dimanche 26 mars 2017

Charles de Gaulle, François Fillon. Deux rebelles


Jean-Claude Allard, mars 2017
Qui imagine un seul instant le général de Gaulle mis en examen ?
En lançant ces mots, François Fillon commettait deux erreurs : une erreur tactique parce qu’il n’imaginait pas la manœuvre qui allait le prendre à revers et une erreur historique parce que le général de Gaulle fut réellement inculpé et condamné. Certes, nous pouvons dire, rétrospectivement, qu’il y avait de la grandeur dans l’insubordination du général qui a permis le retour de la France dans le concert stratégique des Nations et nous ne nierons pas qu’il y a quelque chose de dérisoire dans les fautes, pour l’instant supposées, du candidat à sa succession.
Un premier constat qui ne permet pas de les rapprocher. Et pourtant, tout comme l’histoire a réhabilité le général, pouvons-nous affirmer qu’elle ne réhabilitera pas le candidat ?
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N’y a-t-il pas une dimension stratégique dans cette présidentielle 2017 ?
Voyons les faits dans les années 1930-1945. Dès 1924, de Gaulle, jeune officier dénonce l’ennemi allemand en train de sombrer dans le national-socialisme, tout en fustigeant dans ses écrits (  « La discorde chez l’ennemi », 1924 ; « Le fil de l’épée », 1932 ; « Vers l’armée de métier », 1934 ; « La France et son armée »,) 1938.les carences de l’État français, de la société et de l’armée. Il a d’ailleurs une idée arrêtée du pouvoir politique : « A quoi tient l’empire du politique ?
Une cabale de cour, une intrigue de conseil, un mouvement d’assemblée le lui arrache dans l’instant ». (Le politique et le soldat, in Le fil de l’épée, Le livre de poche, p.127) Passons, même si la citation est intéressante, le cœur du sujet n’est pas là.
Par sa ténacité à alerter le pouvoir politique, ce général inconnu se voit appeler, par un gouvernement en désarroi, au poste de sous-secrétaire d’État au ministère de la Défense Nationale et de la Guerre, dans le Cabinet de Paul Reynaud, du 6 au 16 juin 1940. Durant ces dix jours, il bouscule les politiques pour les convaincre de poursuivre la guerre, puis devant leur refus, il décide seul de représenter la France en obtenant du Premier ministre britannique, Winston Churchill la reconnaissance de Chef de la France libre. Cette France « [...] Elle sait, elle sent, qu’elle vit toujours d’une vie profonde et forte» (Discours du 24 juin 1940 diffusé en réponse à la signature de l’armistice par le gouvernement Pétain.)
Dans sa biographie du général, Jean Lacouture parle du « rebelle » pour la période 1890-1944.
Le rebelle doit être condamné. Notre époque est-elle si éloignée de cette situation ?
Le gouvernement Pétain ne peut supporter cette rébellion. Le 4 juillet 1940, un conseil de guerre réuni au Palais de Justice de Toulouse le juge pour « refus d’obéissance et incitation des militaires à la désobéissance » et le condamne à quatre ans d’emprisonnement et à cent francs d’amende.
Un jugement insuffisant pour le gouvernement qui veut éliminer ce gêneur. Il le fait inculper.  (« L’inculpation » est devenue « mise en examen » en 1993) et  juger par contumace par une cour martiale réunie à Clermont-Ferrand le 2 août 1940. Elle le condamne « à la peine de mort, à la dégradation militaire et à la confiscation de tous ses biens présents et à venir, ainsi qu’aux frais envers l’État, pour trahison, atteinte à  la sûreté extérieure de l’État, et désertion en temps de guerre ».
Comme nos parents et grands-parents, nous vivons dans « une drôle de guerre » : notre armée guerroie sur deux continents, patrouille même dans nos rues et y fait usage de ses armes ; notre police s’épuise à surveiller mille et un « radicalisés » en en laissant d’ailleurs autant « sous les radars » (Cette expression curieuse est empruntée à la journaliste de France 2 commentant l’affaire d’Orly au journal de 20 heures du 18 mars 2017)  ; nos démocraties se lézardent, laissant le vent mauvais de l’islamisme se glisser dans nos cités ; des émeutes secouent régulièrement nos territoires perdus ou plutôt les territoires dans lesquels nous laissons en perdition des populations que l’État devrait protéger ; des peuples au Proche Orient, en Asie, en Afrique vivent dans la peur de l’idéologie islamiste ; le projet Europe vacille ; l’allié turc se dérobe à ses obligations dans la lutte contre l’État islamique puis accuse des dirigeants européens de « nazis ».
Une dimension stratégique que l’on recherche en vain dans les débats de l’élection. Tout cela ressemble furieusement à une version modernisée de « Tout va bien Madame ma marquise », ritournelle qui enjolivait les années. Il n’y a pas lieu de s’alarmer, « nous vaincrons parce que nous sommes les plus forts, comme le proclamait déjà le président Paul Raynaud en 1939.
Dans ce climat, un candidat à la Présidence, un seul, semble troubler la fête. Il parle de « Vaincre l Totalitarisme islamique », d’approfondir et diversifier notre politique étrangère au regard de nos intérêts et de notre sécurité et non de nos passions passagères. Est-ce un nouveau « rebelle » ? Un factieux ou un résistant en puissance ? Faut-il le faire taire ?/ JCA





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