Wauquiez, l’architecte de la nouvelle droite
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/ Mardi 23 mai 2017 à 00:00
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Confidences de précampagne. Il devrait être, au terme du congrès de l’automne, le prochain président des Républicains. Avec l’ambition, malgré la gueule de bois postélectorale, de refonder une vraie droite sur les ruines de la présidentielle.
À l’écouter parler, longues échasses dépliées à l’avant de sa berline, fourchette en plastique plantée dans une cuisse de poulet tiède, on croirait que la droite se porte bien. La défaite de Fillon ? Balayée d’un « je suis convaincu que nos idées sont plébiscitées ». La concurrence du Front national ? Minimisée, depuis le débat de l’entre-deux-tours où « Marine Le Pen a montré qu’elle n’est pas à la hauteur ». Le sans-faute d’Emmanuel Macron et son habileté à chambouler le paysage politique ? Démentis dans une pirouette optimiste : « Après cinq ans de Macron, qui n’est pas adossé à un spectre de valeurs, les Français voudront une droite qui s’assume. »
« Qu’on ne compte pas sur moi pour laisser vide l’espace entre ça et le FN »
Le choc du 23 avril 2017, donc, et l’élimination — pour la première fois de l’histoire — du candidat de la droite au premier tour de la présidentielle, serait presque, à croire Laurent Wauquiez, une aubaine. « Ça peut être l’acte de renaissance de la droite, insiste-t-il. Tout peut être reconstruit à partir de là. Il y a un boulevard. » À l’entendre, l’hémorragie de cadres vers Macron et le débauchage de ténors de la droite pour entrer au gouvernement sont de bonnes nouvelles. Il conspue « ceux qui vont à la soupe, ceux qui ont mis la droite française dans la naphtaline », salue leur départ d’un « bon débarras » : « Je ne crois pas un instant que le renouveau de la politique française soit le débauchage de petits marquis technos », dit-il encore. Et d’avertir : « Qu’on ne compte pas sur moi pour laisser vide l’espace entre ça et le FN. » La droite se meurt, la droite est morte, dit la rumeur, mais Wauquiez regarde ailleurs.
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Acclamé par la base, contesté dans les hautes sphères : telle est l’équation wauquiézienne. Dans les salons, on l’accuse de tous les maux : Wauquiez serait un desperado de la politique, menant une OPA sur les voix de droite pour son ambition personnelle ; Wauquiez préparerait secrètement une alliance avec le FN ; Wauquiez radicaliserait la droite et l’emmènerait dans le mur ; Wauquiez ceci, Wauquiez cela…
C’est d’ailleurs lui que le nouveau ministre Gérald Darmanin prend pour cible afin de justifier son ralliement à Macron, pointant dans la Voix du Nord sa « différence fondamentale, ontologique, avec une partie de [s]a famille politique, celle qu’incarne désormais monsieur Laurent Wauquiez ». Autant de procès balayés par les électeurs et les militants des Républicains qui, appelés aux urnes, à l’automne, pour le prochain congrès du parti, risquent, si l’on en croit leur inclination idéologique et les résultats de l’applaudimètre, de plébisciter ce nouveau héraut de la “droite des valeurs”.
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« Je ne suis pas en marge du parti, je suis à son centre de gravité »
Les critiques, lui les a anticipées. Et pour certaines, désamorcées. Son côté sniper a été gommé, il n’est plus solitaire et met désormais en avant les noms de ceux qui composent sa galaxie politique, à la confluence du sarkozysme et du fillonisme : Brice Hortefeux, Rachida Dati, Christian Jacob, mais aussi Isabelle Le Callenec, Annie Genevard, Gérard Larcher…
La ligne politique du parti, ensuite, s’est déportée sur la droite. « Je ne suis pas en marge du parti, je suis à son centre de gravité », martèle-t-il en réponse à ceux qui plaident pour un recentrage. Il s’amuse de la propension des « chapeaux à plume » à s’exprimer dans les médias, les trouvant « à l’ouest ». Les défie :
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Il y aura une élection à la tête du parti, qu’ils viennent ! Ma différence, c’est que, les élections, je les gagne. Et avec mes idées. Je n’ai pas besoin de demander les voix de la gauche.
