Par
Jean-Paul Brighelli :
Interview de Malika Sorel, fille de parents algériens, née en France, Ecole
Polytechnique d’Alger, IEP Paris, ancienne membre du haut Conseil à
l’intégration, supprimé par François Hollande.
J’étais
en train de lire Décomposition
française, le beau livre de Malika Sorel, Fayard http://www.fayard.fr/decomposition-francaise-9782213678535,
paru le 12 novembre 2015— la veille des attentats du Bataclan —, qui vient
opportunément de paraître en Poche, quand Emmanuel Macron a fait en Algérie les
déclarations que nous savons sur la colonisation (« crime contre l’humanité »,
etc.) et a, quelques jours plus tard, aggravé son cas en reprenant, en meeting
à Toulon, la déclaration quelque peu ambiguë de De Gaulle aux Pieds-Noirs en
1958, le célèbre « Je vous ai compris ».
Je
dis « ambiguë » parce que sur le coup, la foule massée à Alger n’a
pas bien compris ce que Mon Général (comme l’écrivait à l’époque le Canard
enchaîné) était en train de lui faire — collectivement. Mais ils ont pigé
assez vite.
J’ai
donc eu l’idée de demander son avis à Malika Sorel, ancien membre de ce Haut
Conseil à l’intégration dissous sur décision du gouvernement Ayrault (on sait
que le PS ne joue pas l’intégration, mais la dispersion façon puzzle de
l’identité française en communautés susceptibles de voter pour lui).
Je
reviendrai sur Décomposition française (beau titre !) en évoquant le
livre qui vient de sortir d’Amine El Khatmi (Non, je ne me tairai plus,
chez Lattès). En attendant, merci à Malika Sorel d’avoir bien voulu répondre
aux questions de Bonnet d’âne…
JPB.
De passage à Alger, Emmanuel Macron fait les yeux doux à la télévision
algérienne et décrète que le colonialisme est globalement « un crime
contre l’humanité ». Que vous inspire cette déclaration péremptoire et
unilatérale ?
Sa
déclaration constitue une accusation lourde contre plusieurs générations de
militaires français. Une accusation qui ravive par ailleurs des plaies encore
douloureuses et qui dresse, de fait, les populations les unes contre les
autres. Cela ne contribue pas à la pacification des esprits mais entretient la
bataille des mémoires et la pente victimaire.
L’effet
peut être désastreux sur des enfants ou adolescents issus de l’immigration
algérienne qui éprouveraient un malaise ou un inconfort sur le plan de leur
identité personnelle. La comparaison de la démographie algérienne de 1962 à
celle de 1830 met en lumière un fort développement qui invalide le jugement
d’Emmanuel Macron. Ce qui est navrant, c’est aussi l’absence de sagesse.
Pourquoi ouvrir un tel sujet alors que nous sommes en état d’urgence ? La
France se trouve justement ciblée en raison même d’une haine tenace qui puise
sa source dans tout ce qu’elle est ou a été.
JPB.
Quel bénéfice électoral Macron espère-t-il d’une telle prise de position ?
Il
convient de rappeler qu’il n’est pas le premier candidat à aller faire la danse
du ventre à Alger dans l’espoir de séduire, en France, une portion de
l’électorat issue de l’Algérie et plus largement des anciennes colonies. Les
politiques parient sur le fait qu’une part conséquente de l’immigration ne
s’est pas assimilée et continue de vibrer au diapason de sa terre d’origine.
Et
pour cause ! Ils ont eux-mêmes créé les conditions d’une quasi
impossibilité d’intégration culturelle : flux migratoires si importants
qu’ils ont aidé à la duplication des cultures d’origine sur la terre
d’accueil ; évolution des programmes scolaires et des horaires alloués à
la langue française dans le sens d’une dégradation constante de la transmission
du patrimoine culturel français…
Alain
Viala, qui avait présidé en 2000 la commission chargée de réformer les
programmes d’enseignement du français, l’avait reconnu dans un entretien avec
Marcel Gauchet, consigné dans la revue Le Débat. Il s’agissait alors
d’adapter les programmes à « l’arrivée des nouveaux publics, autrement dit
d’adolescents venant de milieux ne leur permettant pas d’avoir une maîtrise
suffisante (de la langue française)» selon ses propres termes. Le
misérabilisme d’une partie de nos élites, la propension à penser que les
enfants de l’immigration extra-européenne ne seraient pas capables de s’élever
comme les autres enfants sont terriblement injustes et blessants.
