Vendredi, le retrait de sa candidature semblait inéluctable. Mais depuis lundi soir, le candidat de la droite et du centre apparaît comme le seul et unique légitime représentant de son camp pour la présidentielle.
S'il fallait un exemple de plus que rien n'est jamais joué en politique, celui de ces dernières 72 heures et de l'atterrissage réussi de François Fillon serait probablement l'un des plus parlants. Vendredi soir, le vainqueur de la primaire de la droite et du centre paraissait très affaibli. Après l'annonce, trois jours plus tôt, de sa convocation devant les juges en vue d'une possible mise en examen le 15 mars, après une longue suite de défections au sein de son propre camp, il lui semblait impossible de tenir bien longtemps.Lundi soir, l'horizon s'est éclairci pour le candidat. Le comité politique des Républicains l'a assuré de son soutien "à l'unanimité". Fini les recherches de plan B en coulisses, les longs silences d'élus tentés par les défections. Officiellement du moins, tout est rentré dans l'ordre.
Le succès du Trocadéro. Il a suffi d'un week-end pour que le vent tourne en faveur du candidat. Premier élément qui a (beaucoup) pesé dans la balance : le rassemblement de soutien, organisé dimanche avec Sens commun, association issue de la Manif pour Tous, place du Trocadéro, à Paris. Pour François Fillon, c'était un coup de poker. Il lui fallait démontrer qu'il était encore soutenu par la base militante de la droite.
Si la manifestation n'a pas attiré 200.000 personnes, comme l'ont pourtant assuré Bruno Retailleau, bras droit du candidat, et François Fillon lui-même dimanche soir au 20-Heures de France 2, plusieurs dizaines de milliers de Français ont bel et bien fait le déplacement, bravant une météo par moment quasi apocalyptique. Et le rassemblement, qui s'est déroulé sans incident, a permis de conforter le député de Paris. "Je considère que [cela] confirme la légitimité que je tire de la primaire", s'est félicité François Fillon lundi soir devant le comité politique des Républicains. Un élu LR le confirme non sans humour : "la Manif pour Tous a réussi à faire un miracle pas fictif."
Offensif. Le candidat misait aussi sur son discours, assez efficace. Dans celui-ci, il a fustigé les déserteurs de son camp, "sans honte et sans orgueil", les opposant au choix des électeurs qui l'avaient placés largement en tête de la primaire quelques mois plus tôt. Il s'est montré offensif, déterminé, avant d'enfoncer le clou sur le plateau de France 2 : "personne ne peut aujourd'hui m'empêcher d'être candidat."
Alain Juppé renonce... Le rassemblement n'est pas le seul facteur qui explique ce retournement de situation. La décision d'Alain Juppé, annoncée à la presse depuis son fief bordelais lundi matin, a également beaucoup compté. Les deux sont d'ailleurs liés. Pour le maire de Bordeaux, voir celui qui l'a sèchement battu au second tour de la primaire recueillir un tel soutien populaire était la preuve que "le noyau des militants LR s'est radicalisé" et ne le soutiendrait jamais s'il était choisi comme plan B. En outre, "les Français veulent un profond renouvellement de leurs dirigeants politiques et à l'évidence, je n'incarne pas ce renouvellement", a lucidement analysé l'ancien ministre des Affaires étrangères.
…et les frondeurs se retrouvent le bec dans l'eau. Quand cet abandon fut venu, les "frondeurs" de la droite se trouvèrent fort dépourvus. Aucun candidat de substitution ne pouvait faire l'unanimité, mais le maire de Bordeaux restait tout de même le plus petit dénominateur commun. En choisissant "une bonne fois pour toutes" de ne pas se lancer dans la course à l'Élysée, Alain Juppé a donc "réglé la question", comme l'a souligné Nathalie Kosciusko-Morizet lors du comité politique, lundi soir.
Preuve en est : ceux qui n'avaient pas officiellement lâché François Fillon mais s'étaient tout de même mis en retrait sont sagement rentrés dans le rang. À l'image de Gérard Larcher, qui présidait le comité politique. Il avait refusé de se rendre au rassemblement dimanche. Lundi soir, il estimait que le candidat avait "mis fin aux hésitations". Le comité a "renouvelé à l'unanimité son soutien" à François Fillon. "Le débat est clos."
Des questions en suspens. Clos, vraiment ? Il reste encore quelques questions à régler, comme la constitution d'une nouvelle équipe de campagne pour François Fillon, la précédente ayant été décimée par les défections. Une réunion entre le candidat, Nicolas Sarkozy et Alain Juppé devrait également avoir lieu dans la semaine. L'objectif affiché de tout le monde est désormais celui de l'unité et du rassemblement.
Mais le psychodrame qui dure depuis un mois à droite risque de laisser des traces. D'abord parce que ceux qui sont partis ne rentreront pas tous au bercail. "Je ne change pas d'avis", prévient au micro d'Europe 1 Dominique Bussereau, député LR qui avait annoncé vendredi son retrait de la campagne. "Je considère que nous allons dans le mur et je n'ai pas envie de faire partie du train qui fonce en klaxonnant vers le mur." Plusieurs élus ont d'ores et déjà donné leur parrainage pour la présidentielle à Alain Juppé, anticipant un retrait de François Fillon.
L'épreuve du 15 mars. La campagne, qui patine depuis plusieurs semaines, pourra-t-elle repartir ? Le candidat a beau avoir réussi sa démonstration de force, il n'en reste pas moins empêtré dans les affaires, qui compliquaient ces derniers jours tous les déplacements sur le terrain. Il lui faudra encore passer l'épreuve de la convocation des juges le 15 mars, qui pourrait potentiellement aboutir à une mise en examen.
Autant d'éléments qui pourraient compliquer un rebond pourtant indispensable pour François Fillon. Dans les derniers sondages, le candidat de la droite et du centre reste décroché, distancé par Marine Le Pen et Emmanuel Macron au premier tour.
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