Les
prochaines élections présidentielles françaises seront indéniablement un
tournant dans l’histoire politique de notre pays et dans celle de la
Vème République. Ces élections donnent l’étrange impression d’un suicide
français tant l’issue annoncée par les sondeurs contient en elle tous
les germes de l’impuissance et de la paralysie du pays.
Une campagne électorale atypique
Pour la première fois dans l’histoire de la Vème République, le Président sortant ne se représente pas, acculé par le bilan catastrophique de son quinquennat.
Pour la
première fois, l’un des favoris à cette élection a surgi tout récemment
dans le monde politique ; il ne représente que lui et se targue de
l’inutilité d’un programme dès lors que l’élection présidentielle
serait, selon lui, la rencontre (mystique) entre un homme et le peuple.
Pour la
première fois, le parti au pouvoir aborde cette élection dans un état
calamiteux et nul ne doute qu’il implosera après cette élection.
Pour la
première fois, la candidate du Front National bénéficie d’une situation
acquise en tenant entre ses mains son ticket de participation au second
tour, ticket que personne ne semble remettre en question.
Enfin, pour
la première fois, le candidat de la droite, choisi démocratiquement,
fait l’objet depuis début février 2017 d’une campagne de dénigrement de
sa personne d’une intensité inégalée dans l’histoire de la Vème République.
Ultime
particularité de cette campagne : l’absence de débat sur les sujets de
fond, sur les programmes des candidats et surtout sur l’adéquation des
projets avec les besoins du pays et des Français. Tout s’articule autour
des sentiments des uns et des autres, de la cote d’amour ou de la
décote d’amour de tel candidat. Une forme de superficialité linéaire,
plane et irrationnelle, organise les discours dans le cadre de cette
élection. La campagne électorale a définitivement pris les habits de son
époque : les profondeurs du tweet, la versatilité du buzz et le décrochage avec la vie réelle.
Depuis
plusieurs semaines, on ne parle que de l’usage par François Fillon, de
l’enveloppe budgétaire accordée à chaque parlementaire pour rémunérer
ses assistants en oubliant de dire que cette enveloppe forfaitaire est
accordée à tous les parlementaires et est dépensée par ces derniers.
François Fillon n’a pas extorqué des fonds publics en se faisant
attribuer des enveloppes supplémentaires et illégales, il a simplement
fait usage de ce que la loi lui accordait. Après, nous basculons dans le
concours de vertu et de moral quant à l’appréciation de l’usage fait de
cette enveloppe qui, de toute façon, aurait été dépensée d’une manière
ou d’une autre. Chacun place les curseurs de la morale selon ses propres
critères. Ce qui est certain, c’est que les défendeurs autoproclamés de
la vertu omettent des dérives bien plus graves et mettent tout sur le
même plan : usage d’une enveloppe budgétaire plafonnée et accordée
légalement, ouverture de comptes bancaires à l’étranger, tentatives
d’échapper à la loi fiscale, détournements de fonds publics pour des
usages personnels ou rétribution d’une permanente d’un parti par
le Parlement européen. Tout est amalgamé et analysé sans
hiérarchisation des fautes : l’usage discutable d’une enveloppe
budgétaire semble aussi grave ,sinon plus, que les tentatives des uns
pour échapper à l’impôt ou le détournement de crédits publics par
d’autres (ce que n’est pas l’affaire Fillon).
On ne parle
que de cela et on ne parle pas de l’avenir de la France. Nous sommes
plongés dans des échanges irrationnels où l’accessoire prend le pas sur
l’essentiel. Pourtant, la question de l’avenir de notre pays devrait
nous occuper tant les perspectives dessinées par les sondages sont
anxiogènes à bien y réfléchir.
