Les frontons de nos édifices publics peuvent fièrement afficher le mot « Liberté », il convient d’être prudent et circonspect. La dernière élection présidentielle a permis de constater peu ou prou l’univocité des discours journalistiques, comme dans un pays où les partis seraient un et un seul. Les exceptions y tiennent lieu d’alibi. Ce parti, c’est sans doute celui de l’argent et il n’est pas opportun de s’opposer à sa ligne politique. Il est aisé de conclure que le rôle de contre-pouvoir naturellement dévolu à des médias libres n’est pas incarné par ceux ayant pignon sur rue : prisonniers des sujétions économiques (ses subventions et ses actionnaires) et culturelles (l’entre-soi journalistique), ils sont enfermés dans une arrogante et consternante servilité.
Qu’importe ! Le lecteur de Boulevard Voltaire se méfie des médias qualifiés de « mainstream » dans le jargon du métier (nous pourrions traduire par « dominants »). Il regarde avec méfiance, sait que certains choix éditoriaux occultent délibérément des faits, biaisent leurs analyses et en travestissent les causes et les effets pour servir la version ad hoc. Il cherche dans des médias alternatifs, ceux que le camp d’en face baptise hâtivement « fachosphère », des informations qui échappent aux filtres de la bien-pensance et du ministère de la Vérité. Internet, en facilitant la distribution de cette information, la libère. Du moins le croit-il.
Les réseaux sociaux sont un miroir où nous contemplons le reflet de notre civilisation, et ce n’est pas toujours reluisant.
Le vrai débat y est rare, on y trouve plus souvent de l’insulte, de l’invective, de la menace, du dénigrement, de la caricature, etc. Les sujets clivants donnent lieu à des empoignades virtuelles d’une rare violence. Parmi ces sujets, il y a la situation démographique et migratoire en France et ses conséquences. Sur Twitter, les comptes de certaines personnes diffusent en 140 caractères des messages favorables à une inversion migratoire radicale : le contraire de la politique de l’autruche qui prévaut officiellement. Lorsque le talent scriptural de ces auteurs éclate, parfois grâce à des outrances, leurs propos sont partagés largement et ils gagnent une audience récurrente plus large avec de nouveaux abonnés : ils deviennent en quelque sorte des leaders d’opinion.
C’est, pour ce système que tous disent combattre, intolérable : une expression de citoyens lambda qui seraient vraiment libres et ne se gêneraient pas pour exprimer des opinions, quitte à mépriser la bien-pensance ?
Alors, il y a la censure. Déjà, lors du second tour des élections présidentielles, des comptes avaient été temporairement et préventivement suspendus. Aujourd’hui, c’est la suppression définitive de certains comptes. Le motif allégué par Twitter est que les messages véhiculés par ces personnes n’auraient pas d’autres buts que de « créer de l’agitation ». Est-ce à Twitter de s’ériger en arbitre de ce qui constituerait une incitation à d’éventuels et bien hypothétiques désordres publics ?
La prochaine fois que vous lirez « Liberté » sur un fronton d’édifice public, vous aurez le droit de vous gausser, mais pour combien de temps ? Il semblerait que ce clan de la bien-pensance qui porte aux nues Voltaire ait oublié cet apocryphe « Vous proférez, Monsieur, des sottises énormes, mais jusques à la mort, je me battrais pour qu’on vous les laissât tenir », ici reformulé par Brassens. Les fascistes ne sont pas toujours ceux que l’on croit.
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