lundi 27 mars 2017

LE CREUX PROGRAMME DE MACRON



Roland Hureaux est un essayiste français. Haut fonctionnaire, il a une activité politique dans les groupes souverainistes et gaullistes.

Creux mais  dangereux pour les classes moyennes et les libertés

L'annonce en fanfare du programme de Macron avait tout pour impressionner:  500 experts, 3000 ateliers avec, paraît-il,  la participation de 30 000 Françaises et Français. Il s'est même dit que  le document final avait  été mis au point  par un think tank de 15 personnes super confidentiel et super qualifié  basé à Londres.
Le moins qu'on puisse dire est que les résultats ne sont pas  à la hauteur de tels travaux, réels ou pas.
Il suffit d'écouter les Français pour connaitre leurs principales préoccupations, finalement assez simples  : en sus de la crainte du   chômage et la baisse de leurs   revenus , on citera : l'immigration, l'éducation,  la justice et la sécurité,  la lourdeur de la pression  fiscale et donc des dépenses publiques,  le sentiment d'une injustice du système de redistribution sociale ( pas tant les  retraites , seules évoquées dans le document,  que les  prestations  de toute nature ).  Il faut y ajouter la question  de  la démographie   et donc de la politique familiale : si les Français y sont moins sensibles, c'est  la plus importante car elle conditionne non seulement les retraites à   venir mais la survie du pays lui-même.  Et aussi la question de notre politique étrangère, celle de Hollande nous ayant valu le mépris universel. 

Les problèmes majeurs de la France sont peu ou pas pris en compte

Sur tous ces sujets majeurs, peu ou pas de propositions sérieuses.  Rien , absolument rien sur la famille et la politique familiale   ( et donc aucune perspective de revenir sur sa destruction  par les socialistes[1] ),  rien sur la justice , rien sur l'immigration  sinon une défausse sur l'Europe par le  recrutement de 5000 gardes-frontières européens  (  et comment  cela intéresserait-il Macron qui a félicité Merkel d'avoir ouvert largement ses frontières ? ), aucune réponse  véritable à cette revendication populaire essentielle qui est de mettre plus  de justice dans les systèmes sociaux de telle manière que ceux qui qu'on appelle  les "travailleurs pauvres" , immigrés compris, n'aient pas le sentiment frustrant d'être moins bien traités que les  assistés.  Macron qui n'a jamais fait campagne ne serait-ce que pour une élection cantonale en a-t-il seulement conscience ?
Sur la sécurité, les   rares    propositions sont d'une pauvreté affligeante : développent de la police  de proximité (dite " police de sécurité quotidienne") , "ne plus tolérer les incivilités" , plus vite dit que fait . Il est certes proposé que "toute peine prononcée sera exécutée" ( ce qui est techniquement difficile même  si on construit 15 000 places de prison  ) , mais encore faut-il qu'elles soient prononcées, ce qui n'est pas évident aujourd'hui  vu les dérives  de la justice, dont Macron ne s'émeut  pas[2] . En  lieu et place d'une politique pénale ferme , la police  pourra envoyer un  délinquant  dans  un autre quartier...
Sur l'éducation, il ne sert à rien de  proclamer  que l'on donnera  "la priorité à l'école primaire" si on n'en change pas les méthodes , de quoi il n'est nullement question. Inutile aussi de  donner plus d'autonomie aux établissements, tarte à la crème des  programmes de gauche et surtout de droite qui sert de cache-sexe à la pauvreté de la réflexion, comme si des chefs d'établissement livrés à eux-mêmes et habitués à ne pas faire de vagues  allaient faire preuve d'imagination.  Ne sont  remis en cause ni les méthodes  pédagogiques aberrantes , ni le tronc commun , ni la réforme désastreuse du collège par Najat Vallaud , ni celle des rythmes scolaires. Sur le sujet de l'éducation,  Macron est apparemment aussi sec que l'était le rapport Attali dont il était le rédacteur ( et qui citait en exemple de pays organisé la Grèce !) .
Il n 'est guère question de politique étrangère, sauf pour annoncer l'installation d'un "quartier général  européen" : pour faire la guerre à qui ? Même s'il n'en parle pas dans son programme, Macron ne  met nullement en cause la diplomatie néoconservatrice, antirusse, pro-islamiste et droit de l'hommiste  menée  durant les  dernières années  et dont on connait les  résultats   catastrophiques.
Pas question non plus de "la France périphérique", provinciale et rurale,  qui souffre et dépérit : on peut imaginer que le 1/4 des départements qu'il projette de supprimer sont de cette France là . 
Les Français croulent sous les impôts : le programme prévoit la suppression de la taxe d'habitation, la seule que tous les résidents ou presque,  Français et étrangers ,   payent . Il prévoit aussi la baisse de l'impôt sur les sociétés  de 33 % à 20 % et , comme Fillon, l'abrogation de l'ISF . Par quoi remplacer  ces allègements  ?  Le programme  ne le dit pas . Mais cela aussi, on le sait par ailleurs :   par un super-impôt foncier , qui ne sera payé que par les propriétaires . Moins d'impôts pour le haut et le bas de l'échelle, encore plus pour les classes moyennes (c 'est à dire les 58  % de Français, principalement indigènes,  qui ont un patrimoine surtout  foncier) .