Le vote Macron et le retour des vieux briscards de la politique
Pour la
première fois, sauf erreur de ma part, l’un des favoris à l’élection
présidentielle, Emmanuel Macron, est un homme apparu récemment dans le
paysage politique français. Le 26 août 2014, Emmanuel Macron est dévoilé
aux yeux du grand public lors de sa nomination au poste de ministre de
l’économie et des finances. Pour un public plus averti, Emmanuel Macron
est remarqué le 15 mai 2012, à l’occasion de sa nomination au poste de
secrétaire général adjoint de l’Élysée. Enfin, pour les plus curieux et
les plus attentifs, Emmanuel Macron a surgi sur les radars du monde
politique lors de son soutien à Jean-Pierre Chevènement au premier tour
de l’élection présidentielle de 2002. Puis, il devient membre du parti
socialiste et il s’engage aux côtés de François Hollande en 2006. Lors
de l’élection présidentielle de 2007, il fait partie du groupe les
Gracques, composé d’anciens patrons et de hauts fonctionnaires, lesquels
appellent à une alliance entre Ségolène Royal et …. François Bayrou !
Et oui, déjà Bayrou…
Aujourd’hui, Emmanuel Macron se déclare non socialiste. Il a fondé son mouvement et, soutenu par les Attali, Bergé, Hermand et autres, se présente à l’élection présidentielle de 2017.
Une
partie du public se pâme devant M. Macron et accepte mal les critiques
adressées à cette icône glamour de la Web-politique. Pourtant, on est en
droit de s’interroger sur la manière dont le pouvoir sera exercé si M.
Macron est élu à la présidence. M. Macron essaye de faire venir à lui
toutes celles et tous ceux qui seraient prêts à le servir. Le vent des
sondages fait gonfler les voiles des radeaux avec lesquels les ralliés à
M. Macron quittent leurs navires historiques : transfuges du PS,
valises du Modem portées par un Bayrou les yeux luisants de la
perspective du pouvoir, élus de divers partis et membres esseulés de la
société civile. Toute cette transhumance sur les terres du
« web-mystique à la rencontre du peuple » constitue une foule bigarrée
dont la culture et les intérêts divergent.
Le problème,
c’est que pour gouverner et mettre en place les réformes radicales dont
la France a besoin, il faut des équipes soudées, motivées et en accord
avec les objectifs à atteindre.
La première
contrainte de M. Macron sera de rendre la contrepartie des soutiens qui
lui auront été apportés au cours de cette élection. Cette contrepartie
s’appelle le pouvoir et notamment les portefeuilles ministériels. A coup
sûr, nous aurons un gouvernement dit de coalition car il faudra
rassembler des sensibilités variées. L’effectif de ce Gouvernement
atteindra très certainement celui du Gouvernement Rocard II qui
était un Gouvernement soutenu par une coalition donc dans l’obligation
de distribuer des titres : 21 ministres et 31 secrétaires d’Etat. M.
Macron doit déjà avoir une liste de 52 personnes dont il faudra acheter
un semblant d’obéissance en leur attribuant un maroquin.
Un ministre est à la tête d’un ministère : la mise en œuvre des politiques publiques passe par l’administration.
Aux yeux des politiques, cette dernière a besoin d’être stimulée et
d’être encadrée si ce n’est surveillée. Il faut donc se doter de
cabinets ministériels efficaces dans le rôle d’intermédiaire entre le
ministre et l’administration. En règle générale, et nonobstant les
tentatives de régulation par M. Jospin du nombre de conseillers
techniques, les cabinets ministériels peuvent compter en moyenne 25
conseillers par membre du Gouvernement. Evidemment, ce nombre varie
selon l’importance du ministère : les conseillers sont plus nombreux à
Bercy qu’à l’Environnement. Matignon, pour sa part, peut même avoir un
cabinet composé de 56 personnes.
Retenons cette moyenne de 25 conseillers par membre du Gouvernement
même si M. Macron devra distribuer beaucoup de hochets après son
élection. Nous arrivons à un total de 1300 agents ! (52*25). Déjà on se
pose une question : M. Macron se présente comme l’incarnation
du renouveau en politique, un homme neuf, mais pourra-t-on en dire
autant de ces 1300 conseillers techniques dont le rôle sera primordial
et essentiel ? Ajoutons aussi les conseillers du Président de la
République. François Hollande a un cabinet composé officiellement de 33 agents. M. Macron doit trouver au moins 1333 hommes et femmes de confiance et si possible « neufs » comme lui.
