samedi 26 août 2017

Qui est Beata Szydlo, la première ministre polonaise qui défie Macron
PORTRAIT - Élue à la tête d'un gouvernement ultraconservateur en 2015, cette femme de 54 ans a mis en place des mesures controversées en Pologne, provoquant la colère de Bruxelles. Depuis sa nomination, elle n'a de cesse de critiquer «l'ancienne Europe» et sa position sur les réfugiés.
Le nom de Beata Szydlo n'est pas parmi les plus connus des dirigeants européens. Élue à la tête du gouvernement polonais en novembre 2015, cette ultraconservatrice a sèchement répondu, ce vendredi, aux accusations d'Emmanuel Macron qui reprochait à Varsovie de se mettre «en marge» de l'Europe sur «de nombreux sujets», jugeant ces déclarations «arrogantes». Mais qui est cette femme de 54 ans adeptes des déclarations polémiques?

● Une ascension dans l'ombre de Jaroslaw Kaczynski

Fille de mineur, diplômée en ethnographie de l'université Jagellonne de Cracovie, Beata Szydlo s'est lancée en politique en se faisant élire maire, en 1998, de la petite ville de Brzeszcze, dans le sud de la Pologne. Sept ans plus tard, en 2005, elle se fait élire députée sous les couleurs de Droit et justice (PiS), un parti ultraconservateur et eurosceptique. Au Parlement, l'élue défend les positions de sa formation politique , proches de celles de l'épiscopat, sur des questions telles que l'avortement, la fécondation in vitro et la Convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la violence à l'égard des femmes.
Pourtant, malgré un parcours linéaire, Beata Szydlo ne s'est fait un nom que récemment en Pologne lors de la campagne qui a permis à Andrzej Duda, membre du PiS, d'accéder à la présidence en 2015. La même année, elle est désignée par son mentor, le controversé Jaroslaw Kaczynski - premier ministre de 2006 à 2007 - pour diriger la campagne législative du PiS. Finalement, son parti remporte largement ces élections et elle est nommée première ministre le 9 novembre 2015 par Andrzej Duda. «Je sais que l'on me traite d'ennuyeuse et de quelconque, mais je préfère travailler dur et dans l'ombre que de construire ma carrière avec des feux d'artifice», dit-elle pour contrer ceux qui critiquent son manque de charisme.

● Une dirigeante ultraconservatrice

Beata Szydlo, mère de deux enfants, n'a eu de cesse, durant sa vie politique, de défendre les valeurs familiales et s'est attachée à se donner l'image d'une femme proche du peuple et sans fard. Pour se hisser dans le fauteuil de première ministre, elle a ainsi largement profité des voix d'une frange de la population touchée par le chômage et qui ne profite pas du miracle économique polonais, ni de ses taux de croissance insolents (+ 2,8% en 2016).
Un des thèmes centraux de sa campagne a été la question migratoire, qui divise les Polonais. Elle a ainsi critiqué la proposition de l'Union européenne, lancée en 2015, de répartir les réfugiés selon les pays. Une solution qu'elle juge «mauvaise» lors d'un débat télévisé avec sa prédecesseure, Ewa Kopacz. «Aujourd'hui, les Polonais se soucient davantage de leur sécurité», avait-elle ajouté. En 2016, après les attentats de Bruxelles, elle annoncera que son pays n'accueillera pas de migrants sur son sol, certains des membres du gouvernement assimilant clairement les réfugiés musulmans à de potentiels terroristes, dans le cadre du programme de répartition de l'Union européenne. Sa prédecesseure entendait en accueillir près de 7000.

● Une adepte des offensives verbales

Une fois au pouvoir, Beata Szydlo mettra en pratique les idées du parti Droit et justice, toujours dirigé par son mentor Jaroslaw Kaczynski. Elle prendra ainsi des réformes controversées sur les médias publics qui sont désormais soumis, de fait, au gouvernement. Son gouvernement s'est également attaqué au Tribunal constitutionnel - l'équivalent du Conseil constitutionnel français - en voulant revoir son fonctionnement.
Ces deux réformes ont suscité une vive condamnation de l'Union européenne et avaient provoqué de grandes manifestations dans tout le pays avec «Liberté, égalité, démocratie» pour mot d'ordre. Le président du Parlement européen, Martin Schulz, ira jusqu'à parler de «coup d'État» en décembre 2015 après le vote de ces lois. Des propos vivement condamnés par la première ministre jugeant ces déclarations «inacceptables».
En juin dernier, Beata Szydlo avait provoqué un tollé lors d'un discours prononcé à Auschwitz lors des commémorations du 77e anniversaire du premier transport de prisonniers dans le camp de concentration et d'extermination nazi. «Dans notre époque trouble, Auschwitz est une grande leçon qu'il faut tout faire pour défendre la sécurité et la vie de ses citoyens», avait-elle déclaré. La veille, la Commission européenne avait décidé d'enclencher une procédure d'infraction contre la Pologne, la Hongrie et la République tchèque pour leur refus d'accueillir des demandeurs d'asile dans le cadre du programme de relocalisation de réfugiés décidé par Bruxelles. «De telles paroles ne devraient jamais être prononcées à cet endroit par un premier ministre», s'est indigné, sur Twitter, le président du Conseil européen et ancien premier ministre polonais, Donald Tusk.
Le dernier acte de provocation de la première ministre concerne les propos d'Emmanuel Macron qui a reproché, ce vendredi, à Varsovie de se mettre «en marge» de l'Europe sur «de nombreux sujets». «Peut-être, ses déclarations arrogantes sont-elles dues à son manque d'expérience et de pratique politique, ce que j'observe avec compréhension, mais j'attends qu'il rattrape rapidement ces lacunes et qu'il soit à l'avenir plus réservé», a déclaré Beata Szydlo au site wpolityce.pl. «Je conseille à M. le président qu'il s'occupe des affaires de son pays, il réussira alors peut-être à avoir les mêmes résultats économiques et le même niveau de sécurité de ses citoyens que ceux garantis par la Pologne», a-t-elle encore lancé. Le message est clair.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire