lundi 13 mars 2017

Les « fontaines profondes »



François Danjou, Mars 2017

« Ce qui se passe dans les fontaines profondes, s’y passe avec lenteur. Il faut qu’elles attendent longtemps pour savoir ce qui est tombé dans leur profondeur. ». Nietzsche – « Ainsi parlait Zarathoustra »

Rien ne sera épargné à François Fillon.

Après les diatribes sur sa foi catholique (« Au secours Jésus revient » - Laurent Joffrin, Libération) et ses convictions personnelles sur l’avortement et la GPA, après les attaques sur le thème de la morale et de l’argent, voilà maintenant que le 8 mars probablement mari de constater que la « bête » bougeait encore,  le Canard Enchaîné faisait état du non événement constitué par un prêt de 50 000 € déjà remboursé accordé par le propriétaire de la Revue des deux mondes. 

Le 12 mars, enfin, mais ce n’est probablement pas fini, le Journal du Dimanche à court d’idées exhumait une nouvelle boule puante en publiant le prix des costumes de François Fillon. Quand on songe à l’état de la France un seul mot vient à l’esprit : « Pathétique. »

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Toute cette nébuleuse médiatique hostile devrait, si elle ne veut pas définitivement perdre sa crédibilité emportée par la bourrasque des réseaux sociaux, s’intéresser d’un peu plus près aux raisons pour lesquelles le Parquet financier ne réagit pas quand la société civile lui transmet ses doutes sur les contradictions et les mystères financiers d’Emmanuel Macron.

Au passage, les médias pourraient eux-mêmes faire leur examen de conscience et se demander pourquoi, à propos de Fillon, ils soulèvent la moindre brindille en s’indignant à longueur de pages et d’émissions, tout en mettant soigneusement sous le boisseau les interrogations éthiques concernant leur protégé.

En 13 ans, le « Golden Boy » a touché 3,6 millions d’€  de revenus, dont 2,5 millions en 2011 et 2012 chez Rothschild (soit 105 000 € par mois) en accompagnant le rachat de la division aliments pour enfants de Pfizer par Nestlé, contre le Français Danone. Au passage, quand on se souvient de ses décisions à Bercy à propos d’Alstom et de Toulouse Blagnac, l'épisode Nestlé / Danone soulève une autre interrogation de fond, : A part lui-même et son narcissisme, Macron, « roule t-il » vraiment pour les intérêts français ? 

Quoi qu’il en soit, dès lors que la nouvelle obsession radicale du régime est la moralité publique poussée dans ses retranchements les plus reculés, la moindre des choses serait  de creuser la contradiction suivante : En dépit des sommes considérables encaissées et malgré aucun achat immobilier dans l’intervalle – son appartement a été acheté en 2007 -, en 2014,  Macron déclarait un patrimoine étonnamment faible, à la suite de plusieurs emprunts dont l’un aurait été accordé sans intérêts par un ami .

Pour bien mesurer à quel point ce trébuchet judiciaire est frelaté par la camarilla d’utopistes qui veulent sa peau, imaginons une seconde que cette situation soit celle de François Fillon, à qui on reproche le prix de ses costumes.

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Récemment, le Sarthois fut encore accusé par son propre camp de s’être « radicalisé » et de menacer la sérénité de l’appareil judicaire par ses appels au peuple. Outre que certains juges s’affaiblissent eux-mêmes en acceptant d’agir dans la précipitation de tribunaux d’exception, se plaçant ainsi de leur propre chef dans le camp de l’intransigeance sectaire, tout indique que François Fillon incarne aujourd’hui un courant dépassant les vieux clivages  gauche – droite. Déterminé et inflexible, il a glissé dans la catégorie « hors – système ».

Muri depuis 2006, son projet est celui de la vérité assénée aux Français après plus de 30 ans de nuances édulcorées et de mensonges. Ceux qui veulent sa perte sont les produits de cette machine à mentir orwellienne et à viseur unique calibrée par la bien-pensance.

On les retrouve partout à gauche comme à droite comme, prêts à tourner les talons au premier coup de feu. Dans le même temps, les médias subjugués par une obsession moralisatrice à sens unique, diffusent invariablement la même musique à charge, plus proche de la propagande et de la chasse à l’homme que de l’information.

Leurs armes principales : le déni et les leçons de morale.

Laurent Wauquiez  reproche t-il à Benoît Hamon d’expliquer que l’absence des femmes musulmanes dans le cafés de Sevran serait seulement l‘effet d’une « tradition » ouvrière, l’apparatchik minimise aussitôt et contre attaque par les accusations réflexes stéréotypées de racisme, d’amalgame et d’islamophobie. Mais la « peur » de l’Islam, sens premier du concept de « phobie » dévoyé par les sectaires en une frénétique accusation morale, est, par les temps qui courent, dit le philosophe Alain Finkelkraut, « la moindre des choses ».

