François Danjou, Mars 2017
« Ce qui se passe
dans les fontaines profondes, s’y passe avec lenteur. Il faut qu’elles
attendent longtemps pour savoir ce qui est tombé dans leur profondeur. ». Nietzsche – « Ainsi parlait Zarathoustra »
Rien ne sera épargné à François
Fillon.
Après les diatribes sur sa
foi catholique (« Au secours Jésus revient » - Laurent Joffrin,
Libération) et ses convictions personnelles sur l’avortement et la GPA, après
les attaques sur le thème de la morale et de l’argent, voilà maintenant que le
8 mars probablement mari de constater que la « bête » bougeait
encore, le Canard Enchaîné faisait état du non événement constitué par un
prêt de 50 000 € déjà remboursé accordé par le propriétaire de la Revue des
deux mondes.
Le 12 mars, enfin, mais ce
n’est probablement pas fini, le Journal du Dimanche à court d’idées exhumait
une nouvelle boule puante en publiant le prix des costumes de François Fillon. Quand
on songe à l’état de la France un seul mot vient à l’esprit : « Pathétique. »
*
Toute cette nébuleuse
médiatique hostile devrait, si elle ne veut pas définitivement perdre sa
crédibilité emportée par la bourrasque des réseaux sociaux, s’intéresser d’un
peu plus près aux raisons pour lesquelles le Parquet financier ne réagit pas
quand la société civile lui transmet ses doutes sur les contradictions et les
mystères financiers d’Emmanuel Macron.
Au passage, les médias
pourraient eux-mêmes faire leur examen de conscience et se demander pourquoi, à
propos de Fillon, ils soulèvent la moindre brindille en s’indignant à longueur
de pages et d’émissions, tout en mettant soigneusement sous le boisseau les
interrogations éthiques concernant leur protégé.
En 13 ans, le « Golden
Boy » a touché 3,6 millions d’€ de revenus, dont 2,5 millions en 2011
et 2012 chez Rothschild (soit 105 000 € par mois) en accompagnant le rachat de
la division aliments pour enfants de Pfizer par Nestlé, contre le Français
Danone. Au passage, quand on se souvient de ses décisions à Bercy à propos
d’Alstom et de Toulouse Blagnac, l'épisode Nestlé / Danone soulève une autre
interrogation de fond, : A part lui-même et son narcissisme, Macron,
« roule t-il » vraiment pour les intérêts français ?
Quoi qu’il en soit, dès lors
que la nouvelle obsession radicale du régime est la moralité publique poussée
dans ses retranchements les plus reculés, la moindre des choses serait de
creuser la contradiction suivante : En dépit des sommes considérables
encaissées et malgré aucun achat immobilier dans l’intervalle – son appartement
a été acheté en 2007 -, en 2014, Macron déclarait un patrimoine
étonnamment faible, à la suite de plusieurs emprunts dont l’un aurait été accordé
sans intérêts par un ami .
Pour bien mesurer à quel
point ce trébuchet judiciaire est frelaté par la camarilla d’utopistes qui
veulent sa peau, imaginons une seconde que cette situation soit celle de François
Fillon, à qui on reproche le prix de ses costumes.
*
Récemment, le Sarthois fut encore
accusé par son propre camp de s’être « radicalisé » et de menacer la
sérénité de l’appareil judicaire par ses appels au peuple. Outre
que certains juges s’affaiblissent eux-mêmes en acceptant d’agir dans la
précipitation de tribunaux d’exception, se plaçant ainsi de leur propre chef dans
le camp de l’intransigeance sectaire, tout indique que François Fillon incarne
aujourd’hui un courant dépassant les vieux clivages gauche – droite. Déterminé et inflexible, il a
glissé dans la catégorie « hors – système ».
Muri depuis 2006, son projet
est celui de la vérité assénée aux Français après plus de 30 ans de nuances édulcorées
et de mensonges. Ceux qui veulent sa perte sont les produits de cette machine à
mentir orwellienne et à viseur unique calibrée par la bien-pensance.
On les retrouve partout à
gauche comme à droite comme, prêts à tourner les talons au premier coup de feu.
Dans le même temps, les médias subjugués par une obsession moralisatrice à sens
unique, diffusent invariablement la même musique à charge, plus proche de la
propagande et de la chasse à l’homme que de l’information.
Leurs armes
principales : le déni et les leçons de morale.
Laurent Wauquiez
reproche t-il à Benoît Hamon d’expliquer que l’absence des femmes musulmanes
dans le cafés de Sevran serait seulement l‘effet d’une « tradition »
ouvrière, l’apparatchik minimise aussitôt et contre attaque par les accusations
réflexes stéréotypées de racisme, d’amalgame et d’islamophobie. Mais la
« peur » de l’Islam, sens premier du concept de « phobie »
dévoyé par les sectaires en une frénétique accusation morale, est, par les
temps qui courent, dit le philosophe Alain Finkelkraut, « la moindre des
choses ».