Dépenses publiques à tire larigot

Comment attendre d'un tel programme une réduction des dépenses publiques  ?  Sur les 96 propositions, 27 annoncent  une augmentation des  dépenses,   presque aucune ne tend à les réduire ; il est seulement  question de  "lutter davantage contre  la fraude fiscale ou sociale", ce qui laisse supposer que    le ministre Macron ne le faisait pas assez. Les propositions dépensières fusent allègrement de  toute part : augmenter le minimum  vieillesse de 100 € par mois ( mais rien sur les  retraites des  artisans ou des agriculteurs  souvent plus faibles : il est vrai qu'il s'agit de propriétaires ) , augmentation de  l'allocation d' adulte handicapé de 100 € aussi,  rénovation d'1 million de   logements, plus construction de 100 000 logements  d'étudiants,  extension  du  bénéfice de l'assurance  chômage  à ceux qui démissionnent  volontairement,  remboursement à 100 % des lunettes  et des prothèses dentaires,  plan de   5 milliards pour la santé, de 5 milliards pour l'agriculture,   grand plan d'investissement de 50 milliards , 2 % du PIB pour la défense nationale  (comme par hasard, l'objectif fixé par l'OTAN dont  Macron est bon élève ), soit au moins 20 milliards de plus. Et il est dit en prime "Nous augmenterons  les salaires de tous les travailleurs, des ouvriers , des employés"  d'un 13e mois.   Le Fonds pour l'industrie et l'innovation qui s'ajoute à  tout cela est certes financé  mais de manière inquiétante  : par la vente des participations   de l'Etat dans les industries   stratégiques, ce qui va  encore affaiblir sa capacité de  manœuvre. De politique industrielle , il est à peine question chez celui qui a autorisé  la cession à General Electric , ordonné lé démantèlement d'Areva et ne pense qu' ubérisation.
Ajoutons que comme  le programme de Marine Le Pen  et à la différence  de celui de Fillon,  Macron maintient la retraite à 60 ans,   sans même exiger comme elle  40 ans de cotisation.
Cette masse de propositions dépensières pourrait être interprétée  comme un convergence entre les deux candidats, qui contraste avec  l'austérité du programme de Fillon,  mais il y a   tout de  même  une différence : Macron qui se dit très favorable au processus européen et au maintien l'euro  - il n'en parle pas tant ça va de soi pour lui - , devra respecter le critères de convergence européens ( dits de Maastricht). On se demande comment.


