différence : Macron qui se dit très
favorable au processus européen et au maintien l'euro - il n'en parle pas tant ça va de soi pour lui
- , devra respecter le critères de convergence européens ( dits de Maastricht).
On se demande comment.
Une
approche contradictoire de
l'Europe
Macron a beau
promettre de "construire une
Europe qui développe nos emplois et nos
économies", qui "protège nos industries stratégiques", on sait bien qu'elle a fait le contraire
jusqu'ici . Il ne servira donc à rien de réunir "des conventions citoyennes pour redonner un sens au projet européen" ( toujours
le peuple à qui on a mal expliqué les
choses!) si le logiciel de l'Europe de Bruxelles n'est pas revu en profondeur. Fillon est pour le maintien de l'euro mais il
intègre à son programme les disciplines
que cela implique ( abrogation des 35 heures, retraite à 65 ans, réduction de
la fonction publique ) . Macron est pour
l'euro mais sans les disciplines qu'implique son maintien . Marine Le Pen refuse , comme Macron, ces disciplines mais se propose de mettre fin
à l'euro. Fillon et Le Pen , chacun à sa
manière, sont cohérents. Macron,
lui, est incohérent : si son programme était appliqué, il ne lui resterait
qu'à faire comme Hollande : attendre la croissance pendant cinq en regardant d'un air désolé grimper la courbe du chômage et les déficits. Il
sait faire puisque il
a été pendant cinq ans le principal conseiller économique de Hollande.
Ce ne sont pas les
seules contradictions qu'entraine l'engagement européen de Macron : il propose que les agriculteurs vivent de leurs ventes ( "soient payés au prix juste") et non
point de subventions, alors
même que c'est Bruxelles qui a imposé en 1992
la réforme de la PAC qui a remplacé
la rémunération par les prix par une rémunération par les primes. Comment d'ailleurs concilier ces intentions avec la volonté d'étendre le libre-échange à travers le CETA
, traité euro-canadien qu'il est le seul candidat à soutenir et qui fera encore
baisser les prix ?
Politiquement correct : toujours plus
Loin de laisser espérer
plus de liberté, le programme de Macon annonce en outre entre les lignes le resserrement de toutes les
contraintes bureaucratiques et
idéologiques liées au politiquement
correct : environnement ( 50 % de produits
bios dans les cantines : qui va contrôler ? Mise à
la casse des vieilles voitures : qui va payer ? ) , parité à tous les
étages ,
non discrimination à tout va : "Nous ferons de la lutte contre la
discrimination une priorité nationale" : bonjour l'ambiance , et même discrimination positive sous la forme
d'"emplois francs" pour
les ressortissants de certaine banlieues. Le nom des entreprises ne respectant
pas la parité homme/femmes sera rendu public. Macron prévoit même de diminuer
le financent public des partis qui
auraient une représentation non paritaire, oubliant que ce dispositif existe
déjà… - il est significatif que Macron promette ce que Hollande a déjà fait Autre obsession , l' évaluation généralisée, des services publics, du travail parlementaire et bien sûr des résultats
de l'enseignement - à partir de mesures
dont on connait l'arbitraire et
la lourdeur. Quels critères dans une tel environnement pour choisir les bénéficiaires des "accélérateurs
d'associations" (c'est-à-dire en
bon français des aides supplémentaires) :
leur "correction politique" ? On peut le craindre. En perspective, une société où les pressions sociales de toutes sortes, que les
gens supportent déjà mal, pèseront encore davantage. Bonjour le candidat jeune et
libéral !
Beaucoup de
formation ( encore le rapport Attali ! ) comme si c'était là la panacée alors même que
la France dépense déjà 40 milliards à
cet effet sans qu'on sache bien ce qui en sort.
"Donner au
préfets la capacité d'adapter l'organisation des services de l'Etat
aux besoins de chaque région aux
situations locales" : M.Macron ne le sait pas mais on en parle depuis
quarante ans . Autrefois, ils le
faisaient sans qu'on le leur dise mais
la conception germanique du droit ayant,
via l'Europe, envahi l'administration française ( ce qui ne saurait déplaire à Macron), il n'y a plus
guère d' espace pour ce genre d'assouplissements.
