La mort du professeur Cabrol, il y a quelques jours, à l’âge de 91 ans, nous rappelle l’importance des greffes d’organes dans la thérapeutique moderne.
Le professeur Cabrol fut le premier à pratiquer une greffe cardiaque en Europe en avril 1968. Un an plus tôt, le professeur Barnard avait réalisé la première greffe mondiale en Afrique du Sud.
C’est au XIXe siècle que les médecins commencèrent à pratiquer ce type d’intervention avec des greffes de peau ; puis ce furent des greffes de cornée au début du XXe siècle, et ensuite les premières greffes de rein (d’abord à partir de cadavres, puis à partir de donneurs sains), puis de foie, de moelle osseuse et même de face.
S’il semble facile, a priori, de remplacer un organe déficient par un autre en meilleur état, se sont rapidement posées des questions de survie pour les greffés, qui tiennent davantage à des problèmes de compatibilité biologique qu’à des problèmes de techniques chirurgicales.
L’organisme du receveur identifie le greffon comme un corps étranger et va chercher à s’en débarrasser en le détruisant. Les greffes nécessitent donc une recherche de compatibilité (comme pour les groupes sanguins) entre le donneur et le receveur, et nécessitent la prise d’un traitement immunosuppresseur afin d’éviter ces phénomènes de rejet. Les premiers immunosuppresseurs sont apparus dans les années 50 et permirent déjà d’améliorer la survie des receveurs, mais il fallut attendre les années 80 avec l’apparition de la ciclosporine pour que les greffes deviennent une alternative thérapeutique fiable.
Le professeur Cabrol a beaucoup œuvré pour vulgariser ces techniques. En 1982, il réalisa la première transplantation cœur-poumon en France puis, en 1986, la première implantation d’un cœur artificiel temporaire.
Ces nouvelles techniques ne sont pas sans poser des problèmes moraux et, en 1994, fut créé l’Établissement français des greffes, chargé de veiller au respect de la bioéthique.
Si, en France et en Europe, le don d’organes est un acte généreux et non rémunéré, ce n’est hélas pas le cas partout dans le monde. Les organisations humanitaires sur place au Népal nous apprennent que les gens les plus démunis sont amenés à vendre un de leurs reins pour une somme dérisoire, rein ensuite revendu avec un très fort bénéfice par des circuits mafieux dans des pays plus riches.
Ces dérives, hélas sans doute attachées à la nature humaine, doivent nous rappeler que toutes les avancées techniques, même si elles font rêver les transhumanistes, ne peuvent avoir lieu que dans le strict respect d’une éthique rigoureuse.
En développant les techniques de greffe cardiaque, le professeur Cabrol a su aussi faire évoluer la réflexion éthique sur ces problèmes complexes, et le nom de ce grand chirurgien restera dans l’histoire de la médecine française.
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