Une  approche  contradictoire de l'Europe

Macron a beau promettre de "construire  une Europe  qui développe nos emplois et nos économies", qui "protège nos industries stratégiques",  on sait bien qu'elle a fait le contraire jusqu'ici . Il ne servira donc à rien   de réunir "des conventions  citoyennes pour redonner  un sens au projet européen" ( toujours le peuple  à qui on a mal expliqué les choses!) si le logiciel de l'Europe de Bruxelles n'est pas revu en profondeur.  Fillon est pour le maintien de l'euro mais il intègre  à son programme les disciplines que cela implique ( abrogation des 35 heures, retraite à 65 ans, réduction de la fonction publique ) . Macron  est pour l'euro mais sans les disciplines qu'implique son maintien  . Marine Le Pen refuse , comme Macron,  ces disciplines mais se propose de mettre fin à l'euro.  Fillon et Le Pen , chacun  à sa  manière, sont  cohérents. Macron, lui, est  incohérent  : si son programme était appliqué, il ne lui resterait qu'à faire comme Hollande : attendre la croissance pendant cinq en regardant  d'un air désolé   grimper la courbe du chômage et les déficits. Il sait faire   puisque il  a été pendant  cinq ans le  principal conseiller économique de Hollande.  
Ce ne sont pas les seules contradictions  qu'entraine   l'engagement européen  de Macron : il  propose  que les agriculteurs vivent de leurs ventes  ( "soient payés au prix juste") et non point  de subventions,    alors même que c'est Bruxelles qui a imposé en 1992  la réforme de  la PAC qui a remplacé la rémunération par les prix par une rémunération par les primes. Comment  d'ailleurs concilier ces  intentions avec la volonté  d'étendre le libre-échange à travers le CETA , traité  euro-canadien qu'il est le  seul candidat à soutenir et qui fera encore baisser les prix  ?   

Politiquement correct : toujours plus 

Loin de laisser espérer plus de liberté, le programme de Macon annonce en outre entre  les lignes le resserrement de toutes les contraintes  bureaucratiques et idéologiques liées  au politiquement correct : environnement  ( 50  %  de produits bios  dans les cantines  : qui va contrôler ?  Mise  à la casse des vieilles voitures : qui va payer ? ) , parité à tous les étages  ,  non discrimination à tout va : "Nous ferons de la lutte contre la discrimination une priorité nationale" : bonjour l'ambiance ,  et même discrimination  positive sous la  forme  d'"emplois francs"  pour les ressortissants de certaine banlieues. Le nom des entreprises ne respectant pas la parité homme/femmes sera rendu public. Macron prévoit même de diminuer le financent public des partis  qui auraient une représentation non paritaire, oubliant que ce dispositif existe déjà… - il est significatif que Macron promette ce que Hollande a déjà fait  Autre obsession , l' évaluation  généralisée, des services publics,  du travail parlementaire et bien sûr des résultats de l'enseignement - à partir de mesures  dont on  connait l'arbitraire et la lourdeur.  Quels critères  dans une tel environnement pour choisir  les bénéficiaires des "accélérateurs d'associations"  (c'est-à-dire en bon français des aides supplémentaires) :   leur "correction politique" ? On peut le craindre.   En perspective, une société  où les   pressions sociales de toutes sortes,   que les gens  supportent déjà mal,  pèseront   encore  davantage. Bonjour le candidat jeune et libéral ! 
Beaucoup de formation ( encore le rapport Attali ! )  comme si c'était là la panacée alors même que la France   dépense déjà 40 milliards à cet effet sans qu'on  sache  bien ce qui en sort.
"Donner au préfets la capacité d'adapter l'organisation des services  de l'Etat   aux besoins de chaque région  aux situations locales"  : M.Macron  ne le sait pas mais on en parle depuis quarante ans .  Autrefois, ils le faisaient sans qu'on le leur dise  mais la conception germanique du droit  ayant, via l'Europe, envahi l'administration française ( ce qui  ne saurait déplaire à Macron), il n'y a plus guère d' espace pour ce genre d'assouplissements.