La "société du spectacle" en marche
Tout cela est assorti , ficelle un peu grosse, de quelques
propositions ponctuelles clinquantes
: interdiction de téléphones portables à
l'école primaire et au collège ( et au
lycée ?) , ouverture des bibliothèques
le soir et les week-end - mais n'est ce pas déjà le cas ? - , un Pass culturel ( ce que font déjà
beaucoup de maires), remboursement des lunettes et des prothèses
dentaires à 100%. Les
collectivités locales seront encouragées
voter des "budgets participatifs", ce qui plaira à Ségolène Royal . De ces propositions démagogiques, on aurait pu en
faite beaucoup d'autres et de plus
originales : manque d'inspiration ?
Ajoutons tout un
catalogue de propositions destinées à
"moraliser la vie politique" , le grand
dada de Bayrou qui l'a exigé :
différentes mesures qui vont
encore compliquer l'exercice de la fonction de parlementaire : ils ne pourront
plus faire du conseil, ni embaucher
leur femme ( ni leur maîtresse ?), sans
rien résoudre. Y a-t-il une réponse
institutionnelle à un problème qui est
d'abord de civilisation ?
Les propositions
vraiment positives sont rares : le rétablissement de classes bilingues , promis
aussi par Fillon, la limitation des sessions
parlementaires . L'enseignement du fait religieux à l'école, vieille lune là
aussi, fait craindre bien des abus.
En résumé , ce
programme, souvent flou et toujours démagogique
laisse apparaitre, malgré son clinquant, le prolongement et même l'aggravation des
tendances majeures du quinquennat Hollande : immigration non contrôlée,
dégénérescence du système éducatif, explosion de la délinquance , sacrifice des familles et
dénatalité, alourdissement des dépenses publiques et de la fiscalité , persistance d'un
volant de chômage , aides publiques donnant un vif sentiment d'injustice , police
du politiquement correct omniprésente.
Cette continuité par
rapport au quinquennat qui se finit explique en partie la pauvreté du programme
Macron : faute de rien innover quant au fond, il ne lui restait qu'à proposer du clinquant : la société du
spectacle , chère à Guy Debord, est plus
que jamais en marche. Et la méthode participative n'a rien arrangé : Marcel
Dassault disait qu'un chameau était un cheval dessiné par un comité : nous y
voilà bien ! A tout le moins est-il rare que les groupes de travail trouvent d'autre terrain
d'entente que ce qui se trouve dans l'air du temps. Ajoutons la patte personnelle
du candidat qui apparaît ici où là : lui
aussi respire le même air mais il révèle
au passage les lacunes encore nombreuses de sa connaissance de la
société française, par exemple de sa démographie. Et peut-être n'est-il pas entouré d'autant
d'experts, des vrais, qu'il prétend..
Quant à la philosophie générale , elle est claire : plus d'Europe,
plus d'ouverture des frontières ( aux hommes et aux marchandises), "en marche" vers une société mondialisée
où la France, coupable de crimes contre
l'humanité et qui n'a pas de culture propre, ne pèsera guère. Tout ce dont rêvent les Français…
De ces tendances, la plus inquiétante est sans doute le laminage
accéléré des classes moyennes que laisse
pressentir l'allègement de la fiscalité
sur le capital financier , et son alourdissement corrélatif sur le capital immobilier , complétés par ce qu'exige l'Europe de la concurrence comme la banalisation de professions à statut (notaires, pharmaciens) qui ne figure pas dans le programme mais qui
avait été amorcée par la loi Macron et va
sans doute se poursuivre.
L'autre motif
d'inquiétude , encore plus grave, est que
la victoire de Macron nous fasse entrer
dans une société où l'empire de la pensée politiquement correcte, en manière d'environnement (destruction irréversible du paysage par les éoliennes)
, d'antiracisme, de non-discrimination, d'ultra- féminisme , de libéralisme économique
et sociétal , d'européisme, de soi-disant
ouverture au monde, soit encore plus
oppressif : la fin de la démocratie ?
Roland
HUREAUX
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