Si Macron est Jupiter, il n’en a pas pour autant le pouvoir d’arrêter la dérive des continents. Ni celle des peuples.
Coup sur coup, deux éditorialistes du Monde ont laissé libre cours à leur macronphilie béate. Et le résultat est stupéfiant d’aveuglement. Pour rester mesuré.
Il y a eu d’abord Gérard Courtois, avec son « Trop forts, ces Français ! », qui est allé chercher une citation de Rocard sur « l’intelligence confondante » des Français pour admirer les résultats de ce printemps électoral.
Et puis Arnaud Leparmentier a remis ça, allant, lui, piocher du côté de… George Bush ! Il commence ainsi sa chronique : « L’Europe est sauvée. Mission accomplie » :
« On se souvient de l’arrogance de George W. Bush annonçant sur le porte-avions Abraham-Lincoln la victoire militaire en Irak : « Mission accomplie. » C’était le 1er mai 2003, et la suite tourna au désastre. Fort d’une prudence légendaire, nous avons préféré attendre avant d’appliquer à l’Europe l’infortuné slogan. »
M. Leparmentier pense de bonne foi qu’avec Macron, on peut enfin pousser le cri de bonheur de George Bush ! L’Europe serait sauvée ! Nous serions sauvés ! 2017 aurait effacé 2005, Brexit, crise économique et financière, crise migratoire, crise démocratique en France, crise européenne… Il doit faire très chaud en ce moment à la rédaction du Monde… Si M. Leparmentier voulait vraiment qu’on le crédite d’une « prudence légendaire », il aurait dû attendre encore quelques mois, quelques années, ou tout au moins essayer de mieux scruter les germes pourris de la victoire Macron et du temps présent qui annoncent les orages futurs…
Quelques mois ? Quelques heures ! Et la débandade de Bayrou et du MoDem qui enlève à M. Macron et à sa majorité ce nain centriste qui l’a fait roi, et sa caution (on n’ose dire) morale. Cette ombre n’est que l’écume de remous bien plus profonds et porteurs de déconvenues qui adviendront tôt ou tard, pour M. Macron et ses courtisans.
Rappelons, d’abord, à nos confrères les conditions de l’élection Macron : 24 % des voix au premier tour, moins que M. Hollande en 2012… Rappelons, aussi, le reste du gâteau : Front national 21 %, droite 20 %, La France insoumise 19 %. Faut-il redire le niveau de l’abstention de dimanche ? Avec les partis-charnières, les recompositions en cours et les évolutions de l’électorat face à la politique de M. Macron, quand on la verra enfin, ce quatre-quarts bougera inévitablement. Rendez-vous dans trois ans pour soulever à nouveau le couvercle de la Cocote-Minute® électorale. Pas sûr que nos confrères hurlent alors : « Trop forts, ces Français ! »
Car, sur le fond, et le front des crises, la situation qui a amené ce que Le Monde appelle « les extrêmes » à être potentiellement en situation d’accéder au pouvoir est toujours là, plus que jamais. Un vent d’optimisme entretenu par une habile communication peut fonctionner. Un temps. Et à la marge. Mais cela ne saurait redresser une situation économique et sécuritaire à ce point dégradée.
Certes, il y a un moment Macron, et il est normal que ceux – Le Monde en tête, ses actionnaires comme ses journalistes – qui ont participé à l’opération se réjouissent. Mais une telle euphorie laisse plus que sceptique quand elle se traduit par une myopie énorme et une surévaluation de la victoire Macron. Devant Macron ne se pâment que ceux qui aiment à se pâmer. Car pour les observateurs un peu plus rigoureux, le moment Macron comporte aussi un moment Mélenchon et un moment « recomposition de la droite ». Et si, le temps d’un printemps, une plaque a pris le dessus sur les deux autres, ces plaques en mouvement n’ont pas terminé leur parcours.
Le Monde devrait savoir que, si Macron est Jupiter, il n’en a pas pour autant le pouvoir d’arrêter la dérive des continents. Ni celle des peuples. Ni leur capacité à briser les mythes de pacotille qu’on leur vend en vitesse le temps d’un printemps.
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