Interpellé sur la loi travail par deux grévistes lors d'un déplacement à Lunel (Hérault), le ministre de l'Economie a eu une réplique teintée de mépris de classe.
Les propos sont choquants, l’image restera. Interpellé vendredi par deux grévistes lors d’un déplacement à Lunel (Hérault), Emmanuel Macron, poussé dans ses retranchements et passablement irrité, a lancé à l’un d’eux : «Vous n’allez pas me faire peur avec votre tee-shirt. La meilleure façon de se payer un costard, c’est de travailler.» Et son interlocuteur de lui répondre : «Mais je rêve de travailler, monsieur Macron.» Dans la bouche du ministre de l’Economie d’un gouvernement de gauche, a fortiori quand celui-ci, jamais élu, est un ancien banquier à la fortune faite, la réplique suinte une forme de mépris de classe. Costard contre tee-shirt. Elite contre prolo. Actif contre chômeur. Grossier et dévastateur. On pense à Nicolas Sarkozy et son «casse-toi pauv' con» lancé au Salon de l’agriculture.
Le dérapage est intervenu en marge d’une visite d’Emmanuel Macron à de jeunes élèves d’une école du numérique et visant à «montrer un autre visage» de Lunel, commune tristement célèbre pour ses huit jeunes morts en Syrie. C’est alors que le ministre, aussi ambitieux que libéral affiché, a été interpellé sur la loi travail par deux hommes opposés, comme des millions de Français de gauche, au projet du gouvernement. BFMTV a capté cet échange d’une dizaine de minutes, durant lequel Macron finit par perdre son sourire puis ses nerfs. «Je n’ai pas de leçons à recevoir. Si vous ne voulez pas que la France soit bloquée, arrêtez de la bloquer», lance le ministre, nez-à-nez avec ses interlocuteurs. «Ce qui bloque la France, c’est le 49.3, Monsieur Macron», lui répond-on dans l’assistance. C’est à ce moment-là que le ministre, piqué au vif, effectue sa sortie de route. D’abord incompréhensible («vous n’allez pas me faire peur avec votre tee-shirt»), il se montre ensuite indécent pour ne pas dire insultant («la meilleure façon de se payer un costard, c’est de travailler»).
En découvrant ces propos, qu’on aimerait plutôt lire sur le Gorafi, on se demande quelle mouche a (encore) piqué Macron, esprit brillant mais politique amateur, qui a plutôt l’habitude des transgressions sur les 35 heures, l’ISF ou le statut des fonctionnaires. Et puis - au-delà des polémiques en partie excessives qu’elles avaient suscitées - on se souvient de sa sortie sur les ouvrières «illettrées» de chez Gad ou de sa saillie sur la France qui a besoin de jeunes qui rêvent d’être milliardaires.
Chaque fois, des circonstances atténuantes avaient été trouvées à ce Macron, si souriant et si vert en politique, d’autant qu’il avait ensuite présenté des excuses ou nuancé ses dires. Mais cette fois, une simple pirouette ne suffira pas. Cette saillie du «costard» sonne comme un cri du cœur de la France d’en haut à celle d’en bas, sur le mode : t’as qu’à bosser ! Il serait navrant que l’échange - simplement «musclé» aux yeux des commentateurs les plus complaisants - puisse profiter au ministre. L’épisode démontre en tout cas que l’élégance ne tient pas à un costume, même vendu au prix d’un Smic.
[Mise à jour 12h06]:
Selon un temoin de la scène, cité ce samedi matin sur Twitter par un journaliste de l'Express, un des grévistes aurait d'abord lancé au ministre : «Vous, avec votre pognon, vous achetez des costards», s'attirant la réplique qu'on connait.
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