À l’Élysée, un cabinet noir nauséabond ?
Cette nouvelle « révélation », bien nauséabonde, ne peut qu’ajouter au discrédit qui touche de plus en plus la vie politique et les politiciens.
François Fillon a provoqué un scandale, hier soir, sur le plateau de « L’Émission politique », en accusant François Hollande d’orchestrer des fuites à son encontre et en demandant que soit ouverte une enquête : « On cherchait un cabinet noir, on l’a trouvé, ce cabinet noir ! », a-t-il lancé.Il se fonde sur un article de Valeurs actuelles qui titre, ce vendredi, en couverture : « Écoutes, filatures, surveillance… Les dossiers noirs de l’Élysée ». Le magazine publie des extraits exclusifs du livre-enquête écrit par trois journalistes d’investigation au Canard enchaîné, intitulé Bienvenue Place Beauvau. Police : les secrets inavouables d’un quinquennat, qui doit paraître incessamment.
Avant la fin de l’émission, l’un des auteurs a démenti catégoriquement : « On n’a jamais écrit ça […]. La seule personne qui croit qu’il y a un cabinet noir à l’Élysée c’est François Fillon. » De son côté, François Hollande a condamné, dans un communiqué, « avec la plus grande fermeté [ces] allégations mensongères », assurant qu’il n’a été informé « que par la presse » des affaires de François Fillon.
Il a de nouveau réagi ce matin sur l’antenne de Radio France : « Tout est clair ici, et ce qui n’est pas clair, c’est ce que François Fillon doit justifier auprès de la justice. […] Ma position a toujours été l’indépendance de la justice, le respect de la présomption d’innocence, et ne jamais interférer. Je crois que c’est très différent de mes prédécesseurs. »
Chacun, en fonction de ses préférences politiques – car, telles les puissances trompeuses définies par Pascal, elles peuvent altérer le jugement –, prendra le parti de l’un ou de l’autre. Essayons donc d’apporter au débat des éléments d’information qui aident à se faire l’opinion la plus objective possible.
Il est fort probable que François Fillon, en attaquant ainsi François Hollande, a voulu allumer un contre-feu. Mais cela ne signifie en aucun cas que ses affirmations soient erronées.
Les « cabinets noirs », sous différentes appellations, ont déjà existé sous la Ve République – et bien avant, dans l’Histoire. S’ils n’étaient pas nécessairement dirigés par les Présidents en personne, qui voulaient garder les mains propres, des proches s’occupaient des basses besognes. Citons, pour mémoire, l’affaire des écoutes de l’Élysée, commandées par François Mitterrand pour éviter des révélations au sujet de sa fille naturelle. Chaque président de la République a peu ou prou fait surveiller des personnalités pour des raisons qui ne concernaient pas seulement l’intérêt de l’État. François Hollande serait-il le seul Président impeccable ?
N’a-t-il pas confié lui-même, le 17 février 2014, devant des députés socialistes : « Sarkozy, je le surveille, je sais tout ce qu’il fait » ? Vanité du personnage ou maladresse d’un Président qui ne devrait pas dire ça ?
Qu’apprend-on exactement dans l’ouvrage sur l’existence éventuelle d’un « cabinet noir » ? « Il n’est pas possible d’en apporter la preuve formelle. Comme il n’est pas possible de prouver le contraire ! », écrivent les auteurs. « Mais l’addition d’indices troubles et de témoignages étonnants interroge. » De quoi douter tout de même…
« Plusieurs observateurs bien placés dans l’appareil policier » leur ont décrit « par le menu l’existence d’une structure clandestine, aux ramifications complexes, et dont le rayon d’action ne se serait pas cantonné au seul renseignement territorial ». Nicolas Sarkozy était visé. Manuel Valls aussi. Et François Hollande ne serait pas au courant ? Qui, alors, tenait les ficelles ? Un ami qui lui veut du bien ?
Affaire à suivre. En attendant, cette nouvelle « révélation », bien nauséabonde, ne peut qu’ajouter au discrédit qui touche de plus en plus la vie politique et les politiciens.
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