lundi 5 juin 2017

G7: Macron et Trudeau rivalisent de tweets d’amitié pendant que le sang coule

Nous vivons vraiment d’étranges moments historiques. Alors que la Méditerranée est devenue une mer de sang, alors que l’Union européenne organise elle-même sa propre submersion migratoire, notamment par l’Italie, le G7 avait jeté son dévolu sur l’antique et enchanteresse Taormina pour, en ce week-end de mai estival, traiter des grands problèmes de l’heure.
Et quelles images le président français a-t-il décidé d’envoyer à la France et au monde pour son premier sommet international ? Celle de son amitié exaltée, passionnée, avec son homologue canadien Justin Trudeau, jeune comme lui, libéral comme lui, mondialiste comme lui, islamophile comme lui. Les poignées de main étaient chaleureuses, le cadre bucolique, le ciel d’un bleu sans tache, et les tweets s’envolaient, aussi doux que des roucoulades :
« Assis à la même table qu’Emmanuel Macron pour la première fois, nous parlons emploi, sécurité et climat, j’ai hâte d’avoir d’autres conversations, mon ami, »
​‌”
déclarait Trudeau.
Réponse de Macron :
« L’amitié franco-canadienne a un nouveau visage. @JustinTrudeau, à nous de relever les défis de notre génération ! »
​‌”
Et cela continuait :
« Première rencontre avec @EmmanuelMacron pour parler d’emplois, de sécurité et de climat – au plaisir de poursuivre ce dialogue, mon ami.
Et puis cette photo, publiée par le Président de la République, des deux hommes appuyés à un balcon sur la Méditerranée…
Et cette vidéo d’une déambulation des deux hommes, Macron toujours dans son jeu de mains tellement intense et vide qu’il en vient même à cueillir une fleur…
Sur les réseaux sociaux, les commentaires allaient bon train, s’amusant de cette rencontre bucolique de nos deux jeunes premiers, parlant même de « bromance »…
Ce même vendredi 25 mai, trois jours après l’attentat de Manchester, des djihadistes mitraillaient un bus de pèlerins coptes, en Égypte, faisant au moins vingt-huit morts.
Mais visiblement, entre deux carnages, la communication glamour de nos jeunes dirigeants, aussi optimistes qu’aveugles, ne saurait connaître de pause. Et la mise en scène de cette réciprocité ou de ce narcissisme de la jeunesse bo-bo béate qui nous dirige avait trouvé dans les lumières, les senteurs et les tweets de Taormina le cadre idyllique rêvé.
Un grand historien australien, Christopher Clark, a intitulé son livre sur la marche irresponsable des dirigeants européens vers la Première Guerre mondiale Les Somnambules. En 2017, à Taormina, quand l’Histoire se repassera les images de Macron et Trudeau sur les balcons de la Méditerranée, tout sourire dans cet air cristallin enchanteur, elle retiendra cruellement que les irresponsables de l’heure n’étaient pas seulement des aveugles ou des somnambules. Mais d’abord des indécents.

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