Au
fil des accommodements, il est devenu
presque impossible aux enfants issus de l’immigration de s’assimiler. De ce
fait, nombre d’élus ou de ceux qui aspirent à l’être se croient contraints, en
raison de l’évolution de la composition du corps électoral, d’adapter par
anticipation leur comportement. Ils
pratiquent un clientélisme ouvert ou larvé, pensant ne pas disposer d’autre
choix. Ce faisant, ils se lient les mains.
JPB.
En meeting à Toulon quelques jours plus tard, réalisant la bronca que suscitent
ses propos parmi les Pieds-Noirs et leurs descendants (mais pas seulement),
Macron lance : « Je vous ai compris ». Cynisme ou gaffe — les
ex-rapatriés se souvenant dans leur chair du discours de De Gaulle utilisant
cette formule au moment même où il entamait des négociations secrètes avec le
FLN ?
Contrairement
à un certain nombre de ses collègues dans le monde politique, Emmanuel Macron
ne peut bénéficier de l’excuse de l’ignorance. Cet homme semble disposer d’une
solide culture. Il connaît l’histoire, la littérature et le poids des mots. En
utilisant cette phrase devenue célèbre du général de Gaulle pour s’excuser
auprès de ceux qu’il a pu blesser, il a aggravé son propre cas.
Est-ce
du cynisme ? De la perversité ? J’ai tendance à penser que c’est
surtout un homme pressé qui s’est pris les pieds dans le tapis de son
opportunisme. Capable de faire feu de tout bois pour satisfaire son ambition
d’accéder à la fonction suprême. Examinez attentivement ce passage de son
meeting :
«
Je le dis aujourd’hui, à chacun et chacune dans vos conditions, dans vos
histoires, dans vos traumatismes, parce que je veux être président, je
vous ai compris et je vous aime. »
JPB.
Le discours anti-colonialiste de Macron est-il à rapprocher des suggestions
déjà anciennes de Terra Nova conseillant à la gauche de chercher un nouveau
socle électoral chez les immigrés et leurs descendants ? À ce titre, le
candidat d’En marche pourrait-il être le fils commun de Terra Nova et de
l’Institut Montaigne, de Hollande et de Juppé, de la carpe et du lapin ?
Mais est-ce vraiment la carpe et le lapin ?
Je
ne sais pas quels sont au juste ses « géniteurs ». Vous auriez pu
tout aussi bien joindre à votre liste Jacques Attali, le conseiller de François
Mitterrand qui recommandait en 2008 au Président Nicolas Sarkozy de relancer
l’immigration (Rapport pour la libération de la croissance française).
Votre rappel des recommandations de Terra Nova est tout à fait pertinent. Nous
sommes en effet dans la continuité de ce rapport, qui a ensuite donné vie à la
fameuse refondation des politiques d’intégration en 2013.
Cette
volonté de refondation s’était alors traduite en un premier temps par un
rapport sur la France inclusive, puis par cinq rapports truffés d’un grand
nombre d’assertions et de recommandations toutes plus sidérantes les unes que
les autres. Souvenons-nous : il y était question de « faire France
en reconnaissant la richesse des identités multiples », de « nous
inclusif et solidaire », d’un « vivre-ensemble égalitaire »,
de « faire de l’en-commun ».
Le
prix à payer par notre société y était annoncé sans ambages : « apprentissage
d’un savoir-faire avec l’hétérogénéité et dans la conflictualité »,
car « la rencontre interculturelle doit être conçue comme un échange
entre personnes, ou groupes de personnes, de différentes cultures permettant
l’émergence d’un espace de négociation », nous prévenait-on.
Rendez-vous compte : la conflictualité érigée en promesse de progrès. Du
cynisme à l’état pur ! Lorsqu’Emmanuel Macron assène dans l’un de ses
meetings « il n’y a pas de culture française. Il y a une culture en
France. Elle est diverse », il s’érige en digne héritier et défenseur
de cette idéologie. Dans le livre des
journalistes Gérard Davet et Fabrice Lhomme, François Hollande le dit :
« Emmanuel Macron, c’est moi ». CQFD.
JPB.
De façon plus générale, le discours culpabilisateur, qui a déjà de belles
années derrière lui, n’est-il pas en train de s’essouffler — ou pire, de
susciter une réaction inverse ? Une partie du vote FN ne s’explique-t-elle
pas ainsi ?
Malgré
les apparences, ce discours a triomphé. Il a imprégné bien des esprits, à telle
enseigne qu’un grand nombre d’accommodements déraisonnables de nos principes
républicains ne suscitent aucune indignation dans l’opinion publique. Voyez à
quel point l’idéologie de culpabilisation-repentance a inspiré l’action du
politique ! Prenons simplement ici un domaine que vous connaissez
parfaitement, celui de
l’éducation-instruction.
