lundi 5 juin 2017

Richard Ferrand, le 11 mai 2017, au siège de La République en marche, à Paris, lors de la présentation des candidats du mouvement aux législatives.
Richard Ferrand, le 11 mai 2017, au siège de La République en marche, à Paris, lors de la présentation des candidats du mouvement aux législatives. (ERIC FEFERBERG / AFP)

Ce que révèle "Le Canard enchaîné" sur "l'affaire immobilière" du ministre Richard Ferrand

"Richard Ferrand piégé par une affaire immobilière et familiale." C'est en ces termes que Le Canard enchaîné annonçait, mardi soir, les révélations à paraître dans son numéro du mercredi 24 mai concernant le ministre de la Cohésion des territoires et candidat de La République en marche aux législatives. 
Alors que le gouvernement s'apprête à mettre sur la table sa loi sur la moralisation de la vie politique, cette affaire ouvre, selon l'hebdomadaire satirique, "la saga des locations familiales". Mais de quoi s'agit-il exactement ? Franceinfo vous fait un résumé. 

Que dévoile "Le Canard enchaîné" ? 

L'affaire commence en 2011. Richard Ferrand est à l'époque directeur général des Mutuelles de Bretagne, un organisme à but non lucratif. Selon Le Canard enchaîné, le bureau du conseil d'administration des Mutuelles se réunit en janvier 2011 pour choisir un nouveau local destiné à un centre de soins à Brest. C'est une société civile immobilière (SCI), nommée Saca, qui est choisie "à l'unanimité", pour un loyer annuel de 42 000 euros. Celle-ci n'existe pas encore légalement, "n'est même pas encore propriétaire des surfaces qu'elle propose à la location", et sa future gérante n'est autre que… Sandrine Doucen, l'épouse de Richard Ferrand.
"Fort de [cet] accord financier, Sandrine Doucen peut passer la vitesse supérieure", ajoute l'hebdomadaire. Elle enregistre sa SCI au capital de 100 euros avec un ami de Richard Ferrand (une SCI doit compter au moins deux associés) qui investit "un euro pour acheter une action, pendant que Sandrine Doucen s'offre les 99 autres". Quelques mois plus tard, elle achète les locaux brestois et obtient un prêt "d'un peu plus de 402 000 euros", soit 100% du prix d'achat ainsi que les frais de notaire : un "traitement réservé aux acquéreurs qui disposent d'un locataire dont les revenus sont garantis, précise Le Canard. La décision des Mutuelles va permettre à la compagne du directeur général de rembourser, à terme, la totalité de son emprunt bancaire."
En outre, "les lieux seront entièrement rénovés – et sans contrepartie – aux frais des Mutuelles, pour un montant de 184 000 euros", poursuit l'hebdomadaire.

Que répond le ministre ? 

L'opération n'a rien d'illégale, elle n'utilise pas l'argent public et n'a débouché sur aucune plainte. Aussi Richard Ferrand, sollicité par Le Canard enchaîné, ne dément pas les faits et assure qu'il ne s'agit pas d'un arrangement : "C'était la solution la moins chère, plaide-t-il. Le prix était conforme au marché, et rien n’a été caché : tout le monde savait que cette SCI était la propriété de ma compagne."
Dans un communiqué diffusé mardi, le ministère de la Cohésion des territoires prend le relais. "Cette polémique est le fruit de la nomination récente de Richard Ferrand au ministère de la Cohésion des territoiresCette nouvelle responsabilité a conduit à donner de manière injustifiée de l'écho à des dénonciations calomnieuses qui poursuivent Monsieur Ferrand depuis de longues années, sans qu'il n'ait rien à se reprocher: il est au contraire unanimement reconnu qu'il a su redresser les Mutuelles de Bretagne, sauver 120 emplois et en créer plus de 200", indique le ministère
Et d'ajouter : "Cette décision a été prise dans la pleine connaissance des liens qui unissaient Richard Ferrand et la propriétaire des locaux, dans le respect de toutes les règles en vigueur par le conseil d'administration, seul décisionnaire, et dont Richard Ferrand n'a jamais été membre."

Que disent les Mutuelles de Bretagne ?

Le président des Mutuelles de Bretagne à cette époque savait-il que la SCI retenue allait appartenir à l'épouse du directeur général d'alors, demande Le Canard ? Interrogé, Michel Buriens assure n'avoir "aucun souvenir" de cette information.
L'actuel président des Mutuelles prend, lui, la défense du ministre. Dans une lettre jointe par le ministère à son communiqué, Rémi Salaün assure : "Nous savions que parmi les hypothèses, ce local appartenait à la compagne de Monsieur Ferrand." Et de préciser que ce local "correspond, en tous points, à nos besoins".
Quant à l'actuel président du conseil d'administration, cité par l'hebdomadaire, il rappelle que le contrat a été signé par son prédécesseur et que les locaux correspondent "en tous points" aux besoins de la mutuelle. 

Quelles sont les réactions politiques ?

Benjamin Griveaux, porte-parole de La République en marche, a volé au secours de Richard Ferrand mercredi sur franceinfo. "On est dans le cadre d'une entreprise privée, il n'y a pas d'argent public, a-t-il rappelé. Est-ce que la décision a été prise par Richard Ferrand, non. C'est le conseil d'adiministration qui prend la décision et pas le directeur général. Il ne siégeait pas. Il n'a pas le droit de vote. Est-ce qu'il a caché que c'était sa femme non", a-t-il ajouté, soulignant que "la moralisation de la vie publique concerne l'argent public".
"Ça tombe mal parce que ça crée la suspicion dans un contexte de suspicion, je ne veux pas être langue de bois sur le sujet, a déclaré de son côté Christophe Castaner, le porte-parole du gouvernement, sur Europe 1. Ça meurtrit évidemment Richard qui est un homme d'une probité exceptionnelle (...), mais une chose est sûre, il n'y a rien d'illégal, il n'y a rien qui ne serait pas moral", a-t-il certifié.
A droite, en revanche, certains demandent l'ouverture d'une enquête, comme le président (LR) des Alpes-Maritimes, Eric Ciotti. 
Idem à gauche, où le premier secrétaire du Parti socialiste, Jean-Christophe Cambadélis, a demandé "solennellement" au Premier ministre, Edouard Philippe, et au ministre de la Justice, François Bayrou, de s'exprimer au sujet des révélations du Canard enchaîné concernant Richard Ferrand.
A l'extrême droite, Marine Le Pen, présidente du Front national, dénonce un "enrichissement personnel parfaitement immoral" et estime que le ministre devrait "poser sa démission".

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