Il appartient aux Musulmans
souhaitant s'intégrer à la République de la désamorcer eux-mêmes avec l’aide de
leurs compatriotes agnostiques, athées ou catholiques en militant sans faiblir
pour les valeurs républicaines.
Evidemment l’abjecte
indignité de Macron à Alger fustigeant à ce point notre histoire ne contribue
pas à l’apaisement. L’épisode attise la haine et le mépris anti-français des
banlieues, instille le doute chez des Musulmans désireux de s’intégrer, stigmatise
une fois encore les Harkis, soulève le cœur des pieds noirs et brouille la
perception historique des jeunes de plus en plus incultes, conséquence de
l’égalitarisme forcené et du nivellement par le bas détruisant lentement mais
sûrement nos écoles.
Comment un homme qui voudrait
pendre haut et court le Maréchal Lyautey au tribunal de l’histoire et qui nie
l’existence d’une « Culture française », « crachant ainsi sur
nos totems » pourrait-il présider aux destinées de la France ? interrogeait
récemment l’essayiste Roland Hureaux.
Enfin, qui ne voit pas que
les discours en demi-teinte des adeptes du relativisme à moitié sourds et
aveugles, mais hélas pas muets, sont le principal carburant de la montée de ce
que la pensée lénifiante appelle les « extrêmes » qui, de Mélenchon à
Le Pen, regroupent tout de même 30 % des intentions de vote de l’électorat.
*
Ce qui se joue contre François
Fillon ressemble en réalité à la pulsion d’élimination réflexe d’un intrus par
un corps biologique cherchant à se débarrasser d’un germe qui le menace.
Tout dans l’attitude du
Sarthois, sa répulsion aux épanchements émotifs, sa sobriété, sa dignité, y
compris sous les attaques répétées du lynchage, sa capacité de résistance
physique et morale, comme son discours de vérité sans maquillage, révulse et
tétanise les adeptes de l’euphémisme et de l’hypocrisie.
Leur acharnement à l’abattre
est d’autant plus brutal qu’il est en train de réveiller lentement mais
sûrement une force profondément enfouie qui tétanise les zélateurs de la
résignation française et court dans l’imaginaire des Français depuis le sacre
de Reims jusqu’aux discours de Mirabeau à la convention. Fontaines profondes du
Vieux Pays, toujours sous tension entre la mystique religieuse de la
« Sainte ampoule », onction sacrée des Rois de France et la puissance
libérée du peuple, dont le suffrage universel constitue peut-être, dans l’inconscient
de nombre de Français, la symbolique et immatérielle synthèse.
Ecoutons Mirabeau que les
adeptes du mensonge devraient garder en mémoire, si par ces temps où monte à
nouveau la hargne des peuples en Europe et dans le monde, ils ne veulent pas être
balayés. « …..C’est alors qu’après
nous avoir leurrés d’une tolérance illusoire et perfide, un ministère,
soi-disant populaire, ose effrontément mettre le scellé sur nos pensées,
privilégier le trafic du mensonge, et traiter comme objet de contrebande l’indispensable
exportation de la pensée… » (Lettre de Mirabeau à ses Commettants le
10 mai 1789)
Quant à savoir si
François Fillon est le mieux placé des candidats pour affronter les
défis, on s’arrêtera au seul critère efficace visible en dehors de son
impressionnante force de caractère. Sa capacité à poser les problèmes
quand la plupart de ses concurrents les nient ou, au mieux, les enveloppent
dans un discours adoucissant. A l’intérieur, son programme exhaustif est
le plus déterminé et le plus crédible pour corriger le chaos laissé par 5 ans
de vacuité élyséenne s’ajoutant à plusieurs décennies de compromissions. Pour
l’affaiblir, par réflexe, on stigmatise sa longue présence au pouvoir.
Mais ceux-là oublient que,
parmi les candidats, il est le seul à présenter un bilan positif, à la fois
localement dans la Sarthe et au gouvernement, sur les affaires sociales, sur
les retraites et sur l’ajustement des 35 heures. Autant de succès, y compris
dans les relations avec les syndicats, ce qui n’est pas rien, tous de bon
augure pour les combats qui s’annoncent quand d’autres qui le critiquent ont,
plus souvent que lui, abdiqué face à la rue.
A l’extérieur, contrairement
à ceux qui continuent d’analyser machinalement le défi français selon les vieux
stéréotypes d’ouverture ou de fermeture au monde que les commentateurs
rabâchent par réflexe mimétique, François Fillon a, mieux que d’autres, perçu
que le surgissement de Donald Trump, le choc du Brexit et les crispations identitaires
européennes, annoncent la fin du monde néo-libéral globalisé et l’effondrement
de l’utopie du « village mondial ».
Tout son programme répond à
une question essentielle rarement évoquée avec autant d’ acuité : Comment la
France malade et tétanisée par ses propres tourments identitaires peut-elle s’ajuster
à ce craquement et avec quelle Europe ? Ceux qui éludent cette difficile
réalité font le jeu des extrêmes ou risquent de conduire le pays à l’abime. FD.
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