Les oukases de ses pairs
À quoi ressemblerait la nouvelle droite de Laurent Wauquiez ? Elle s’établirait sur de nouveaux visages, cesserait de s’excuser de ne pas être de gauche, renouerait avec le triptyque valeurs, travail, autorité, détaille l’impétrant. Engagerait un travail de refondation idéologique, un an durant, et repenserait son rapport à la frontière, à l’équilibre Europe-nation, à l’immigration, à l’assimilation. « L’innovation dans le domaine des idées est chez les intellectuels, plus chez les politiques », regrette-t-il. Wauquiez assume une « vraie vision commune » avec Éric Zemmour et cite ses échanges avec Malika Sorel, Camille Pascal, Marcel Gauchet, François-Xavier Bellamy, Thibault de Montbrial, Alain Finkielkraut…
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Lui-même a déjà fait sa mue, depuis plusieurs années, subissant les oukases de ses pairs et les critiques du milieu parisien — Jean-Pierre Raff arin se désolait, en 2014, qu’il « parle comme le FN » après avoir fait de si longues études… « C’est un processus d’émancipation intellectuelle, s’amuse-t-il. Il faut assumer de lire de la haine dans les yeux sur les plateaux de télévision. »
La droite renouera-t-elle un jour avec la victoire ? « Celui qui lui rendra sa fierté et sa voix sera celui qui portera ses couleurs en 2022 », répond Wauquiez. Lui semble avoir mûri grâce à l’échec de Fillon. Janvier 2017 : très proche de la ligne victorieuse à la primaire, il renâcle à l’idée de s’engager dans une campagne où juppéistes et lemairistes ont trusté les postes à responsabilité et où la thématique des classes moyennes a été évincée au profit du sang et des larmes. Les affaires font exploser la candidature de François Fillon en vol. « Tu prends une responsabilité énorme, prévient-il le député de Paris. Si tu dois te retirer, c’est tout de suite. » Il contemple alors le bal des vautours autour d’un Fillon seul, aff aibli, acculé. Songe même à provoquer un vote du conseil national des Républicains pour changer de candidat. Aurait-il pu le remplacer au pied levé ? « Sans problème. J’avais le socle de valeurs nécessaire pour être candidat. » Mais personne ne veut être le Brutus qui va assassiner Fillon. « C’est une période pour les gens qui ont du sang-froid », lui glisse alors Nicolas Sarkozy.
Le SMS de François Fillon
La suite est connue : Fillon résiste, tient, défie. Wauquiez sent que c’est fini. « Après les costumes, je savais que c’était mort, à cause de chez moi. Sur le terrain, j’ai vu des gens choqués. » Mais de Fillon, le futur candidat à la présidence des Républicains dit aujourd’hui du bien : « Il pouvait prendre une autre décision en février, mais après, respect. Il a montré une vraie force dans l’adversité. Et finir avec 450 000 voix d’écart, c’est un miracle. » Au soir du premier tour, il sera l’un des rares à téléphoner à Fillon, claquemuré dans son quartier général, lâché par tous ou presque. « Tu es l’un des seuls à avoir eu de la dignité. Merci », écrira même le candidat défait, pourtant avare de SMS, en ce soir de défaite.
Qu’on se le dise : Laurent Wauquiez n’est plus ce Huron mettant, en 2004, les pieds dans le plat de la politique française. Encore moins le cabot qu’on a connu dans ses jeunes années ministérielles. Ultime certitude : il faudra compter, dans les années qui viennent, avec celui que la presse surnomme désormais — il s’en délecte — « le droitier Laurent Wauquiez ». Ironie du sort, il écrit de la main gauche. Ne surtout pas y voir un signe…
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