vendredi 30 juin 2017

Finances publiques : la Cour des comptes étrille Hollande

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François Hollande avec Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes, en 2013.
VIDÉO - L'audit remis à Édouard Philippe anticipe un déficit à 3,2 % du PIB en fin d'année, contre 2,8 % promis en avril par l'ex-chef de l'État.
La charge est sévère pour Hollande. Selon le verdict de la Cour des comptes sur le budget 2017, l'ex-président a camouflé l'état dramatique des finances publiques, avant de passer la main à Emmanuel Macron. «Nous héritons d'un dérapage de 8 milliards d'euros, c'est comme si le gouvernement précédent avait construit un budget sans celui de la Justice. C'est trois fois le budget de la Culture. 8 milliards de promesses non financées, de chèques en bois», a fustigé Édouard Philippe, après avoir reçu l'audit sur les finances publiques des mains de Didier Migaud, le premier président de la Cour.
Comme en 2007 et 2012, le nouvel exécutif avait commandé ce rapport aux magistrats financiers afin de préparer le budget 2018. Alors qu'aucun choc macroéconomique n'a perturbé les hypothèses des précédentes prévisions, la Cour estime donc que 8 à 9 milliards d'euros manquent au budget de l'État pour atteindre l'objectif annoncé d'un déficit de 2,8 % du PIB. Pour se contenter de respecter stricto sensu les engagements européens, soit afficher un déficit de 3 %, l'effort à faire sera de 4 à 5 milliards.
3 %, c'est d'ailleurs l'objectif que se fixe maintenant le gouvernement Philippe. Suivant une classique dramaturgie politique, le premier ministre a rebondi sur cet héritage«inacceptable» pour s'engager avec fermeté à contenir enfin la dérive des finances publiques. Il annoncera dans les prochaines semaines des mesures d'économies.

Une sincérité affectée

L'essentiel du dérapage relevé par la Cour s'explique par une sous-évaluation des dépenses de l'État. «Des biais de construction ont affecté la sincérité de la loi de finances initiale et du programme de stabilité», transmis chaque année à la Commission européenne, dénoncent en particulier les auteurs de l'audit. Le terme de «sincérité» employé est particulièrement lourd de sens puisqu'un budget jugé insincère par le Conseil constitutionnel peut être invalidé. «Comment appelez-vous des sous-budgétisations récurrentes et connues au moment où elles sont décidées?» a martelé Didier Migaud, tout en soulignant que tous ses prédécesseurs avaient déjà dénoncé le manque de sincérité de certaines prévisions.
Dans le détail, les magistrats tablent sur des recettes inférieures de 2 milliards à l'objectif initial. En cause notamment, une surestimation des rapatriements de capitaux jusqu'ici détenus à l'étranger. Côté dépenses, la seule recapitalisation d'Areva, non comptabilisée par le précédent exécutif, coûterait 2,3 milliards. Quant aux dépassements des dépenses de l'État, ils se monteraient à 3,6 milliards.
Selon la Cour des comptes, le gouvernement ne pourra ramener le déficit dans les clous qu'en annulant «toutes les mesures d'accroissement de dépenses publiques non encore mises en œuvre»et en décidant de«mesures d'économies portant sur toutes les administrations publiques». L'effort sera considérable, d'autant que la Cour a déjà intégré, dans ses calculs, 2,5 milliards d'annulations de crédit dans son objectif de 3,2 %. Didier Migaud a d'ailleurs profité de sa rencontre avec le premier ministre pour dénoncer l'usage immodéré, par tous les derniers gouvernements, de ces pratiques de gestion court-termiste:«Il y a un problème de crédibilité. On peut geler les crédits, les surgeler. Un moment donné, le congélateur est plein!»s'est-il amusé.
L'équation pour 2018 s'annonce encore plus compliquée. À cet horizon, le précédent gouvernement s'était engagé à ramener le déficit à 2,3 % du PIB. La Cour des comptes ne donne aucun crédit à cette projection. Sur le seul périmètre de l'État,«les facteurs de hausse de la masse salariale et des autres dépenses devraient en 2018 tirer les dépenses de l'État à la hausse pour un montant compris entre 6,8 et 9,1 milliards d'euros, soit 8 milliards d'euros dans une hypothèse moyenne, correspondant à près de 0,4 point du PIB», alarment les magistrats. Et ce, sans avoir pris en compte les promesses de campagne du candidat Macron (suppression de la taxe d'habitation, réforme de l'ISF, transformation du CICE…) dont l'addition avoisine les 32 milliards d'euros (nos éditions du 15 juin). D'ailleurs, le président ne s'est engagé dans son programme qu'à ramener le déficit fin 2018 à… 2,8 %.

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