Essayer de comprendre l’enthousiasme d’une partie des Français pour le nouveau Président n’est pas chose facile…
Essayer de comprendre l’enthousiasme d’une partie des Français pour le nouveau Président n’est pas chose facile et beaucoup s’y essaient. Laissant de côté la présidentielle, parlons des législatives. Pourtant, dira-t-on, l’abstention au premier tour monte à plus de 50 %, et 57 % ce soir du second tour. Certes, mais qui ne dit mot consent. Si les abstentionnistes ne sont pas enthousiastes, au moins sont-ils consentants : à quoi bon résister, de toute façon, c’est plié, et puis les autres nous ont déçus, et ces histoires d’élections s’éternisent, et puis si jamais ils y arrivaient, eux, à redresser le pays, laissons-leur une chance.
Voyons donc les autres, ceux qui se sont jetés sur les bulletins macroniens, qui ont envoyé promener des députés bien installés, qui n’avaient pas démérité, qui ont désespéré des vétérans de la politique comme Henri Guaino ou Jean-Frédéric Poisson, qui ont mesuré leur chance aux candidats FN d’un côté, FI de l’autre, qui ont sèchement congédié les PS et baffé les LR. Quand on regarde la macronmania en se fiant aux sondages par tranches d’âge, deux tendances se dégagent. Les plus jeunes sont réellement enthousiastes, ils prennent le pouvoir symboliquement à travers un Macron de 39 ans, qui leur paraît tout neuf et dont deux ans auparavant ils ignoraient le nom. Ils se voient propulsés avec lui et ricanent en contemplant la tête des vieux routiers qui essaient de retrouver une virginité dans les rangs du nouveau pouvoir.
Actualisation politique de la lutte des générations que l’emprise des baby-boomers avait retardée ? Cette jubilation est évidente quand on croise les distributeurs de tracts sur les marchés. Qu’ils se trompent n’est pas important : le propre de l’enthousiasme politique est de fabriquer le réel.
Les plus vieux, qui pourraient, qui devraient être de bon sens rassis et se méfier des acteurs talentueux, bien formés, bien accompagnés et richement soutenus, ont effectivement, hommes ou femmes, pour ce charmant jeune homme les yeux de Brigitte. Ils oublient ce qui leur pend au nez d’impôts pour les retraités, ils oublient les propos pour le moins douteux sur la culture française, l’art, l’Algérie, ils oublient ce que devrait leur avoir appris la vie sur les risques de l’exaltation politique, ils se rappellent peut-être leurs rêves de jeunesse soixante-huitarde, vécue ou fantasmée.
Les uns, plutôt à droite, se votent des certificats de morale en ayant rejeté Fillon, et se méfient désormais de ce qui vient du parti LR en décomposition. Ils vouent, bien sûr, à l’enfer le FN, encouragés par leurs Églises, ils se refusent à craindre les musulmans que ces mêmes Églises leur présentent comme messagers de paix et d’amour, et enfin, ils font confiance à un banquier, soutenu par banquiers et milliardaires divers, pour veiller sur leurs intérêts financiers. Un portefeuille bien garni vaut bien d’oublier la Manif pour tous !
Les autres, à gauche, s’attendrissent sur ce premier de la classe et leurs yeux s’embuent comme ceux de Gérard Collomb dont on n’aurait pas attendu pareil sentimentalisme, et pourtant sincère car soutien de la première heure, quand rien n’était joué. Ils se retrouvent en lui, ou plutôt rêvent d’un fils comme lui, quand elles se rêvent en Brigitte, et le voient en héros, « jeune, beau, traînant tous les cœurs après soi,/Tel qu’on dépeint nos dieux »…
Cette association des deux classes d’âge est un phénomène à la fois intéressant et inquiétant. L’enthousiasme est une drogue dure et la descente risque d’être rude après pareille montée. Dit autrement : attention à la gueule de bois.
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