Affaire Fillon : mythes et réalités du «cabinet noir»
28 mars 2017, 7h14 | MAJ : 28 mars 2017, 12h33
Décryptage. C'est le nouvel angle d'attaque du camp Fillon : l'existence d'un prétendu cabinet noir, piloté par François Hollande, et responsable des ennuis judiciaires du candidat de la droite.
L'allégorie de la Justice,ses yeux bandés, sa balance dans une main et son glaive dans l'autre, va-t-elle devoir être remplacée par une marionnette tenue par le président de la République depuis son « cabinet noir » ? C'est le sens de l'offensive menée depuis plusieurs jours par le camp de François Fillon, qui dénonce une justice « instrumentalisée ». Pilotée qui plus est par ce fameux cabinet aux mains du pouvoir socialiste. Opposants sur écoute téléphonique, fuites orchestrées dans la presse : la justice serait donc le bras armé, mais discret, de la majorité.
D'où viennent les fuites ?
Comment sortent donc ces affaires embarrassantes ? En France, l'administration fonctionne de manière pyramidale. Les informations sur les enquêtes sensibles suivent donc le même chemin : du service enquêteur au cabinet du ministre de l'Intérieur pour ce qui est de la police, et du procureur au cabinet du garde des Sceaux pour ce qui relève des procédures judiciaires. Cette chaîne d'information fonctionne depuis des décennies, que les gouvernements soient de gauche ou de droite. Comme toute chaîne, elle est composée de maillons : autant de personnes dans les états-majors policiers ou judiciaires, les cabinets ministériels, qui ont connaissance d'une procédure, ou d'une partie de procédure, et qui ont donc la possibilité de la faire « fuiter ». Ce système contredit en tout cas une phrase qui s'échappe souvent de la bouche des ministres concernés quand ils affirment avoir appris l'existence d'une enquête « dans la presse ». Si c'est effectivement le cas, ce sera uniquement parce qu'ils n'ont pas consulté les notes qui leur sont transmises quotidiennement... par leurs collaborateurs !
Les cabinets ministériels peuvent-ils influencer une enquête ?
Reste l'interrogation cruciale : que font donc les cabinets ministériels de toutes ces informations qui remontent des services ? Et, surtout, donnent-ils en retour des instructions pour orienter des investigations dans un sens ou dans un autre ? Depuis l'élection de François Hollande, plusieurs dispositions ont été prises, notamment sous l'influence de Christiane Taubira, alors garde des Sceaux : une circulaire, d'abord, signée le 19 septembre 2012, puis une loi promulguée le 25 juillet 2013 qui mettent fin aux « instructions de la chancellerie dans les affaires individuelles ». En clair, un ministre de la Justice ne peut plus rédiger une note à un procureur pour lui demander de faire diligence ou non dans une affaire, comme c'était le cas avant.
La justice est-elle forcément impartiale ?
Sur le papier, donc, si la justice n'est aujourd'hui pas vraiment indépendante, son impartialité est gravée dans le marbre. Dans les faits, tout reste possible, puisqu'il y a bien d'autres moyens qu'une note écrite pour faire passer des messages. Les informations sensibles ou sulfureuses circulent donc et continueront à circuler sans avoir besoin d'un « cabinet noir ». Les cabinets classiques suffisent. Aucun homme, aucune femme politique de la majorité ou de l'opposition ne peut feindre de l'ignorer. Notamment l'ancien Premier ministre et son entourage. Puisque le système a toujours fonctionné ainsi.
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