Colonisation française : crime contre l’humanité ou crime contre la vérité?
Par Pascal Poirot
Les prochains changements de dirigeants des deux côtés de la Méditerranée seront déterminants.
18 mars 2017. Les accords d’Évian ont 55 ans. Je ne suis ni
fils de harki ni fils de pied-noir, mais j’ai vécu en Algérie de 1984 à
1986. Le moment est venu de partager ce que j’ai vu.
Une chose m’a particulièrement frappé : la grande majorité des plus
de 35 ans, donc de ceux qui avaient connu significativement l’époque de
l’Algérie française, aimaient profondément la France. Même ceux qui
avaient perdu un frère, un père, un ami dans les combats, avaient tourné
la page. Au-delà de la douleur, la réconciliation était le plus beau
cadeau à faire au défunt. Ils parlaient un excellent français. Nous
discutions passionnément de la France, de l’Algérie, du monde. Ils
étaient heureux d’être algériens, mais regrettaient amèrement la manière
dont leur indépendance s’était construite et les deux décennies
chaotiques qu’ils venaient de vivre !
Et puis, il y avait les moins de 20 ans. Nés après 1962, parlant peu
français, ils avaient reçu une version de l’Histoire déformée par la
propagande officielle et avaient appris à détester la France. Début
1984, alors que je travaille sur un projet de 8.000 logements, les
marques d’antipathie sont nombreuses : regards peu avenants, pneus
crevés, crachats au sol sur mon passage… J’étais triste pour cette jeune
génération de voir la haine qui lui avait été inculquée, alors qu’il
était si agréable de partager avec ses aînés.
C’était un clivage terrible. Une rupture de transmission. Au sein même du peuple algérien.
Lorsque ma femme me rejoint avec notre premier enfant, les marques d’hostilité diminuent nettement : je n’étais plus le « sale Français », nous étions désormais « une famille ».
La joie de notre histoire commune leur avait été volée, mais il leur
restait ce sens de la famille si profondément ancré dans les peuples
sémites.
2017, un candidat à la présidentielle parle de crime contre
l’humanité en Algérie. Un coup de poignard pour moi, qui n’y ai vécu que
trois ans. Comment imaginer la terrible souffrance qu’un tel mensonge a
dû provoquer aux descendants de harkis et de pieds-noirs, dont les
parents ont dû fuir la terre de leurs ancêtres ? Non seulement la France
leur demande de taire leurs immenses souffrances, mais voilà que le
candidat choisi par les médias et le système leur annonce que leurs
ancêtres étaient des criminels contre l’humanité !
Non ! C’est plutôt une telle déclaration qui constitue un triple
crime contre la vérité, car elle inflige une souffrance inutile et
injustifiée au peuple français, une souffrance tout aussi inutile et
injustifiée au peuple algérien et empêche de reconstruire une relation
bilatérale solide.
Les prochains changements de dirigeants des deux côtés de la Méditerranée seront déterminants pour changer la donne.
Côté algérien, le successeur de Bouteflika pourra se complaire dans
ce mensonge, continuer à faire haïr la France et entretenir un système
corrompu qui fait venir des milliers de Chinois pour construire des
autoroutes alors que le taux de chômage des jeunes Algériens atteint des
sommets. Ou, au contraire, reconnaîtra-t-il que nous avons 130 ans de
réussite commune pour rebâtir une relation gagnante entre deux peuples
frères ?
Côté français, soit nous continuons à nier la vérité, de repentance
en repentance, dans une relation biaisée parent/enfant. Soit, au
contraire, nous reconnaissons toute la beauté de ce que nous avons bâti
ensemble et, dans un dialogue adulte/adulte, nous partageons en toute
franchise pour construire un avenir apaisé et fraternel. Nos différents
candidats à la présidentielle en auront-ils le courage ? Ce dont je suis
sûr, c’est que Macron ne l’aura pas.
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