mercredi 21 juin 2017

Législatives: les 5 risques d'une très large majorité d'Emmanuel Macron

Après 1968 et 1993, l'élection législative de dimanche devrait donner une très large majorité à Emmanuel Macron. Un succès qui risque paradoxalement d'affaiblir l'Assemblée nationale.
" Chambre introuvable ", " raz-de-marée ", " vague jaune "… Les superlatifs se multiplient pour qualifier le groupe ultra-majoritaire dont devrait disposer La République En Marche (LREM) à l'Assemblée nationale dimanche soir. Selon les derniers sondages, le parti d'Emmanuel Macron devrait remporter entre 440 et 470 sièges au parlement. Une victoire inespérée pour le président de la République dont le mouvement politique n'a qu'un an d'existence. Pour autant, de nombreuses interrogations demeurent quant au bien fondé d'une telle hégémonie parlementaire. Retour sur les cinq défis qui attendent la future majorité.

L’inexpérience

C'est le revers de la médaille du renouvellement politique porté par Emmanuel Macron. De nombreux députés élus dimanche 18 juin n'auront aucune expérience politique. " La professionnalisation des députés sera un enjeu essentiel de ce début de législature, note Pascal Perrineau du Cevipof. Les novices vont devoir très vite se mettre au travail législatif, qui est un vrai métier. Ils pourront, bien sûr, compter sur l'aide des élus les plus expérimentés de la majorité, ainsi que d'assistants parlementaires chevronnés, sélectionnés pour leurs compétences techniques. Ils seront également aidés par les administrateurs de l'Assemblée nationale, un personnel d'une grande qualité ".

L’incompétence

En obtenant une majorité plus large qu'espérée, Emmanuel Macron risque de se retrouver avec quelques invités surprise à l'Assemblée nationale. " Des centaines de députés qu'il n'avait pas prévu de voir siéger au Palais Bourbon, qui ne sont pas très bien préparés, et qui pourraient faire preuve d'incompétence ", s'inquiète Gaël Sliman d'Odoxa. " Des personnes qui avaient été sélectionnées pour concourir dans des circonscriptions ingagnables, pour témoigner, et qui vont se retrouver à l'Assemblée nationale. " " Certains profils confinent à l'amateurisme ", abonde Pascal Perrineau. Autre problème posé par ces députés pas forcément désirés: le risque d'affaires judiciaires. " En Marche! a probablement passé moins de temps à vérifier leurs dossiers, note Gaël Sliman, et cela risque de poser des problèmes lorsqu'ils vont passer sous les fourches caudines du Canard Enchaîné et de Mediapart. On s'en aperçoit déjà. "

L’absence d’opposition

Avec 450 députés La République en Marche, le résultat des élections législatives devrait dépasser toutes les espérances d'Emmanuel Macron. " C'est la chambre introuvable de Louis XVIII, analyse Gaël Sliman. Il n'y a plus de place pour l'opposition qui se retrouve éparpillée façon puzzle. " Le PS et les Républicains devraient bien être en mesure de constituer un groupe parlementaire mais ils seront traversés par un clivage entre soutiens et opposants d'Emmanuel Macron. " Il y aura des frondeurs de gauche et de droite ", prédit le sondeur. L'hégémonie de La République en Marche crée deux problèmes majeurs: un sentiment d'injustice chez les Français, " qui ne comprennent pas pourquoi avec un tiers des votes, Emmanuel Macron obtient les trois-quarts des sièges " ; et un affadissement du débat parlementaire, qui a pourtant un rôle essentiel dans l'explication et l'acceptation des textes de loi.

La cacophonie

Comment cadrer une majorité aussi large? Avec 450 députés issus de milieux et de parcours différents, le risque de la cacophonie existe dans les rangs d'En Marche. " Le rôle du ministre des relations avec le parlement et du chef de groupe LREM sera déterminant ", analyse Pascal Perrineau. Pour les échanges entre le gouvernement et le parlement, Emmanuel Macron a choisi Christophe Castaner. Ancien député socialiste de 2012 à 2017, ce dernier dispose de l'expérience législative nécessaire. " Il a également une forme de rondeur qui tranche avec un Jean-Marie Le Guen, plus teigneux dans le combat ", note le politologue. A la tête du groupe parlementaire, le chef de l'Etat pourrait nommer le député de la Manche Stéphane Travert. Interrogé par Challenges, ce macroniste de la première heure défend une pratique parlementaire axée sur la " culture du compromis " et promet que les députés En Marche n'auront pas " pas les postures idéologiques qui ont miné la majorité socialiste lors du précédent quinquennat ". Entendre : "il n'y aura pas de frondeurs".

L’affaiblissement de l’Assemblée nationale

C'est peut-être le risque principal que fait peser l'élection d'un groupe macroniste ultra-majoritaire au parlement. L'Assemblée nationale risque de s'affaiblir durablement pendant le le quinquennat d'Emmanuel Macron. " Les députés En Marche lui sont tous redevables pour leur élection. Comment voulez-vous qu'ils décident du jour au lendemain de contrôler le gouvernement, interroge Gaël Sliman. Quant aux partis d'oppositions, ils auront du mal à faire entendre leur voix: le FN ou la France insoumise auront des difficultés à constituer un groupe parlementaire, et le PS et Les Républicains seront considérablement affaiblis. " Selon Pascal Perrineau, l'opposition pourrait se déplacer… au Sénat, où la droite est majoritaire, avec un bémol toutefois: la chambre haute n'a pas le pouvoir de contrôler le gouvernement. A moins que la contestation de l'exécutif ne bascule directement dans la rue, avec la crainte d'un " troisième tour social ". " Après tout, 6 Français sur 10 ne souhaitent pas qu'Emmanuel Macron dispose d'une large majorité à l'Assemblée nationale ", souligne Gaël Sliman.

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