La "société du spectacle" en marche

Tout cela  est assorti , ficelle un peu grosse, de quelques propositions ponctuelles  clinquantes :  interdiction de téléphones portables à l'école primaire et au collège ( et  au lycée ?) , ouverture  des bibliothèques le soir et les week-end - mais n'est ce pas déjà  le cas ? - , un Pass culturel ( ce que font déjà beaucoup de maires),   remboursement des lunettes et des prothèses dentaires à 100%.   Les  collectivités locales seront encouragées  voter des "budgets participatifs",  ce qui plaira à    Ségolène Royal .  De ces  propositions démagogiques, on aurait pu en faite beaucoup d'autres et de  plus originales : manque d'inspiration ?   
Ajoutons tout   un catalogue de propositions  destinées à "moraliser la vie politique" ,  le grand  dada de Bayrou qui l'a exigé  :  différentes mesures qui  vont encore compliquer l'exercice de la fonction de parlementaire : ils ne pourront plus faire du conseil,   ni embaucher leur femme ( ni  leur maîtresse ?),   sans rien résoudre.  Y a-t-il une réponse institutionnelle  à un problème qui est d'abord de civilisation ?  
Les propositions vraiment positives sont rares : le rétablissement de classes bilingues , promis aussi par Fillon,  la limitation des sessions parlementaires . L'enseignement du fait religieux à l'école, vieille lune là aussi, fait craindre  bien des abus.
En résumé , ce programme, souvent flou et toujours démagogique  laisse apparaitre, malgré son clinquant,    le prolongement et même l'aggravation des tendances majeures du quinquennat Hollande : immigration non contrôlée, dégénérescence du système éducatif, explosion  de la délinquance , sacrifice des familles et dénatalité, alourdissement des dépenses publiques  et de la fiscalité , persistance d'un volant  de chômage ,  aides publiques  donnant un vif sentiment d'injustice , police du politiquement  correct omniprésente.
Cette continuité par rapport au quinquennat qui se finit explique en partie la pauvreté du programme Macron : faute de rien innover quant au fond, il ne lui restait  qu'à proposer du clinquant : la société du spectacle , chère à Guy Debord,  est plus que jamais en marche. Et la méthode participative n'a rien arrangé : Marcel Dassault disait qu'un chameau était un cheval dessiné par un comité : nous y voilà bien ! A tout le moins est-il rare que les  groupes de travail trouvent d'autre terrain d'entente que ce qui se trouve  dans  l'air du temps. Ajoutons la patte personnelle du candidat qui apparaît ici où  là : lui aussi respire le même air mais il  révèle au passage les lacunes encore nombreuses de sa connaissance   de la société française, par exemple de sa démographie.  Et peut-être n'est-il pas entouré d'autant d'experts, des vrais,  qu'il prétend..
Quant à  la philosophie  générale , elle est claire : plus d'Europe, plus d'ouverture des frontières ( aux hommes et aux marchandises),  "en marche" vers une société mondialisée  où la France, coupable de crimes contre l'humanité et qui n'a pas de culture propre, ne pèsera guère.  Tout ce dont rêvent les Français…
De ces tendances,  la plus inquiétante est sans doute le laminage accéléré  des classes moyennes que laisse pressentir l'allègement de la  fiscalité sur le capital financier , et son alourdissement corrélatif  sur le capital immobilier , complétés  par ce qu'exige l'Europe de la concurrence  comme la banalisation de professions  à statut (notaires, pharmaciens)  qui ne figure pas dans le programme mais qui avait été amorcée  par la loi Macron et va sans doute se  poursuivre.
L'autre motif d'inquiétude , encore plus grave,    est que la victoire de Macron nous  fasse   entrer dans une société où l'empire de la pensée politiquement  correcte,  en manière d'environnement  (destruction irréversible du paysage par les éoliennes) , d'antiracisme, de non-discrimination, d'ultra- féminisme , de libéralisme économique et sociétal , d'européisme,  de soi-disant ouverture au monde, soit  encore plus oppressif : la fin de la démocratie ?

                                                Roland HUREAUX





[1] Sauf les familles immigrées principales bénéficiaires des allocations "ciblées sur ceux qui en ont le plus besoin", les  natifs pauvres n'ayant plus guère d'enfants.
[2] Il est vrai  que l'institution judicaire est bien plus indulgente pour Macron que pour Fillon.

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