Arrangements en famille et conflit d'intérêts : pourquoi Richard Ferrand est fragilisé
Empêtré depuis une semaine dans une affaire liée à un montage immobilier réalisé en 2011, Richard Ferrand voit les polémiques se multiplier à son sujet.
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Mercredi dernier, Le Canard enchaîné a révélé les détails d'un montage immobilier réalisé par Richard Ferrand en 2011. Les Mutuelles de Bretagne, dont il était le directeur général, cherchaient alors des locaux commerciaux à Brest pour ouvrir un centre de soins. Le choix du président de la mutuelle s'était alors porté sur une SCI - pas encore constituée ni propriétaire d'aucun bâtiment - dont la propriétaire n'était autre que la femme de Richard Ferrand. La promesse de location en poche, celle-ci avait obtenu un important prêt bancaire pour acheter les locaux qu'elle loue depuis à la mutuelle. Outre une rénovation complète des lieux financée par les Mutuelles de Bretagne pour 184.000 euros, la valeur des parts de la SCI "a été multipliée par 3.000" en six ans. Depuis ces révélations, Le Parisien, Mediapart et Le Monde ont publié de nouvelles informations qui fragilisent la place de Richard Ferrand au sein du gouvernement.
Richard Ferrand à la manoeuvre
Selon Le Parisien de lundi, Richard Ferrand est intervenu avant l'accord passé entre sa femme Sandrine Doucen et les Mutuelles de Bretagne. En décembre 2010, il a en effet signé un compromis de vente de l’immeuble signifiant qu'il laisserait sa place à une SCI. Un document révélé par le journal évoque une "condition suspensive de conclusion d’un bail commercial entre la SCI devant substituer M. Ferrand et les Mutuelles de Bretagne." Ce schéma a facilité l'obtention du marché par sa femme, qui a pu obtenir plus facilement son prêt bancaire pour acheter les locaux en juillet 2011. Lundi, Alain Castel, l'avocat à l'origine de l'opération immobilière, a expliqué qu'en cas de conflits d'intérêts, un commissaire aux comptes aurait dû réaliser un "rapport spécial" pour le transmettre à l'assemblée générale de la mutuelle. Il n'y en a pas eu car ce dernier, contacté par Le Télégramme, a "[considéré] qu’il n’y avait pas de conflit d’intérêts".
Des liens familiaux au coeur de l'affaire
- Un Pacs dont Richard Ferrand n'a pas le souvenir
Richard Ferrand affirme en effet à qui veut l'entendre que sa femme et lui n'ont aucun "lien juridique". Le ministre espère ainsi mettre fin aux accusations de conflits d'intérêts. Si les deux personnes n'étaient effectivement pas liées par un mariage ou un Pacs en 2011 au moment où Sandrine Doucen a acquis via sa SCI les locaux au coeur de l'affaire, la mise à jour des statuts de cette même SCI en février dernier fait apparaître un Pacs signé le 2 janvier 2014. "Je ne suis pas partie à l’affaire. Je ne suis ni marié ni pacsé avec Sandrine Doucen", a-t-il pourtant déclaré encore lundi au Parisien.
- Des parts cédées à sa fille… de 13 ans
La SCI par laquelle la femme de Richard Ferrand a acheté les bâtiment loués depuis par les Mutuelles de Bretagne était détenue par deux personnes. Sandrine Doucen détient 99% des part de l'entreprise tandis qu'un ami du couple avait acquis en 2011 une seule part. En février 2017, c'est la fille de Richard Ferrand qui a récupéré cette part. Agée de 13 ans, la collégienne était représentée chez le notaire par ses parents "agissant en tant qu’administrateurs légaux des biens de mademoiselle", selon des propos cités par Mediapart.
- Un emploi à l'Assemblée nationale pour son fils
La fille du ministre ne serait pas la seule à avoir bénéficié de la position de son père. Selon Le Canard enchaîné, Richard Ferrand a versé 8.704 euros brut à son fils embauché quelques mois en tant que collaborateur parlementaire entre janvier et mai 2014. "Je ferai observer que quand mon fils était salarié quatre mois et rémunéré au Smic, les collaborations familiales se chiffraient à plus d'une centaine" au sein de l'Assemblée, a expliqué le ministre, assurant que son fils avait effectivement travaillé. Et même si l'affaire pourrait ne rien avoir d'illégal, elle pose problème à l'heure où le gouvernement table sur la moralisation de la vie publique.
- Sa première femme embauchée
Selon Mediapart, l'ex-épouse de Richard Ferrand a été choisie pour travailler à l'aménagement des locaux achetés par Sandrine Doucen. Cette dernière a confirmé l'information sans évoquer sa rémunération. Sa mission : "Une proposition de mise en couleurs, la sélection de mobiliers, un relevé de plans, la conception d’une signalétique." Cette artiste peintre a également été retenue par les Mutuelles - après mise en concurrence - pour "repenser l’enseigne et les boutiques de certains opticiens du réseau" en 2013.
Des arrangements avec la mutuelle?
Sa déclaration d'intérêt à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique le prouve : en 2014, Richard Ferrand percevait encore 1.250 euros par mois comme chargé de mission auprès de la nouvelle directrice de la mutuelle Joëlle Salaün alors qu'il était député. Comme l'écrit Le Monde, le nouveau parlementaire a aussi embauché à son arrivée à l'Assemblée nationale le compagnon de cette dernière, Hervé Clabon, comme assistant parlementaire. Un recrutement qui n'apparaît pas sur sa déclaration en revanche. A cette date, "Hervé Clabon ne travaillait pas avec moi dans le cadre d’un contrat de travail, même s’il était très présent", se défend aujourd'hui le ministre.
Ces liens avec la mutuelle révèlent sous un autre jour la proposition de loi déposée à l'automne 2012 par Richard Ferrand et d'autres députés portant sur les "conventions entre organismes d'assurance maladie complémentaire et professionnels de santé". "Richard Ferrand m’avait dit qu’il avait travaillé pour les Mutuelles de Bretagne, mais pour moi c’était du passé. Si j’avais su qu’il était encore chargé de mission, la question, je l’aurais posée clairement. Il était en lien d’intérêts", affirme au Monde, la socialiste Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale.
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