dimanche 25 juin 2017

Emmanuel Macron prend une déculottée au sommet européen


Par Eric Verhaeghe.
Emmanuel Macron a été repris en main par Angela Merkel à l’occasion de son premier sommet européen. Mais… la presse subventionnée s’emploie à dissimuler le malaise.
Il y a deux façons d’aborder le sommet européen qui s’est tenu en fin de semaine. Une première voie consiste à lire les conclusions du sommet et à compter les points. Une seconde consiste à lire la presse subventionnée. Entre les deux, on trouve très peu de points communs.

CE QUE LE CONSEIL EUROPÉEN A RÉELLEMENT DÉCIDÉ

Dans la pratique, le Conseil des 22 et 23 juin n’a repris aucune des demandes françaises annoncées de longue date par le président de la République. En particulier, il n’a ouvert aucun débat sur les travailleurs détachés, sujet sur lequel la France avait bandé les muscles en demandant un durcissement de la réglementation.
Rien que par ce silence, la France subit donc une défaite en rase campagne qui montre le peu de cas que l’Europe fait d’une France engluée dans un huis clos gagnant-perdant avec l’Allemagne, même avec un Président nouvellement élu qui pense pouvoir défier Donald Trump.
S’agissant de l’emploi, on notera d’ailleurs ce que le sommet a conclu :
S’appuyant sur les conclusions du Conseil de mai 2017, qui préconisent une stratégie pour l’avenir de la politique industrielle, le Conseil européen insiste sur le rôle essentiel de l’industrie, qui constitue un moteur important pour la croissance, l’emploi et l’innovation en Europe. Dans le prolongement de ses propres conclusions antérieures, il demande que des mesures concrètes soient prises pour que le marché unique dispose d’une base industrielle solide et compétitive.
Les conclusions du Conseil ne visent pas à redire que le travail détaché est échevelé, mais que la prospérité viendra de la défense de l’industrie. Cette vision au demeurant très allemande met des mots sur un vide français : quelle est la politique industrielle d’Emmanuel Macron ? On l’ignore jusqu’ici et curieusement le Conseil européen s’est préoccupé de sujets qui n’ont aucun impact en France.

MACRON BATTU SUR LES MESURES ANTI-CHINOISES

Quant à l’idée d’empêcher les Chinois de prendre le contrôle à vil prix de nos pépites technologiques, Emmanuel Macron a fait un superbe bide. Voici en effet comment le Conseil a retranscrit la demande française :
Le Conseil européen est convaincu que le commerce et les investissements ne peuvent être libres que s’ils sont également équitables et mutuellement bénéfiques. Il invite par conséquent les co-législateurs à parvenir rapidement à un accord sur des instruments de défense commerciale modernes et compatibles avec l’OMC, qui renforceront la capacité de l’UE à lutter efficacement contre les pratiques commerciales déloyales et discriminatoires et les distorsions de marché. Le Conseil européen demande à la Commission de veiller à leur application rapide et effective par des mesures d’exécution non législatives visant à rendre les pratiques commerciales et les instruments de défense commerciale de l’UE plus réactifs et plus efficaces et de proposer, le cas échéant, des mesures complémentaires. Il demande en outre à la Commission et au Conseil d’approfondir et de faire avancer le débat sur la manière d’améliorer la réciprocité dans le domaine des marchés publics et des investissements. Dans ce contexte, il salue l’initiative de la Commission visant à maîtriser la mondialisation et, entre autres, à analyser les investissements réalisés par des pays tiers dans des secteurs stratégiques, dans le plein respect des compétences des États membres.
Traduction : pour faire plaisir à Macron, on aborde le point. Mais on annonce déjà qu’aucune directive, aucune mesure réglementaire ne sera prise sur le sujet, et qu’en aucun cas, on ne tordra les règles de l’OMC. On notera aussi que le sujet sera repris en main par la Commission et sera discuté ultérieurement.

POUR MACRON, MÊME TRAITEMENT QUE POUR HOLLANDE ?

Pour finir cet exercice où les demandes françaises ont été réduites à néant, Angela Merkel a pris son petit protégé par la main et lui a infligé l’une des fessées dont elle a le secret. Celle-ci prend d’ordinaire la forme d’une conférence de presse conjointe, où le Président français annonce qu’il ne fera plus rien à l’avenir sans l’autorisation et le consentement d’Angela Merkel.
Macron n’a pas échappé à la punition.
Je veux dire ici combien à la fois le fait que nous ayons très étroitement préparé ensemble nos remarques à ce Conseil, que nos interventions aient été constamment en ligne et que nous puissions en rendre compte en commun est à mes yeux important. C’est en tout cas ce que je m’attacherai à faire, dans les années à venir, parce que je pense que quand l’Allemagne et la France parlent de la même voix, l’Europe peut avancer ; ce n’est parfois pas la condition suffisante mais c’est en tout cas la condition nécessaire.
Dans la droite ligne de cet exercice où l’on apprend que les positions françaises au Conseil sont préparées avec l’Allemagne en amont, Macron a respecté les passages obligés de la déculottée. Sur les migrants, il s’est senti obligé de déclarer :
Nous devons accueillir des réfugiés car c’est notre tradition et notre honneur. Et je le redis ici, les réfugiés ne sont pas n’importe quels migrants. Ce ne sont pas les migrants économiques, ce sont des femmes et des hommes qui fuient leur pays pour leur liberté ou parce qu’ils sont en guerre ou pour leurs choix politiques. Nous devons ainsi faire preuve de solidarité quand un de nos voisins fait face à des arrivées massives de réfugiés ou de migrants.
Tous les ingrédients sont donc réunis pour que, dans les cinq ans à venir, Macron conserve intacte la doctrine européenne développée sous Hollande d’un alignement systématique sur les positions allemandes sans contrepartie en faveur de la France.

LE SILENCE GÊNÉ DE LA PRESSE SUBVENTIONNÉE

On lira en contrepartie les gros titres gênés de la presse française subventionnée, qui veut dissimuler le ratage macronien. En dehors du Point, qui titre « Macron au sommet de l’UE : premiers échanges, premier revers », le reste de la presse se montre d’une flagornerie extravagante.
Ainsi, Les Échos, qui ne cachent plus leur soutien complet et acquis au Président, font croire à une victoire française. Plus complaisant encore, Le Monde se fend d’un titre ahurissant « Conseil européen : avec Macron, l’Europe met en scène son sursaut ». Ils doivent avoir vraiment besoin d’un gros coup de pouce, dans ce canard, pour sortir de pareilles analyses.
La tonalité est un peu moins obséquieuse au Figaro, qui fait le choix de reprendre une dépêche AFP et de centrer son papier sur les questions de défense. Sur le sujet, le quotidien de Serge Dassault en fait beaucoup avec un titre excessif « Macron salue une avancée historique pour l’Europe de la défense », mais il évite quand même de sombrer dans l’asservissement de ses grands concurrents.
Toute la question est évidemment de savoir combien de temps la presse subventionnée acceptera de compromettre sa crédibilité en soutenant de façon aussi grossière le président de la République.

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