Il appartient aux Musulmans souhaitant s'intégrer à la République de la désamorcer eux-mêmes avec l’aide de leurs compatriotes agnostiques, athées ou catholiques en militant sans faiblir pour les valeurs républicaines.  

Evidemment l’abjecte indignité de Macron à Alger fustigeant à ce point notre histoire ne contribue pas à l’apaisement. L’épisode attise la haine et le mépris anti-français des banlieues, instille le doute chez des Musulmans désireux de s’intégrer, stigmatise une fois encore les Harkis, soulève le cœur des pieds noirs et brouille la perception historique des jeunes de plus en plus incultes, conséquence de l’égalitarisme forcené et du nivellement par le bas détruisant lentement mais sûrement nos écoles.

Comment un homme qui voudrait pendre haut et court le Maréchal Lyautey au tribunal de l’histoire et qui nie l’existence d’une « Culture française », « crachant ainsi sur nos totems » pourrait-il présider aux destinées de la France ?  interrogeait récemment  l’essayiste Roland Hureaux.  

Enfin, qui ne voit pas que les discours en demi-teinte des adeptes du relativisme à moitié sourds et aveugles, mais hélas pas muets, sont le principal carburant de la montée de ce que la pensée lénifiante appelle les « extrêmes » qui, de Mélenchon à Le Pen, regroupent tout de même 30 % des intentions de vote de l’électorat.

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Ce qui se joue contre François Fillon ressemble en réalité à la pulsion d’élimination réflexe d’un intrus par un corps biologique cherchant à se débarrasser d’un germe qui le menace.

Tout dans l’attitude du Sarthois, sa répulsion aux épanchements émotifs, sa sobriété, sa dignité, y compris sous les attaques répétées du lynchage, sa capacité de résistance physique et morale, comme son discours de vérité sans maquillage, révulse et tétanise les adeptes de l’euphémisme et de l’hypocrisie.

Leur acharnement à l’abattre est d’autant plus brutal qu’il est en train de réveiller lentement mais sûrement une force profondément enfouie qui tétanise les zélateurs de la résignation française et court dans l’imaginaire des Français depuis le sacre de Reims jusqu’aux discours de Mirabeau à la convention. Fontaines profondes du Vieux Pays, toujours sous tension entre la mystique religieuse de la « Sainte ampoule », onction sacrée des Rois de France et la puissance libérée du peuple, dont le suffrage universel constitue  peut-être, dans l’inconscient de nombre de Français, la symbolique et immatérielle synthèse.

Ecoutons Mirabeau que les adeptes du mensonge devraient garder en mémoire, si par ces temps où monte à nouveau la hargne des peuples en Europe et dans le monde, ils ne veulent pas être balayés. « …..C’est alors qu’après nous avoir leurrés d’une tolérance illusoire et perfide, un ministère, soi-disant populaire, ose effrontément mettre le scellé sur nos pensées, privilégier le trafic du mensonge, et traiter comme objet de contrebande l’indispensable exportation de la pensée… » (Lettre de Mirabeau à ses Commettants le 10 mai 1789)

 Quant à savoir si François Fillon est le mieux placé des candidats  pour affronter les défis, on s’arrêtera au seul critère efficace visible en dehors de son impressionnante  force de caractère. Sa capacité à poser les problèmes quand la plupart de ses concurrents les nient ou, au mieux, les enveloppent dans  un discours adoucissant. A l’intérieur, son programme exhaustif est le plus déterminé et le plus crédible pour corriger le chaos laissé par 5 ans de vacuité élyséenne s’ajoutant à plusieurs décennies de compromissions. Pour l’affaiblir, par réflexe, on stigmatise sa longue présence au pouvoir.

Mais ceux-là oublient que, parmi les candidats, il est le seul à présenter un bilan positif, à la fois localement dans la Sarthe et au gouvernement, sur les affaires sociales, sur les retraites et sur l’ajustement des 35 heures. Autant de succès, y compris dans les relations avec les syndicats, ce qui n’est pas rien, tous de bon augure pour les combats qui s’annoncent quand d’autres qui le critiquent ont, plus souvent que lui, abdiqué face à la rue.

A l’extérieur, contrairement à ceux qui continuent d’analyser machinalement le défi français selon les vieux stéréotypes d’ouverture ou de fermeture au monde que les commentateurs rabâchent par réflexe mimétique, François Fillon a, mieux que d’autres, perçu que le surgissement de Donald Trump, le choc du Brexit et les crispations identitaires européennes, annoncent la fin du monde néo-libéral globalisé et l’effondrement de l’utopie du « village mondial ». 

Tout son programme répond à une question essentielle rarement évoquée avec autant d’ acuité : Comment la France malade et tétanisée par ses propres tourments identitaires peut-elle s’ajuster à ce craquement et avec quelle Europe ? Ceux qui éludent cette difficile réalité font le jeu des extrêmes ou risquent de conduire le pays à l’abime. FD.

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