Du point de
vue politique, il faut un Gouvernement (52 membres) et une majorité à
l’Assemblée nationale pour gouverner. Il y a 577 députés. La majorité
est à 289 députés mais par sécurité, il convient de porter ce chiffre à
300 députés. Nouveau défi pour M. Macron : il est hors parti politique
mais il va devoir présenter des hommes et des femmes se revendiquant de
lui dans 577 circonscriptions. Fichtre, pour un homme seul et nouveau
hors parti, l’épreuve n’est pas facile. Que va-t-il se passer ? Parions
que le béarnais va placer les membres du Modem un peu partout sous
l‘étiquette glamour « Avec Macron, En Marche ! ».
M. Macron,
homme sans parti, doit donc trouver 352 hommes et femmes politiques pour
le seconder au plus près. Ajoutons les 1333 conseillers techniques, et
nous obtenons 1685 individus qui seront la garde rapprochée de M.
Macron. M. Macron va donc devoir puiser dans les ralliés en tout genre
dont le point commun est de ne pas être nouveaux en politique et d’être
même pour beaucoup, des vieux habitués des couloirs et antichambres du
pouvoir. Pour le renouveau de la politique, les Français doivent
réaliser que c’est raté et que si on leur vante cette qualité du vote
Macron, cela est une arnaque digne d’un vendeur ambulant d’aspirateurs.
Le vote Macron ou le suicide français
L’Assemblée Nationale de demain sera une Assemblée composée principalement des hommes et des
femmes du béarnais lequel fera peser tout son poids sur les réformes,
leur calendrier et leur audace. Cette future majorité sera courte et
composée principalement de représentants du parti centriste et de
transfuges divers et variés. En conséquence, le principal travail du
Gouvernement sera de rassembler des parlementaires aux intérêts
divergents autour de chaque projet de loi soumis au vote de l’Assemblée.
Chaque projet de loi devra être préalablement et longuement discuté
avant d’obtenir un consensus au sein de cette majorité de circonstance.
Demain, le
Gouvernement de la France passera la plus grande partie de son temps à
négocier ses projets auprès d’une majorité parlementaire laquelle ne se
rassemblera que sur le plus petit dénominateur commun car il faudra
convaincre tout le monde de voter. En clair, aucune réforme d’importance ne sera adoptée avec pareille composition de l’Assemblée Nationale.
La France, après l’inutile quinquennat de François Hollande, va vivre
un nouveau quinquennat de paralysie durant cinq longues années. Le
problème, c’est que le monde change à toute allure et pas forcément en
bien : l’élection de Donald Trump est lourde de conséquence en matière
internationale, le Brexit va faire trembler l’Europe voire conduire à
son éclatement, la crise migratoire va s’accentuer, le terrorisme n’est
pas encore jugulé et dans l’incertitude du monde de demain, la France
sera absente car toute occupée à la seule gestion des affaires
courantes, seul espace de pouvoir autorisé par le vote Macron.
A la fin du 3ème trimestre 2016, la dette française était de 2 160,4 milliards d’euros, soit 97,6% du PIB. La charge de la dette était, toujours en 2016, de plus de 44 milliards d’euros. Cette
charge de la dette est très fortement liée à l’évolution des taux
d’intérêt. La montée actuelle des taux pour la France pourrait accroître
la charge de la dette de 9 milliards d’euros par an et
encore, à condition d’une envolée des taux limitée. Il n’est pas
incongru de penser que si la France n’arrive pas à peser de son poids
dans les évolutions du monde (post-Brexit, etc) et si elle n’arrive pas à
se réformer, alors un sort similaire à celui de la Grèce attend notre
pays.
Pour
toutes ces raisons, la candidature Macron, présentée comme une occasion
de changement salutaire pour la France, est une imposture dont notre
pays ne se relèvera sans doute pas. Une chose est sûre car les chiffres
parlent d’eux même : voter Macron ce n’est pas voter pour un homme
nouveau et des politiques nouvelles : voter Macron c’est porter au
pouvoir tous les transfuges qui hantent depuis de longues années les
antichambres du pouvoir. Rien de neuf sous le soleil, les turpitudes
resteront les mêmes. Alors, on aura beau mettre en examen François Fillon pour
une affaire bien mineure au regard des multiples autres scandales qui
ont émaillés la vie politique, la France n’y trouvera pas son compte et
notre vieux pays ne s’en remettra sans doute pas. La morale sera sans
doute sauvée sur une affaire mineure mais le pays aura sombré.
Régis DESMARAIS
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