Nombre
des réformes qui ont été déployées depuis 1981 en procèdent. Lorsqu’en 2004
Jean-Pierre Raffarin, alors Premier ministre, institue la Charte de la
diversité qui s’appuie sur le rapport « Les oubliés de l’égalité des
chances » rédigé sous l’égide de l’Institut Montaigne, il persiste
dans la voie qui a été ouverte par la gauche : le renoncement au respect
du principe républicain d’Égalité, au profit de la discrimination positive
introduite par la circulaire du 1er juillet 1981 qui porte création
des Zones d’Éducation Prioritaires.
L’évolution
du contenu des manuels scolaires, la réforme des programmes de français évoquée
ci-dessus avec Alain Viala dont on mesure à présent les conséquences
dramatiques au travers du classement PISA, les pédagogies mises en œuvre, la
manière dont sont parfois notées les copies… Dans un autre domaine, la loi dite
SRU procède de la même veine.
Quant
au vote FN, il faut le lire à l’aune des enquêtes qui se suivent et se
ressemblent et qui illustrent le divorce des Français avec leur classe
politique. Dès 1997, l’historien Jacques Julliard relevait que « nulle
part le divorce entre le peuple et les élites n’apparaît de façon aussi
éclatante qu’à propos de l’immigration ».
Tout
se passe, disait-il, « comme si les classes populaires s’exaspéraient
de la sollicitude de la gauche intellectuelle, et même de la classe politique
tout entière, envers les immigrés et à leur détriment ».
Méditez
bien ce « à leur détriment ». Aujourd’hui, Jacques Julliard
pourrait ajouter « les classes moyennes ». La clé de décryptage du
vote FN est là et nulle part ailleurs. Tous
les partis, sans exception, doivent entendre le cri de détresse du peuple
français qui a droit au respect de ses fondamentaux culturels et de son identité,
comme c’est le cas pour tout peuple sur un territoire qui est sa propriété.
PS. Le 7 mars 2017, Georges Bensoussan
vient d’être relaxé de tous les chefs d’accusation de racisme et
d’anti-islamisme. Le Parquet et le CCIF sont déboutés et dépités. Champagne !
*
NOTE
de CONTEXTE
En
complément, pour mieux comprendre la trajectoire du météore politique Emmanuel
MACRON, et accessoirement, le succès grandissant du FRONT NATIONAL, sur fond de
la lente prise de conscience de l’opinion qui change la donne : En 2008, 4
ans après sa sortie de l’EN où Jean-Pierre Jouyet, alors à l’inspection des
Finances l’avait repéré et pris sous son aile, à l’Inspection, Macron intègre
la Banque Rotschild.
En
deux ans, ce « Mozart de la finance » âgé d’à peine 30 ans devient
associé gérant de la banque. En 2012, il est chargé par le PDG de Nestlé
l’Autrichien Peter Brabeck de gérer le rachat pour 9 milliards d’€ des aliments
pour enfants du laboratoire PFIZER
Le
succès de l’opération Nestlé obtenu contre Danone, a, par le truchement de la commission
touchée, mis le jeune prodige à l’abri du besoin jusqu’à la fin de ses jours.
Parallèlement Macron conseille gratuitement. Ainsi, « il conseille bénévolement
la société des rédacteurs du Monde (SRM), lorsque le trio Bergé, Niel et
Pigasse s’apprête à reprendre le quotidien »
En
août 2014, entre à Bercy, après une participation en 2007 aux côtés de Jacques
Attali à la « Commission
pour la libération de la croissance française » voulue par Sarkozy dont
« le jeune prodige » était le rapporteur adjoint, et un
passage au Secrétariat de l’Elysée sous la coupe de Jouyet. A son arrivée à
Bercy, Macron déclare son patrimoine, étonnement faible, au regard des 3, 3
millions qu’il aurait perçus entre 2009
et 2014.
Ce
qui soulève des doutes adressés par un maire et deux représentants associatifs
(*) à la Haute Autorité Pour la Transparence de la Vie Publique qui, cependant,
ne réagit pas (*) : Il s’agit de Paul Mumbach
Candidat des maires en colère à la présidentielle,
Maire de
Dannemarie (68), Président des maires ruraux du Haut-Rhin, Jean-Philippe
Allenbach Président du Mouvement
Franche-Comté
et Serge Grass, Président
de l’Union Civique des Contribuables Citoyens.
Au
ministère des finances, les choix et décisions de Macron sont contestables et
opposés aux intérêts nationaux. Favorable au rachat d’Alstom par GE contre
l’avis de Montebourg, il brade aussi l’aéroport de Toulouse Blagnac aux Chinois
en promettant à la partie chinoise que les représentants de l’Etat au Conseil
d’administration voteraient toujours dans le même sens qu’elle.
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